L’invité de Yannick Urrien : mardi 29 mars 2022
Charles Gave, ancien trader, est économiste, spécialiste des marchés financiers et président de l’Institut des Libertés. Ses interventions dans les médias sont toujours très attendues, car il est connu pour ne pas manier la langue de bois. Il répond aux questions de Yannick Urrien et explique pourquoi les sanctions infligées à la Russie pourraient ne pas lui porter préjudice. Il indique par ailleurs que la hausse des prix de l’énergie devrait entraîner une perte de pouvoir d’achat des Français de l’ordre de 17 % d’ici sept à dix ans.
Extraits de l’entretien
Nous avons en France le coût du travail le plus élevé au monde
Tout le monde sait que nous avons en France le coût du travail le plus élevé au monde. Notre industrie est quand même assez fondée sur la voiture thermique. Nous avions l’avantage de faire des moteurs thermiques extrêmement peu polluants. On a décidé, pour des raisons un peu incompréhensibles, de passer au tout électrique pour les voitures, tout en sachant qu’une voiture électrique a un bilan carbone qui est bien moins bon que les dernières évolutions de nos moteurs. Ce n’est pas moi qui le dis, mais le président de Peugeot : donc, il doit savoir de quoi il parle. On force un énorme changement de notre industrie et on la fait sortir d’un domaine où elle avait tous les avantages comparatifs, pour la faire aller dans un endroit où elle n’a plus aucun avantage comparatif, puisque cela fait dix ans que les Japonais, les Chinois et les Coréens font mieux que nous. Autre inconvénient, nous sommes sans doute la région du monde où les industriels sont les plus réglementés, à un point qui dépasse l’entendement. Ils ne peuvent pas faire un pas de côté sans demander la permission. Maintenant, nous allons avoir l’énergie la plus chère du monde. Nous avions une énergie qui était relativement bon marché, que l’on achetait à la Russie avec des contrats à long terme, qui n’ont plus lieu d’être, et nous allons nous retrouver avec une énergie qu’il faudra acheter sur le marché au comptant, c’est-à-dire pour à peu près 40 % de plus. Donc, on va se retrouver dans un monde absolument dramatique. Tout le monde dit qu’il faut réindustrialiser, mais on va désindustrialiser comme on ne l’a jamais fait dans notre histoire. Cela va être un vrai bain de sang. Je ne vois pas pourquoi je ne serais pas inquiet pour notre industrie française.
La Russie va maintenant être le pays où l’énergie sera la moins chère au monde
La Russie est un pays qui a des comptes courants excédentaires, c’est-à-dire qu’ils vendent plus à l’étranger qu’ils n’achètent à l’étranger. La Russie n’a pas de dette intérieure, les équilibres budgétaires sont respectés. Il n’y a pas de dette extérieure. Ils sont auto-suffisants sur le plan énergétique. Maintenant, ils vont vendre leur énergie à des nouveaux clients, beaucoup plus cher qu’auparavant. Nous sommes dans une crise énergétique considérable, sur laquelle j’écris beaucoup depuis trois ans, parce que l’on a cessé de faire des recherches dans le domaine des énergies fossiles depuis dix ans, pour faire des moulins à vent et des miroirs magiques… Mais aujourd’hui, dans le monde entier, 80 % de la dépense énergétique est faite dans des énergies fossiles. Donc, ce que l’on a fait n’a servi strictement à rien. Comme l’économie ce n’est que de l’énergie transformée, la Russie va maintenant être le pays où l’énergie sera la moins chère au monde. Dans ce contexte, préférez-vous avoir vos actions en Russie ou en France ?
Une perte de pouvoir d’achat pour les classes moyennes
Pas du tout. La Commission européenne a fait des études à long terme, qu’elle a publiées d’ailleurs, en disant que dans les sept ans qui viennent il va falloir baisser notre consommation d’énergie de 17 %. Vous avez une adéquation parfaite, à savoir un taux de corrélation de 99,5 %, entre la quantité d’énergie et le PIB. Cela veut dire que la Commission européenne organise une baisse du niveau de vie de 17 % sur les dix ans qui viennent. Ils ne s’en cachent même pas !