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André Bercoff : « Dans ce que l’on appelle les démocraties, on ne tue pas, mais on invisibilise, à travers une mort sociale. »

André Bercoff est journaliste et écrivain. Il anime une émission quotidienne sur Sud Radio et il est devenu l’un des interviewers les plus populaires sur les réseaux. Il est récemment venu à La Baule pour donner une conférence sur la liberté d’expression, à l’invitation de l’association Cercle 7. Ce fut l’occasion pour lui de passer quelques jours de vacances à La Baule et de répondre aux questions de Yannick Urrien sur Kernews.

Kernews : On a le sentiment que la liberté d’expression se restreint au même rythme que les libertés individuelles ou le droit de propriété. Que pensez-vous de cette réflexion ?

André Bercoff : Oui, je crois qu’il y a un tout, car quand on parle de la liberté d’expression qui se réduit, on parle des expressions de la liberté qui se réduisent et ce n’est pas simplement un jeu de mots. La liberté, c’est la responsabilité, mais c’est surtout la pluralité. Un peu partout dans le monde, pas seulement en France, au nom de la liberté et de la pluralité, on restreint les choses. Par exemple, on nous explique qu’il faut le pluralisme. Cependant, quand Madame Delphine Ernotte, PDG de France Télévisions, dit : « On ne parle pas de la France telle qu’elle est, mais comme on voudrait qu’elle soit », c’est extraordinaire, le réel ne compte plus et, ce qui compte, c’est sa perception du réel. La nouvelle directrice de France Inter a récemment dit que son antenne était ouverte à tout le monde, mais attention, quiconque ose mettre en question le réchauffement climatique n’a pas sa place sur France Inter ! Cela veut dire que, au nom de la soi-disant démocratie dont on se gargarise, on vous explique que si vous n’êtes pas d’accord, vous n’aurez pas la parole. C’est de la fausse morale car derrière cela, il y a cette prétention de savoir ce qui est bon et d’être dans le camp du bien. À partir du moment où vous n’êtes pas d’accord avec moi, vous n’êtes pas dans le camp du bien, donc vous êtes dans le camp du mal. On ne va pas vous mettre en prison, on ne va pas vous tuer, on ne va pas vous mettre dans un camp de concentration… Mais on ne va pas vous donner la parole.

Et l’on va aussi vous fermer votre compte en banque…

Bien sûr. Non seulement votre compte en banque, mais on va également vous réduire beaucoup de choses. Cela s’appelle le mensonge par omission. On ne va pas vous attaquer, mais on ne parlera plus de vous. Vous serez sur une liste noire, vous n’existerez plus. Regardez ce qui se passe depuis quelques années sur de nombreux sujets, comme l’histoire de la Covid 19, le réchauffement climatique ou la guerre entre la Russie et l’Ukraine. On voit bien que quiconque va à rebours de la doxa devient invisible. Cela s’appelle l’invisibilisation, toujours au nom du bien et de la bonne conscience.

La plupart de nos compatriotes allèguent que c’est une caricature et que nous sommes toujours dans une démocratie…

J’adore ! Bien entendu, nous ne sommes pas en Corée du Nord. Mais est-ce parce que nous ne sommes pas en Corée du Nord que tout se passe bien ? Au nom de quoi, à partir du moment où vous dites liberté, égalité, fraternité, France pays des droits de l’homme et de la liberté, faut-il accepter une espèce de banalisation et d’aseptisation des propos ?

Si l’on prend l’exemple du débat sur la vaccination, on vous répond que les propos de certaines personnes peuvent inciter des gens à ne pas se faire vacciner, donc à se mettre en danger et à mettre en danger les autres… Idem pour le climat…

Rappelez-vous les milliards de réfugiés climatiques qui allaient déferler : on les attend encore ! Il y a quatre ans, ce n’est pas il y a très longtemps, seulement quatre ans, on nous disait « Tous vaccinés, tous protégés », il fallait vacciner les enfants, on arrêtait les gens sur la plage, alors que, quelques semaines plus tôt, on disait que le masque ne servait à rien. Rappelez-vous quand même cette vidéo immonde où l’on voyait une petite fille embrasser sa grand-mère et, l’image d’après, la grand-mère était intubée en train de crever, comme si la petite fille avait empoisonné sa grand-mère ! Tous les scientifiques, y compris le professeur Delfraissy, président du Conseil scientifique, disent aujourd’hui : « On a foncé, mais on ne savait pas ». Il faut le dire, ce n’est pas une question de vaccination, il y a eu une expérimentation à l’échelle mondiale de ce que j’appelle le management par la peur. On nous a dit : « On va s’occuper de vous, on va vous faire peur, ne nous embêtez pas, on va vous faire vivre dans une certaine appréhension pour que vous restiez tranquilles. »

Je me souviens des consignes d’un médecin, à l’époque adjoint au maire de La Baule, qui était avec sa note de la Préfecture pour nous expliquer très sérieusement que sur la plage, il fallait être en position debout et active !

Votre interlocuteur a eu un grand maître en la personne de Jean Castex, ancien Premier ministre, qui disait que dans un bar, il fallait consommer assis, mais pas debout ! Tout cela en précisant que le virus passait à 1,50 mètres : « En dessous, vous ne risquez rien. Au-dessus, le virus vous tue ». Quand on est arrivé à ce niveau d’abrutissement et de crétinerie organisé, on peut quand même se poser des questions. C’était une expérimentation psycho-mentale qui va au-delà de la santé, comme des rats de laboratoire, pour nous faire accepter la peur.

Dans beaucoup de pays, y compris ceux que l’on qualifie de dictatures, le champ de la liberté d’expression est beaucoup plus vaste, car les gens peuvent librement parler de géopolitique, du climat ou de la vaccination. En France, on peut critiquer le gouvernement et le président de la République, mais ensuite la liste d’interdictions est énorme…

C’est un vrai problème et votre réflexion est très intéressante. Dans ce que l’on appelle les démocraties, on ne tue pas, mais on invisibilise, à travers une mort sociale et une mort culturelle. On peut reprocher beaucoup de choses aux États-Unis, mais le premier amendement de la Constitution américaine, c’est vraiment la liberté d’expression absolue. La liberté d’expression, c’est justement de pouvoir laisser dire des choses qui ne plaisent pas. La liberté d’expression, ce n’est pas uniquement parler avec des clones, sinon c’est trop facile. Le problème, c’est la concentration des médias. Il y a sept familles qui tiennent la totalité des médias en France, ce n’est pas direct, c’est beaucoup plus subtil. Quand il y a des familles qui ont des intérêts avec le gouvernement pour faire des affaires, on ne va pas aller contre le gouvernement évidemment. Les réseaux sociaux charrient le meilleur et le pire. Cependant, on constate qu’énormément de gens se sont détournés de la presse, de la radio ou de la télévision, pour regarder ailleurs, parce qu’il y a des territoires de liberté. Elon Musk a racheté Twitter pour en faire X et un espace de liberté. Mark Zuckerberg, PDG de Facebook et Instagram, vient de publier une lettre de mea culpa en reconnaissant qu’il avait cédé aux pressions du FBI et de la CIA qui lui ont demandé de ne pas laisser passer certaines informations sur la Covid, de ne pas laisser passer des informations sur l’implication de Biden, père et fils, en Ukraine, avec l’affaire de l’ordinateur portable du fils Biden contenant des informations sur la pédophilie, la prostitution et la drogue, y compris des informations sur ce qu’il touchait des Chinois et des Ukrainiens. J’ai été le seul à en parler il y a quatre ans. J’ai eu le feuilleton de l’ordinateur du fils Biden, c’est hallucinant, et pendant plus de trois ans personne n’en a parlé en France. Ce n’est pas normal. Dans cette affaire de liberté d’expression, l’autocensure joue un rôle très important, car les gens se disent qu’ils vont avoir des problèmes s’ils en parlent.

Récemment, j’ai discuté avec un journaliste d’une chaîne de télévision nationale qui avait reçu les premières images d’attaque de drones sur une plage de Crimée. Le film montrait des baigneurs, des jeunes femmes et des enfants ensanglantés, des morts sur le paddle, toutefois le journaliste a coupé ces séquences. Il m’a confié n’avoir reçu aucune consigne, mais avoir fait cela par autocensure…

Absolument. On peut dire pareil avec les attentats en France : remarquez les deux poids deux mesures, si la victime ou le bourreau est racisé ou non. D’un côté, les victimes deviennent bourreaux et les bourreaux deviennent victimes en fonction de leur ethnie. Selon votre communauté ou votre ethnie, vous serez bien ou mal considéré. Aujourd’hui, le planning familial peut dire qu’un homme peut tomber enceint sans que les gens hurlent de rire, et ça passe. Maintenant, si j’ai envie de me sentir chèvre, c’est mon droit et si vous n’êtes pas d’accord avec moi, c’est que vous êtes raciste. C’est toujours la reductio ad Hitlerum. Cette théorie de sous-préfecture ne me gênerait pas si tout cela n’avait pas vraiment pignon sur rue.

L’autre forme d’atteinte à la liberté d’expression consiste à dire à certains journalistes : « Vous avez invité Untel, donc je ne vous répondrai pas… »

C’est formidable, cela vient toujours des gens qui se prétendent progressistes. Quand j’ai reçu Renaud Camus, auteur du  « Grand remplacement », j’ai contesté sa théorie, nous avons discuté calmement et l’on m’a dit que je ne pouvais pas le recevoir. Pourtant, cet homme n’est pas un pédophile et il n’a tué personne… En France, la raison a été remplacée par l’émotion. On n’a plus d’opinions, mais des passions. La passion, c’est très joli, quand elle est amoureuse ou filiale, mais c’est n’importe quoi quand il s’agit des idées. Il ne faut pas oublier que quelque chose s’appelle la raison. Ce qui me frappe, c’est lorsque l’on transforme la science en religion, au nom de la science, alors que la science n’est que contestation, études, progrès et avancées. Il y a une volonté des pouvoirs à faire respecter leur narratif, en l’assénant du matin au soir, et il y a aussi une certaine soumission des médias et de la classe politique à la doxa en vue pour « ne pas faire le jeu de » ou « pour ne pas passer pour… » Tout cela annihile la pensée et rétrécit tout.

Il est amusant que vous citiez Renaud Camus qui était il y a quarante ans une icône du monde gay… Comme quoi, tout le monde réfléchit et évolue…

Il faut évoluer vers l’ouverture et pas vers la fermeture. Il faut écouter les gens et se battre, comme disait Voltaire, pour qu’ils puissent s’exprimer, même si l’on n’est pas d’accord avec eux.

Il est facile d’inciter les gens à se cultiver. Cependant, c’est toujours 30 % de la population qui essaye d’aller vers d’autres chemins intellectuels, tandis que 70 % préfère rester dans le conformisme…

C’est l’histoire du monde. Ce sont toujours, hélas, les minorités qui font bouger les choses. Pour le pire, combien de bolcheviques en 1910 ? Combien de nazis en Allemagne ? Mais, pour le meilleur, combien de résistants aussi ? Nous sommes tous occupés, on doit s’occuper de sa famille, on doit gagner sa vie, mais, face aux gens qui disent que l’on ne peut plus rien faire, je réponds : « Que dit le moustique si un homme doit coucher avec lui ? » Ensuite, si vous plongez votre tête dans le sable, n’oubliez pas qu’une autre partie de votre anatomie est ouverte à tout vent. Alors, faites attention, il peut y avoir des chocs extrêmement douloureux ! Enfin, pour être sérieux, prenez votre temps, arrêtez de regarder la télévision et lisez. Si l’on ne connaît pas l’histoire, on ne comprend rien à l’avenir et rien au présent.

Peut-être faut-il aussi ne pas se comporter à l’égard des autres comme l’on n’aimerait pas que les autres se comportent envers nous… Si vous demandez l’interdiction de propos qui ne vous correspondent pas, d’autres pourraient en faire autant à votre encontre…

Bien sûr, c’est l’essentiel. Je partage vos propos. La liberté ne s’use que si l’on ne s’en sert pas. Regardez tout ce qui se passe dans le domaine de la sexualité, de la pornographie, de l’écriture ou du déboulonnage des statues. Tout le monde connaît Harry Potter : J. K. Rowling a dit qu’un homme était un homme et une femme, une femme. Or, pour cela, on l’a empêchée d’assister aux cérémonies pour les vingt ans d’Harry Potter. Quand on arrive à ce stade dans nos pays occidentaux, c’est qu’il y a quand même quelque chose de pourri.

Quelles sont les limites que vous vous fixez, outre celles de la loi, notamment dans le respect de l’autre ?

Et vous ? Donnez-moi un exemple…

Personnellement, c’est le respect du sacré à l’égard des croyants de toutes les religions. Ce qui ne signifie pas ne pas les critiquer, mais les respecter…

Je comprends. Je ne traiterai jamais un croyant d’imbécile parce qu’il est croyant. En revanche, je m’octroie le droit de critiquer la religion en tant que telle, comme je critiquerai la démocratie quand elle dérive. Ma ligne rouge est très simple : jamais je ne diffuserai un appel à la haine, un appel au meurtre, un appel à la ségrégation et un appel au racisme. À part ça, vive l’extension du champ des possibles !

Écrit par Rédaction

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