Didier Barbelivien à La Baule : une séance de dédicaces mercredi 14 février et un concert le 13 juillet prochain.
Didier Barbelivien, célèbre auteur-compositeur-interprète, explore les méandres de l’amour dans son nouveau livre. Il y évoque également son attachement à la presqu’île guérandaise et annonce qu’il sera en concert au Parc des Dryades le 13 juillet prochain.
Didier Barbelivien dédicacera son livre mercredi 14 février 2024 à partir de 15h00 à la Maison de la Presse de La Baule, 232 Av. du Maréchal de Lattre de Tassigny.
« La seule façon d’aimer » de Didier Barbelivien est publié chez Fayard.
Didier Barbelivien est l’invité de Yannick Urrien sur Kernews
Kernews : Est-ce la première fois que vous publiez un roman ? Pourquoi un roman d’amour ?
Didier Barbelivien : J’avais écrit un roman en 1990. C’est vrai, je ne suis pas un habitué du genre, puisqu’il s’est écoulé 34 ans entre les deux… J’ai été touché lorsque j’ai eu cette idée, l’histoire de ces personnages est très complexe, alors j’ai décidé de me lancer.
On constate que la force des émotions, à la lecture d’un livre, est supérieure à celle générée par le cinéma…
Oui. J’essaie de traiter chaque chapitre et chaque personnage comme un rouage essentiel. Il n’y a pas de personnages qui ne soient pas essentiels.
Imaginons un film dont la première partie rappellerait l’univers de Claude Chabrol, tandis que la seconde concernerait davantage Claude Lelouch…
C’est vrai, il y a cet univers un peu bourgeois dans la première partie, notamment la façon dont l’héroïne a été élevée. On parle de Jeanne Danicourt, alors que dans la seconde partie on parle de Jennifer Jones. Au début du roman, on comprend que c’est la même personne. C’est Jeanne Danicourt, son vrai nom, mais c’est aussi une star qui s’appelle Jennifer Jones. Quand elle s’installe dans l’avion, elle s’enferme un quart d’heure pour se maquiller et c’est Jennifer qui sort des toilettes. J’ai personnellement assisté à cette scène et tout est vrai, avec une actrice extrêmement célèbre : je m’assois à côté d’elle, je ne la calcule pas, elle se lève, elle reste un moment aux toilettes et, quand elle revient, je suis bluffé.
Évoquons maintenant l’amour qui s’inscrit au centre de votre livre…
Je me rends compte a posteriori de certaines choses. L’amour a changé ma vie. J’étais un enfant et un adolescent difficile. Je n’aimais pas ma vie, je n’aimais pas mon enfance, j’étais plus que rebelle. Un jour, lorsque j’avais 14 ans, je suis tombé amoureux, avec énormément de sentiments. Le cœur battant, j’ai découvert l’émotion et je suis devenu sensible. L’amour a permis de m’émanciper.
Votre héroïne, Jeanne, est donc issue d’un milieu bourgeois. Elle a 16 ans et elle a une liaison avec son professeur qui a une quarantaine d’années. Elle est éperdument amoureuse de lui. Ses parents portent plainte et il est condamné à de la prison. Ils se perdent de vue pendant des années. Jeanne devient une star internationale, mais elle reste toujours aussi éprise. Certains vont vous dire que ce n’est pas crédible…
Vous avez raison, cela peut ne pas être crédible, mais c’est la vie ! Il m’est arrivé d’aimer longtemps quelqu’un que je ne voyais plus. Elle n’était plus dans ma vie, mais elle était dans ma tête.
J’ai émis cette réflexion parce qu’à longueur de temps, sur les réseaux sociaux ou dans la presse, on s’évertue à nous expliquer que l’amour n’existe pas et que ce n’est finalement qu’une question d’argent, de sexe ou d’intérêt…
C’est triste, mais c’est vrai, on lit cela. Je viens de lire un article sur l’intelligence artificielle et c’est effrayant ! J’essaie d’éduquer mes filles, avec leur mère, dans la réalité des choses, mais il n’est pas certain que la future génération ne soit pas amoureuse d’un avatar. La disparition de l’émotion humaine est catastrophique, car les gens vont se priver d’un plaisir qu’ils ne connaissent pas.
Que pensez-vous de cette récente étude sur la forte baisse de la pratique sexuelle des jeunes Français ?
Cela m’a passionné, j’ai lu cette enquête. Ce n’est pas que la pratique sexuelle était débridée quand j’avais 15 ans, au contraire, mais il y avait une pudeur et des règles. C’était compliqué et l’on n’avait pas d’indépendance financière. L’éducation était plus stricte. J’ai connu l’époque où prendre la main d’une fille, ou l’embrasser, c’était un événement dans notre vie. Cela a changé ma vie, parce que j’étais quelqu’un qui n’avait pas de sentiments. Même la tendresse ne me concernait pas. Donc, je ne parle même pas de l’amour.
N’est-ce pas propre à tous les adolescents à un certain moment ?
Oui, mais cela dépend du degré. J’étais relativement indifférent vis-à-vis des êtres humains et j’avais des rapports difficiles avec ma mère. Cela me laissait dans un vide sentimental abyssal. Je ne comprenais pas pourquoi ma vie était ainsi.
Le déni des sentiments s’observe aussi dans l’approche de la vie quotidienne, sur tous les sujets : si vous n’êtes pas dans la doxa, que ce soit sur des questions de santé, de climat ou de politique étrangère, vos interlocuteurs se figent…
Oui, il faut être dans la ligne. Vous n’avez plus le droit d’avoir un avis contradictoire face à l’opinion ambiante, si possible donnée par quelques maîtres à penser qui sont complètement idéologisés. J’ai connu cela toute ma vie. Je suis né en 1954 et j’avais 14 ans en 1968. Les années d’après ont été un peu rock ‘n’roll pour ma génération, donc j’ai connu ça toute ma vie. Aujourd’hui, le débat a tendance à disparaître et, être différent, c’est être marginalisé. Avant, c’était une curiosité, aujourd’hui c’est une marginalisation. Je me rends compte de tout cela, que ce soit dans des discussions ou des débats. Mais ce n’est pas que chez nous : j’étais aux États-Unis cet été et je peux vous dire que cela prend une drôle de tournure.
Cela relève de l’absence de sentiments et d’empathie : donc on ne peut plus aimer après…
Je ne sais pas. Je crois que l’éducation sentimentale venait beaucoup de nos lectures. Quand j’étais adolescent, nous n’avions pas forcément des modèles, mais des exemples, comme « La princesse de Clèves » ou « Le diable au corps.». Il y avait pléthore de livres, y compris dans la littérature contemporaine. Je cite beaucoup de femmes, parce que c’étaient elles qui donnaient la tendance et qui portaient encore le romantisme.
L’éducation sentimentale venait de « La princesse de Clèves » et l’éducation sexuelle venait du catalogue de La Redoute…
Il y a une part de vérité dans ce que vous dites, cela fait sourire, mais c’était vrai. Après, il y a eu des magazines comme Playboy ou Lui. Mais les émois adolescents étaient d’abord portés par ces images de sous-vêtements que l’on retrouvait dans les catalogues de mode féminine.
Dans le roman, lors du procès, le professeur se défend en s’attaquant aux juges : « Vous me paraissez tous glacés, figés, empaillés, rien ne bouge dans vos cœurs et dans vos yeux, vous croyez juger l’un de vos semblables, mais je n’ai rien de commun avec vous. » On pourrait ressortir cette citation pour illustrer de nombreux sujets…
On écrit parfois ce que l’on souhaiterait lire ! Mon personnage est une sorte d’idéaliste. Même dans sa façon d’être amoureux, il ne le fait pas exprès. Il est passionné, il est emporté, il dit aussi qu’il ne contrôle plus rien. Ce n’est pas le perdreau de l’année, il a 40 ans, il sait qu’il devient asocial, il n’a aucune illusion sur lui-même.
Votre livre va peut-être donner l’envie d’aimer, car nous sommes dans une époque où beaucoup n’ont plus envie d’aimer…
Ce n’est pas faux. J’ignore si cela va donner l’envie d’aimer, mais je voudrais que cela recentre ce sentiment. Je voudrais que les gens se disent qu’il est possible de vivre une telle histoire. Il y a des êtres humains qui vivent sans n’avoir jamais connu un sentiment amoureux qui les emporte. Pour eux, cela passe par l’accouplement raisonnable. On ne sait pas trop pour quelles bonnes ou mauvaises raisons on est en couple, mais il y a des gens qui n’ont pas connu l’emportement amoureux, à savoir le délire incontrôlable. Je ne dis pas que c’est la panacée et je n’invite pas les gens à brûler toute leurs passions, parce que le monde serait bizarre. Mais il faut quand même avoir eu un jour ce déclic.
Pourquoi ce titre « La seule façon d’aimer » ?
Je suis parti de la phrase de François Sagan. C’est un point de vue que je partage quand elle dit qu’elle a aimé jusqu’à atteindre la folie, ce que certains appellent la folie, mais qui pour moi est la seule façon d’aimer. On oublie que c’est mon héroïne qui mène l’orchestre. C’est elle qui veut cet homme, ce n’est pas le contraire. Dans la littérature du XXe siècle, on nous présente toujours l’homme comme prédominant, il drague la fille ou la femme, il veut la séduire… Mais c’est le contraire.
C’est Sandrine Rousseau qui veut nous faire croire cela. En réalité, ce sont les femmes qui décident…
Sandrine Rousseau ? Ne perdons pas de temps à parler de cette personne ! Au premier regard, mon héroïne a décidé qu’elle voulait cet homme. C’est un sentiment qu’elle n’a pas connu. Quand elle va lui parler, elle en est encore plus persuadée, c’est cet homme qu’elle veut.
Quelques années plus tard, le professeur est défiguré à la suite d’ un accident et il change de nom. ils se recroisent pour des raisons que l’on ne va pas dévoiler ici. Elle retombe amoureuse de cet homme sans savoir que c’est lui… Il y a finalement un message assez spirituel sur ces âmes qui sont faites l’une pour l’autre et qui se reconnaissent toujours…
D’ailleurs, quand elle est seule dans sa chambre, elle se pose la question en se disant qu’elle n’est pas assez folle pour tomber amoureuse de ce monstre. Pourtant, si. C’est « La Belle et la Bête » et une part d’elle-même est amoureuse de lui. Elle est très attirée par cet homme qui n’a presque plus de visage humain, mais qui l’a séduite par ce qui émane de lui. Elle se sent bien avec lui. Ce sont des choses qui peuvent arriver. D’ailleurs, quand ils se séduisent, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, cela n’a rien à voir avec leur différence d’âge et ils se rapprochent autour d’un devoir rendu sur Guillaume Apollinaire. À ce moment-là, les deux savent qu’ils sont perdus, alors qu’ils ne se sont même pas touchés. Ils savent que l’histoire aura lieu.
Il faudrait que Franck Louvrier, président de l’Office de tourisme intercommunal, vous décerne une médaille puisque, dans ce livre, vous citez La Baule, Le Croisic et La Turballe…
Vous savez qu’il n’y a pas grand-chose qui m’est étranger en Loire-Atlantique, particulièrement dans cette région qui va de Pornichet à Piriac ! Je viens chanter à La Baule le 13 juillet, il n’y a aucun hasard à tout cela. C’est une volonté de ma part. Je suis passé de misérable à client des grands hôtels. J’ai eu le temps de faire le parcours… Je me souviens des endroits où j’allais lorsque j’étais adolescent, c’était très modeste. Quand j’avais 13 ans, je passais devant l’hôtel Hermitage en me demandant comment cela pouvait être à l’intérieur. Et puis, un jour, on m’a demandé de choisir la suite que j’allais occuper. C’est le jeu de la société et des hasards de la vie, il ne faut pas y attacher plus d’importance que cela. Mon hôtel a changé, ma chambre a changé de surface, mais j’ai toujours le même plaisir à ramasser les mêmes coquillages, comme quand j’avais 12 ans.