Emmanuel Macron annonce l’instruction obligatoire à l’école pour tous dès l’âge de 3 ans et cela dès la rentrée 2021. Le président de la République souhaite ainsi traiter le problème des enfants qui échappent à tout contrôle et qui reçoivent une instruction dans des écoles clandestines ou des lieux informels à caractère islamiste. Pourtant, l’association Créer son école estime que le renforcement des contrôles sur les écoles privées hors contrat, qui sont des institutions privées dûment déclarées et contrôlées, et sur les familles pratiquant l’IEF (instruction en famille) dans le cadre légal organisé par la loi, ne résoudra nullement le problème que rencontre notre pays. Anne Coffinier invite tous ceux qui sont attachés à la liberté d’enseignement à signer une pétition sur le site educfrance.org pour demander au gouvernement de renoncer à son projet d’interdire l’instruction en famille, car la Déclaration universelle des droits de l’Homme reconnaît que « Les parents ont par priorité le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants. » (Art. 26-3).
Anne Coffinier, présidente de Créer son école, répond aux questions de Yannick Urrien.
Dans son discours contre les séparatismes, Emmanuel Macron a évoqué la question de l’école en indiquant qu’il fallait interdire les établissements totalement privés hors contrat, ainsi que l’instruction dispensée à la maison. Beaucoup de gens, en pensant uniquement aux dérives de l’islamisme, estiment qu’il faut favoriser l’école publique obligatoire car il n’est pas normal que n’importe qui puisse créer librement son école. Pour Anne Coffinier : « Il y a vraiment deux sujets différents : il y a les écoles privées hors contrat et le fait de pouvoir faire l’école à la maison dans le cadre de l’instruction en famille. Ce sont vraiment deux choix bien différents et il est important que l’on puisse avoir des choix. En 1984, quand il y a eu les grandes manifestations pour l’école libre, beaucoup de gens sont allés marcher. Pas tellement parce que leur enfant était à l’école libre, mais parce qu’ils voulaient pouvoir garder la possibilité de l’y mettre, si jamais ils en avaient besoin. Donc, ils se mobilisaient pour garder une alternative. L’école à la maison, ou l’enseignement privé hors contrat, c’est pareil : c’est le fait de pouvoir garder un choix pour que, si l’enfant ne se sent pas bien, ne réussit pas, est harcelé, a un problème de phobie scolaire, a une santé fragile, ou s’il a un projet précis, comme devenir sportif de haut niveau ou musicien de haut niveau – il y a plein de raisons pour lesquelles il est important d’avoir un choix – l’on puisse avoir une école qui ait un projet pédagogique bien différent, c’est-à-dire une école privée hors contrat. Ce sont ces cas concrets qui conduisent à se tourner vers ce type de choix. Aujourd’hui, en 2020, on a plus que jamais envie de pouvoir avoir un choix et l’on n’a pas envie de se retrouver coincé dans une option unique. Lorsque l’on présente les choses de cette manière à nos concitoyens, ils reconnaissent qu’ils veulent pouvoir avoir un choix. Ils veulent choisir leur journal, ils veulent pouvoir choisir leur compagnie de gaz ou d’électricité – ce qui n’est quand même pas aussi important que le choix d’éducation d’un enfant – et ils veulent aussi pouvoir choisir une éducation pour leurs enfants. En Bretagne, par exemple, il y a le choix entre le privé et le public, et c’est aussi l’une des régions où le niveau scolaire global est le plus élevé. Donc, le fait d’avoir un choix contribue à l’amélioration de l’enfant. »
On a la liberté pédagogique et de programmes, à condition d’atteindre ce socle commun qui est défini par la loi.
La forme consiste à respecter le programme de l’Éducation nationale, mais en modifiant la manière de travailler, en aménageant des horaires pour, par exemple, faire davantage de sport. Le fond, c’est sortir du programme officiel en décidant d’enseigner davantage l’histoire ou la musique à son enfant. Anne Coffinier souligne : « Que ce soit l’enseignement privé hors contrat, ou l’école à la maison, dans les deux cas, il y a un cadre qui est fixé par la loi et ce cadre précise que l’enseignement qui est dispensé doit conduire les enfants à l’âge de 16 ans à la maîtrise de ce que l’on appelle le socle commun de connaissances, de culture et de compétences. Cela veut dire que l’État fixe un minimum que tous les enfants doivent maîtriser à 16 ans. Donc, on ne peut pas enseigner n’importe quoi, parce que l’on est contrôlé, et, si l’on fait n’importe quoi, l’État ordonne de rescolariser son enfant, dans le système ordinaire ou dans un autre type de scolarisation. On a la liberté pédagogique et de programmes, à condition d’atteindre ce socle commun qui est défini par la loi. Donc, c’est un bon équilibre. Si vous avez un enfant qui se passionne pour l’astronomie, il y en a plein, il est évident qu’il n’en fera jamais à l’école dans le cadre du programme officiel, alors que vous pouvez très bien faire des liens tout à fait intelligents entre les mathématiques, la physique et l’astronomie, et du coup alimenter la passion d’apprendre et le goût de l’enfant à faire des recherches par lui-même. Il peut faire des recherches sur Internet, un exposé, tout cela à partir d’une passion. C’est une manière de partir d’une passion et de tirer ensuite des compétences et des apprentissages. C’est quelque chose qui est très connu en Grande-Bretagne, où l’on tient compte de la passion des gamins pour les tirer vers le haut et développer en eux l’estime de soi, la confiance en soi et l’envie de prendre les choses en main. En France, on n’est pas très fort. On dit qu’il faut absolument suivre le programme officiel, mais en même temps cela fait 30 ans que des personnes très influentes dans la conception des choix pédagogiques disent que ce qui est important, ce n’est pas tellement ce que l’on apprend, parce qu’après tout, on l’oublie… Mais ce qui est important, c’est d’apprendre à apprendre. Donc, c’est la méthode pédagogique. Il est assez curieux de dire que ce qui compte n’est pas tellement ce que l’on apprend, mais la méthode et, en même temps, expliquer que c’est un drame si l’on s’éloigne d’un iota du programme officiel. Aujourd’hui, les enfants sont habitués à la facilité et à la surabondance d’accès à l’information de toute nature et il est essentiel de leur donner une rigueur et un goût de l’effort et une envie d’apprendre, à travers une curiosité de l’étude. Si, dans le cadre d’une éducation, publique, privée ou à la maison, on arrive à creuser cette envie, on a gagné. C’est aussi simple que cela. Il y a deux ans, le président Macron, par le biais de son ministre, a dit que désormais l’instruction serait obligatoire dès l’âge de trois ans, ceci depuis la rentrée 2019. Les enfants doivent donc aller à l’école toute la journée, sinon ils peuvent rester chez eux dans le cadre d’une instruction donnée par leurs parents et les parents doivent déclarer qu’ils font l’école à la maison. Donc, évidemment, cela a conduit à un boom de l’école à la maison, puisqu’il y a beaucoup de gens qui ne scolarisent pas leur enfant à trois ans, surtout à la campagne. Si l’on oblige l’école à trois ans, et non pas l’instruction, parce qu’en France il y a toujours une obligation d’instruction mais il n’y a pas une obligation de scolarisation, cela veut dire que tous les petits enfants de France à trois ans devront aller toute la journée à l’école, qu’ils soient fatigués ou non, prématurés ou non, propres ou non, tout le monde doit aller à l’école. En plus, si vous habitez en ruralité, vous devrez faire de longs trajets pour pouvoir aller à l’école avec un petit bout de trois ans qui ne pourra pas rentrer chez lui au moment du déjeuner. N’est-ce pas complètement disproportionné par rapport à l’objectif affiché, qui est de lutter contre le séparatisme islamique ? »
On a bien vu, après la période de confinement, que l’État a déclaré qu’il y avait plusieurs milliers d’élèves qui n’étaient pas réapparus à l’école publique
Selon elle, on doit régler le problème des enfants qui ne sont déclarés nulle part : « Déjà, vous avez les personnes qui n’ont pas de statut et qui n’ont pas de papiers. Après, vous avez le cas des mineurs isolés qui sont très nombreux. Ensuite, il y a le cas des gens du voyage qui sont en constant déplacement… Tout cela fait énormément de situations différentes qui posent des problèmes. On a bien vu, après la période de confinement, que l’État a déclaré qu’il y avait plusieurs milliers d’élèves qui n’étaient pas réapparus à l’école publique. Où sont-ils ? Cela m’étonnerait que, soudainement, ils aient tous décidé de faire l’école à la maison ! Après, il y a le problème des gens qui sont entre différents pays, des gens dont le rattachement familial évolue et qui ne sont plus scolarisés au même endroit. La connaissance réelle de la scolarisation des enfants n’est pas du tout systématique en France. »