Charles Marinakis, président de Century 21, évoque les perspectives du marché immobilier pour cette année 2024. Le groupe indique : « Le prix moyen au mètre carré ne baisse que trop peu sur le plan national : – 1,7% pour les maisons, – 3,4% pour les appartements. Pour acheter, les acquéreurs renoncent à quelques mètres carrés (- 1,3 m² en moyenne sur un an). Cela contribue à réduire le montant moyen d’une transaction (- 4,2% tous types de biens confondus) mais cette baisse n’est pas suffisamment significative pour permettre au marché de retrouver une réelle tonicité. Les délais de vente s’allongent (+ 8 jours pour les maisons et + 14 jours pour les appartements). Ce recul des prix au niveau national est de surcroît en trompe-l’œil, car si l’on exclut la région parisienne, les prix immobiliers ne reculent que de 1% dans le reste de la France, loin des 10 à 15% de baisse nécessaire pour relancer le marché. »
Extraits de l’entretien
Kernews : Vous avez été le premier, dès l’an dernier, à annoncer une baisse des prix de l’immobilier. Il y a eu une première phase de prudence des vendeurs et le marché s’est donc bloqué. Ont-ils maintenant compris qu’il fallait baisser les prix pour vendre ?
Charles Marinakis : Je ne suis pas certain qu’ils aient vraiment compris la nécessité de baisser les prix. Si l’on fait une radiographie de l’année 2023, on s’aperçoit que les volumes ont baissé, – 6 % chez nous, parfois jusqu’à – 20 % ailleurs, alors que les prix ont finalement assez peu baissé. C’est l’information surprenante de l’exercice 2023. J’avais moi-même imaginé une baisse des prix un peu plus marquée, mais celle-ci n’est pas au rendez-vous et c’est un constat vraiment étonnant. J’espère que cela va entraîner une prise de conscience. Il est maintenant reconnu que le pouvoir d’achat immobilier des Français a été amputé de 16 % avec l’augmentation des taux d’intérêt. Nous devons arriver à reconstituer ce pouvoir d’achat. Pour le reconstituer, il y a plusieurs éléments. Tout le monde espère une légère amélioration des conditions d’emprunt. On observe un début de baisse des taux, on observe que les Français augmentent aussi leur apport personnel, en se donnant un peu plus de moyens financiers pour leur acquisition, et ils acceptent aussi de réduire la surface recherchée. Maintenant, j’explique aux vendeurs que c’est à eux de faire un bout de chemin, les acquéreurs ont déjà fait des efforts et si l’on veut arriver à les resolvabiliser à hauteur de 16 %, chacun doit faire un petit bout de chemin.
Vous n’évoquez pas la raréfaction de l’offre locative dans votre étude, alors que l’on entend tous les jours des témoignages de personnes qui doivent quitter leur appartement parce que le DPE n’est plus aux normes et que leur propriétaire préfère le mettre en vente…
L’offre de location s’est raréfiée pour la raison que vous venez d’évoquer, mais ce n’est pas la seule. Quand on fait moins de transactions, les couples de primo-accédants qui étaient locataires et qui rêvaient de devenir propriétaires, comme ils n’ont pas la possibilité d’acheter, ne libèrent pas de l’espace locatif. Tout cela congestionne le marché locatif privé. Les investisseurs ont aussi tendance à quitter le parc locatif privé pour déporter leurs biens vers du parc locatif saisonnier ou de la location meublée, pour se mettre à l’abri de toute la réglementation. Les gouvernements successifs ont tout faux et l’on ne parle même pas des contraintes énergétiques ou du plafonnement des loyers. Il est difficile de faire pire en ce qui concerne le marché locatif privé en France !
J’ai récemment lu dans la presse locale, à Saint-Nazaire, le témoignage du patron d’une petite entreprise qui a été expulsé de son logement, parce que son propriétaire ne peut plus le louer en raison du DPE. Or, cet homme se retrouve obligé de vivre dans son atelier ! Il y a même des cas de gens qui sont contraints de dormir dans leur voiture. Ma question est simple : vaut-il mieux vivre dans son véhicule ou dans un logement mal isolé ?
Je partage votre avis. J’ai récemment eu un débat avec une députée lors d’un salon professionnel – je ne me souviens plus de son nom – sur la question de la décence. Je lui ai demandé si elle préférait la décence locative à la décence humaine… C’est le sujet que vous mettez sur le tapis car, à un moment donné, il faut faire le choix entre la décence locative et la décence humaine. Je fais partie des gens qui considèrent qu’il vaut mieux loger des gens dans des passoires thermiques – encore faut-il relativiser, ce ne sont pas des taudis – plutôt que de voir ces gens dormir dans la rue ou dans leur voiture. Il y a un principe de réalité qui doit s’appliquer. Le mieux est l’ennemi du bien et, à force de vouloir faire le mieux, on finit par ne plus faire le bien.
Nos gouvernants ont-ils conscience de cette crise sociale ?
Je pense qu’ils en ont conscience. Le président de la République et le Premier ministre sont des gens intelligents et concernés, donc on ne peut pas imaginer qu’ils n’aient pas conscience de cela. Ils ont aussi conscience que pour certains marchés de l’immobilier, leur capacité à agir est nulle ou très faible. Maintenant, ils ne peuvent plus s’exonérer de la question du logement en France, à court terme pour quelques sujets qui méritent un traitement rapide, et plus longuement sur une politique du logement dans le temps. On a maltraité ce sujet depuis une vingtaine d’années. On ne peut pas tout mettre sur le dos du gouvernement Macron, ce serait injuste, mais on peut quand même lui reprocher l’absence de réaction et surtout l’absence de volonté de se saisir de cette problématique.
Enfin, que dites-vous à nos lecteurs qui préfèrent attendre avant de vendre, évidemment ceux qui n’y sont pas contraints, dans l’espoir de voir les prix remonter ?
Il ne faut pas dévoyer la philosophie originelle de l’investissement immobilier dans la résidence principale. C’est un outil de capitalisation, ce n’est pas un outil de plus-value. Il faut avoir cela présent à l’esprit. Si, en termes de capitalisation, le propriétaire estime qu’il va rentrer dans son argent parce qu’il a son bien depuis quinze ans, après c’est simplement un manque à gagner en termes de plus-value. La philosophie originelle du marché immobilier a été dévoyée. Je suis d’une génération qui achetait son appartement ou sa maison pour mettre sa famille à l’abri, être dans un confort de vie, et l’on capitalisait dans le temps en remboursant son crédit. Mais il n’a jamais été écrit nulle part que l’on devait gagner 50 % de marge à la sortie. On ne parle que de manque à gagner. Les gens qui ont acheté l’année dernière et qui sont obligés de vendre maintenant, ne rentrent pas dans leur argent. En Nouvelle-Aquitaine, ils ont fait 48% de plus-value au cours des sept dernières années, donc il n’est pas dramatique de leur demander un effort de 7 % sur le prix.