Le regard sans concessions d’un immigré sur la France.
Driss Ghali est marocain et musulman. Il a fait ses études en France et y a commencé sa vie professionnelle. Aujourd’hui, chaque fois qu’il revient dans l’Hexagone, il est effaré et ne comprend pas ce qu’il voit. Comment le peuple français tolère-t-il l’américanisation aussi massive de sa culture, l’ensauvagement de ses manières et une présence de l’Islam toujours plus affirmée ? L’auteur cherche à savoir comment l’abaissement du pays peut être à ce point accepté par les Français. Diplômé des grandes écoles (Centrale Paris, EDHEC), Driss Ghali est spécialiste des relations internationales et il intervient au Maroc, au Brésil et en France.
« Français, ouvrez les yeux ! Une radiographie de la France par un immigré » de Driss Ghali est publié aux Éditions L’Artilleur.
Kernews : Vous racontez comment le Marocain que vous êtes perçoit la France d’aujourd’hui. On ressent chez vous une grande tristesse, comme un ami d’enfance qui vous déçoit parce qu’il est en perdition…
Driss Ghali : C’est un ami qui ne veut surtout plus entendre, qui devient fou, qui est toujours sûr d’avoir raison et qui s’enferme dans sa folie. C’est ce que je ressens par rapport à la France et certains de mes amis français. C’est une fuite en avant. C’est presque un phénomène sectaire.
Qu’est-ce qui vous irrite le plus chez les Français ?
C’est surtout le renoncement des Français à être les gardiens de leur pays. C’est-à-dire les gardiens d’une tradition d’exception, d’une langue d’exception, d’un art de vivre exceptionnel, mais aussi d’une grande histoire. À Paris, le Champ-de-Mars est devenu une zone de non-droit, la tour Eiffel est entourée de vendeurs d’amulettes et de mini tours Eiffel, le château de Versailles est entouré de vendeurs venus d’Afrique. Je n’ai rien contre les Africains et les musulmans, puisque je suis moi-même africain et immigré : je dis simplement que le devoir des Français serait que Versailles sente l’eau de rose et que le Champ-de-Mars ne soit pas un lieu où l’on risque de se faire violer. C’est le devoir des Français. Le monde, au sens de l’humanité, a des droits sur la France, parce que la France est un cadeau pour l’humanité, comme peut l’être le Japon d’ailleurs. Si, demain, le Japon s’amusait à partir en vrille, comme la France aujourd’hui, je dirais la même chose. Le monde a besoin des civilisations rares. Je ne voudrais pas que dans cinquante ans, on pleure la France comme on pleure la grande civilisation des Mayas. On assiste à une métamorphose française. Les Français assument tout cela sans rien dire et tout le monde trouve cela normal. Pendant ce temps, on est sur les mauvais sujets, comme le climat, les éoliennes, l’Ukraine ou les retraites, alors que le vrai sujet est la mutation en cours. Tout le monde se contrefiche de cela, alors que cette mutation a lieu sous nos yeux !
Les élites sont-elles déjà tellement mondialisées qu’elles ne pensent plus à la France ?
C’est une question difficile, puisque l’on tombe souvent dans le piège de dire que le peuple est pur et que les élites sont méchantes. En fait, le crime est collectif et nous sommes tous complices. La France sombre, parce que le peuple n’y croit plus et les élites non plus. Personne n’oblige les Français à appeler leurs enfants Jordan, Kevin, Kilian ou Steve ! C’est le nœud du problème. Personne n’oblige les Français à abandonner leur langue en employant des mots anglais en permanence. Il y a un renoncement du peuple à sa continuité historique. Regardez l’évolution des bars et des restaurants en France, avec l’apparition des burgers et des menus veggie, ou je ne sais quoi… Je suis horrifié chaque fois que je viens à Paris. Il n’y a plus que des mots anglais. Regardez une entreprise française, comme le groupe Accor, on nous parle de points « rewards ». Les élites profitent de ce renoncement et de cette fatigue pour aggraver la situation en donnant de nouveaux motifs aux Français pour ne pas s’aimer. C’est tout le mensonge autour de la guerre d’Algérie ou du colonialisme. On a convaincu les Français qu’ils étaient des esclavagistes et des nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce qui fait qu’un peuple déjà fatigué, corrompu par le confort des allocations et le manque de morale catholique, est devenu totalement asservi.
L’écologie a donc remplacé la morale catholique…
C’est vrai, l’écologie est une morale qui n’est pas celle des hommes. La morale des écologistes, c’est de consommer de l’électrique et de l’éolien made in China. Il y a toujours un acte d’achat. Ce sont les marchands du temple. L’écologie est devenue l’essence des ânes. Si on a raté sa vie, si l’on n’a pas d’idées, on devient écolo pour être admis dans les salons et dans les cercles. C’est comme l’islamisme au Maroc, si on a raté sa vie, si l’on n’a rien à dire, alors on devient islamiste et anti-israélien, ça passe crème, personne n’ira vérifier si ce que vous dites est vrai. Qui peut être contre la préservation de l’Amazonie ? D’ailleurs, les écologistes ne parlent jamais de la beauté des paysages. Ces gens passent leur temps à nous embêter sur le taux de protéines dans la viande ou ailleurs, ce sont des religieux, ce sont des catholiques dégradés, finalement. Ils sont justes bons pour déclarer des hérétiques. Ils s’immiscent dans le régime alimentaire des gens, comme le faisait la religion avant, comme le fait très bien l’islam avec le ramadan, d’ailleurs, puisque les écolos veulent que l’on mange responsable, dans des gobelets recyclables : ils veulent interdire les pailles… C’est un phénomène religieux qui n’a rien de scientifique. Au moins, l’islam, malgré tous ses défauts, comme le catholicisme, promet l’essentiel, c’est-à-dire la vie dans l’au-delà.
Les écolos préconisent maintenant l’humusation après le décès : ce qui, en réalité, est une sorte de fosse commune…
Les écolos font l’amalgame du pire du pire de l’Occident. Ils prennent le côté consumériste de l’Occident, donc on est obligé de consommer de l’éolien, du solaire et des moteurs électriques, donc on change de crémerie. C’est un diktat de consommation. On a d’ailleurs vu les écolos refuser le principe de précaution avec le vaccin. Il fallait consommer du Pfizer ! C’est le pire du capitalisme, qui ne sait plus quoi faire pour gagner de l’argent. Avec l’inflation, on doit payer de plus en plus cher tout en fermant sa gueule. En plus, ils ont pris le pire du catholicisme, c’est-à-dire un catholicisme qui est dénué de la promesse de la vie éternelle, de tout humanisme et de tout pardon, puisque ces gens ne pardonnent jamais rien. Ils sont habités par la haine et, en plus, ils sont sectaires. Ce sont des gens qui vous disent : « On ne veut même pas discuter avec vous, parce que l’on sait ce que vous pensez ». Ce refus des débats relève de l’Inquisition. Les écologistes n’ont rien de moderne, ce sont des ligues d’intolérance.
Le fait d’être marocain ne vous permet-il pas de faire cette analyse plus facilement, puisque le Maroc évolue vers la modernité tout en conciliant le respect des traditions, avec une fierté très forte ? Est-ce l’inverse de la France ?
J’habite aussi au Brésil et cela m’aide beaucoup à faire cette comparaison. Le Brésil est une version avancée de l’Europe. Regardez l’insécurité au Brésil, on y arrive en France. Regardez l’extrême cynisme de la classe politique brésilienne, on y arrive aussi en France, avec nos politiques qui se contredisent dans la même journée. Tout ce que touche la classe politique française aujourd’hui devient pourri très rapidement. Ce sont des incompétents très sûrs d’eux qui sont investis par des oligarchies. Le Brésil est un pays d’oligarchie et c’est de plus en plus le cas en France. Le Maroc a fait son marché dans certaines valeurs occidentales, mais il n’est pas du tout sorti d’affaire : par exemple, nous butons encore sur la corruption, malgré les TGV, les barrages, les gratte-ciel et les investissements mirobolants. Mais la France est en train de changer. Elle est en train de devenir un pays du Maghreb, car si la France perd l’honnêteté et la rigueur, qui étaient quand même des volets du catholicisme, elle aura tout perdu. Regardez l’Algérie, il y a du pétrole et du gaz, mais il ne s’y passe rien. Un pays, c’est d’abord des hommes et des femmes. Croyez-moi, au Maroc aujourd’hui, vous ne pouvez pas vivre normalement sans donner de bakchich, ce n’est pas encore le cas en France.
Certes, mais c’est une tradition : lorsque vous voulez gagner du temps avec une administration, on sait qu’il faut préparer le bakchich, alors qu’en France il faut attendre six mois pour avoir son passeport et vous n’avez pas d’autre solution pour l’obtenir plus rapidement…
Aujourd’hui, nous avons un alignement de la France sur les pays du tiers-monde alors que les gens du tiers-monde aiment la France parce qu’elle a toujours été exemplaire. Tous les pays ont une part d’ombre. Quand la corruption devient un mode de vie, il se crée une insécurité juridique. Par exemple, si votre voisin veut construire un étage de plus et ne veut pas de permis de construire, il va construire la nuit discrètement. Vous allez demander à la préfecture ou à la mairie d’envoyer quelqu’un pour vérifier cette construction illégale et on va vous répondre : « Qui es-tu pour vérifier ? Tu es le fils de qui ? » Il faut donner de l’argent à l’agent de la préfecture ou de la mairie. Pendant ce temps, votre voisin va donner davantage d’argent, puisque c’est toujours la loi du plus fort dans la corruption, et il va réussir à faire sa construction illégalement. C’est ce qui explique la course au pouvoir dans les mariages marocains. Je décris finalement la France de demain. Au Maroc, on essaye de marier le fils du procureur avec la fille du principal commerçant de la ville, parce que le système est ainsi fait. C’est le monde que fuient les Africains. Si les migrants se jettent dans la mer, c’est pour fuir cela. N’oubliez pas qu’au Maroc, avec tout l’argent du monde, nous étions tous bloqués à la maison pendant la Covid, avec les tanks dans la rue. Dans une société où tout s’achète, vous n’êtes plus traité comme un citoyen, parce que le système sait qu’il a une population corrompue face à lui : donc, il peut la traiter comme des prisonniers, ou des suspects.