Le chanteur et auteur de centaines de tubes sera en concert le 13 juillet à La Baule.
Didier Barbelivien est à l’origine de très grands succès, créés pour lui ou pour les autres. Il sera sur la scène du Parc des Dryades à La Baule le samedi 13 juillet à 20h.
Kernews : On dit que vous êtes l’auteur compositeur qui collectionne le plus grand nombre de tubes… Comment passe-t-on du rôle d’auteur-compositeur à celui d’interprète, en conciliant ces deux carrières ?
Didier Barbelivien : Mais cela s’étale sur cinquante ans ! Pour dire la vérité, il y a une grande part de hasard. Il y a la volonté d’enregistrer, mais c’est toujours porté par le hasard. Quand j’ai fait l’album « Vendée 93 », après le duo avec Félix Gray, ce n’était pas du tout évident pour ma maison de disques. Elle était plutôt déconcertée que je sorte un album sur les guerres de Vendée. J’avais relu le roman de Victor Hugo, puis c’est l’instinct qui m’a poussé. Il n’y a jamais rien de prémédité.
Lorsque vous avez conçu des chansons comme « Elle » ou « Elsa », pourquoi avez-vous décidé de les interpréter, plutôt que de les confier à quelqu’un d’autre ?
C’est souvent une question de tonalité musicale. Il y a des chansons qui me vont dans la voix et d’autres qui me vont moins bien. Mon choix se détermine souvent par rapport à cela. J’ai enregistré « Elle » en 1980 et nous sommes en 2024. Je me suis référé à ce que m’a dit un soir Charles Aznavour, lors d’un dîner : « Il faut que tu puisses chanter ton premier succès dans cinquante ans. Il ne faut pas que la chanson disparaisse de ta voix ou de la mémoire du public. »
Comment pouviez-vous anticiper, par exemple au moment de la chanson « Elle », qu’elle serait encore connue des décennies plus tard ?
C’est certain, je ne domine pas cela. Mais, vocalement, oui. Je me suis dit que je pourrais toujours chanter cette chanson quarante ans plus tard. Dans mes premiers albums, il y a des chansons que je ne peux plus chanter au niveau de ma tessiture. C’est la magie et la servitude que l’on a envers la musique.
« Les Mariés de Vendée », c’est un thème qui traverse le temps…
C’est une chanson populaire et régionaliste. C’était un immense succès dans les territoires de l’Ouest, particulièrement en Vendée, mais bizarrement aussi en Alsace et en Savoie. Le public s’identifie à ce qu’il entend. Bien sûr, il y a un contexte précis autour de cet album « Vendée 93 » , mais cela pourrait être aussi les mariés du Poitou ou de Marseille… On pense d’abord à l’idée des mariés, la chanson n’identifie pas forcément la Vendée, malgré les paysages. Cela pourrait être les mariés de Clermont-Ferrand…
C’est aussi propre à cette histoire dramatique, avec un jeune couple convaincu de rester ensemble toute la vie, mais ils ne se reverront plus en raison de la guerre…
Dans l’album, le destin de ces personnes diffère. Dans « Te rejoindre en Vendée », effectivement, ils ne sont pas ensemble.
Votre force, c’est de passer de la Vendée à Jean Ferrat…
C’est la chanson « Jean de France ». J’ai pu surprendre dans mon inspiration tout au long de ma vie. J’adore Jean Ferrat et je ne vois pas pourquoi je me serais privé d’un hommage à Jean Ferrat, qui était un immense auteur-compositeur.
Les codes de Jean Ferrat, ses références sur le peuple de France, cette gauche de l’époque, cela existe-t-il encore ?
Cette gauche a disparu. Le prolétariat français a disparu. On ne parle plus de prolétariat, on parle des classes populaires. Le langage a changé et, un jour, il a fallu appeler technicienne de surface une femme de ménage ! Les classes populaires sont toujours là. Il y avait dans les années 60 et 70 une dignité à faire partie des classes populaires, alors qu’aujourd’hui on a l’impression que c’est honteux. On a déclassé socialement l’importance de nos agriculteurs et l’on s’en rend compte aujourd’hui. Quand j’étais petit, les agriculteurs étaient des personnes primordiales pour notre pays. Lorsque vous vous promeniez dans la France des années 60, il y avait ce que l’on appelle les paysans, c’était une réalité, il y avait des charrettes et des tracteurs quand on traversait les villages. On pouvait aussi voir des gens qui labouraient avec un cheval. Le monde a tellement voulu s’étendre, tout rentabiliser, tout mondialiser, que c’est devenu presque anecdotique. La mondialisation n’a rien d’évident. Je me demande ce que les gens de Charente ou du Poitou ont à voir avec ceux qui habitent en Inde…
Lors de votre concert au Parc des Dryades, allez-vous chanter vos chansons et aussi celles que vous avez écrites pour d’autres ?
Ce sera un mélange entre mes chansons et celles que j’ai écrites pour d’autres, mais il y aura aussi des chansons des autres. Je peux avoir envie de chanter une chanson d’Aznavour, de Ferré, de Brassens ou de Ferrat. C’est au moment de la balance, à 18 heures, que je choisis les chansons que je vais interpréter. Cela dépendra de mes envies. Je ne sais pas faire les choses mécaniquement, car il y a de nombreux paramètres. Cela peut dépendre de mon état physique, de mon envie, de la météo…
Pourtant, des tubes comme « Mademoiselle chante le blues », « On va s’aimer » ou « Michèle » sont associés à des interprètes précis, alors que ce sont vos chansons…
Vous venez de citer trois chansons que je chante en alternance, donc je ne sais pas. Je suis incapable de vous dire si je vais chanter « Mademoiselle chante le blues ». Je choisis cela au dernier moment, avec mes musiciens, et il m’arrive même de choisir une chanson sur scène. Je parle à l’oreille de mon chef d’orchestre, le public ignore ce que je peux lui dire, mais je lui demande de changer de chanson.
Beaucoup de gens viennent dans vos concerts avec un certain scepticisme, ils savent que vous avez écrit de grandes chansons pour les autres, mais un peu moins pour vous… Quand on va voir Julien Clerc, on ne ressort pas étonné, puisque c’est conforme à ce que l’on attendait. À l’inverse, on est surpris avec vous…
C’est ce que j’ai remarqué dans tous les concerts que j’ai donnés dans ma vie. C’est vrai, le public sort très étonné. C’est ma part d’improvisation et de spontanéité qui joue beaucoup. On est en train d’organiser tout l’aspect technique. Je suis en liaison avec les organisateurs du concert. Ils me parlent du matériel ou des lumières, mais je n’ai pas besoin de tout cela. Je demande de la simplicité, je ne suis pas les Rolling Stones et je n’ai pas besoin d’avoir de grands effets de lumières. Je n’ai pas besoin d’avoir un show spectaculaire. J’ai juste besoin d’être libre sur scène. Quand je chanterai à 20 heures, il fera jour et, après, il fera sûrement encore jour, puisqu’à 22 heures il fait encore jour en juillet. Or, j’ai besoin de voir les gens, du premier au dernier rang, afin de savoir à qui je m’adresse. Sinon, je chante devant un rideau noir. Il y a même des artistes qui chantent avec des trucs dans les oreilles, mais ce n’est pas mon cas, sinon je ne ressens absolument rien. Je suis là pour chanter en direct et pas pour faire un disque. J’ai besoin d’entendre mes musiciens en vrai, parce que j’ai une réelle complicité musicale avec eux. Mon batteur est sur la gauche, ce n’est pas par hasard, et mon clavier est à droite, je sais pourquoi aussi. Il faut que je puisse les entendre comme j’ai envie de les entendre. Je ne peux pas avoir de doutes sur la technique quand j’arrive sur scène.