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Édouard de Praron : « La jeunesse d’aujourd’hui est plus nostalgique que celle d’il y a 30 ans. »

Pourquoi une partie de la jeunesse est-elle nostalgique de la France d’autrefois ?

Édouard de Praron est le pseudonyme d’un trentenaire diplômé de Sciences Po Paris et ancien consultant dans le secteur bancaire, actuellement chef de projet, qui signe un livre intitulé « Dépossession ». Que l’on partage ses idées ou non, cet ouvrage est intéressant, car il nous permet de comprendre pourquoi une grande partie de la jeunesse se montre nostalgique d’une France d’autrefois, qu’elle n’a évidemment pas connue, et aussi pourquoi certains jeunes se tournent vers des votes extrêmes, alors que dans les années 70 et jusqu’aux années 2000, la majorité d’entre eux manifestaient plutôt leur sympathie pour les idéologies de gauche et les écologistes.

Dans ce livre, Édouard de Praron raconte l’histoire de Jean, cadre dynamique, qui mène une vie confortable. Pourtant, inexorablement monte en lui un sentiment de dépossession. Dépossession de sa culture d’abord. Délitement de la société. Remise en cause de ses idéaux. Mais aussi perte de sens de son travail. Alors, quand le terrorisme islamique frappe la France, le jeune homme s’insurge. À travers les pérégrinations et les différents échanges du personnage principal, cet ouvrage est l’occasion de réfléchir autour de la crise identitaire que traverse la France.

Ce trentenaire écrit : « On devait être bien autrefois en France. Le bourdon. Une furieuse envie d’écouter Nostalgie. Non, plutôt de regarder un bon Belmondo ou un Gendarme avec Louis de Funès. Être dans la France d’avant. Celle des paysages ruraux, avant les lotissements, les pavillons, les zones commerciales. Celle des places de villages pleines de vie, animées, quand la jeunesse ne les avait pas encore quittées pour les boulevards des grandes métropoles. Fouler un chemin de terre, au milieu des champs s’étendant à perte de vue, avec pour seul horizon, une colline, une montagne, et quelques villages perdus au loin. Se rendre au marché avec son panier, flâner entre les étalages, passer devant l’église, s’arrêter au bistrot, acheter son pain à la boulangerie et enfourcher son vélo pour rentrer. Ou alors, vivre dans ce Paris populaire incarné par Bebel, Gabin, Ventura. Et pouvoir fumer tranquillement sa clope au comptoir. Enfin, la France d’avant, quoi. Celle où il faisait bon vivre. Celle où on pouvait laisser ses clés sur le contact de sa voiture pendant que l’on achetait le pain… »

« Dépossession » d’Édouard de Praron est publié aux Presses de la Délivrance.

Kernews : Vous avez moins d’une trentaine d’années et vous racontez cette dépossession culturelle que vous subissez. Comment pouvez-vous ressentir la frustration d’être privé de quelque chose que vous n’avez pas personnellement vécu, puisque le phénomène de dépossession culturelle a commencé il y a 30 ou 40 ans ?

Édouard de Praron : Il y a aussi des choses que l’on a vues et que l’on a connues, et qui sont remises en question année après année. J’ai connu des chasses où il n’y avait pas d’anti-chasses qui venaient nous perturber. J’ai connu un temps où l’on n’était pas culpabilisé par le fait de manger de la viande. Un temps où l’on ne se posait pas la question à l’idée de commémorer un certain nombre d’exploits de notre histoire de France. Et, lorsque j’étais petit, il n’y avait pas un Maître Gims pour dire qu’un musulman ne devait pas souhaiter un joyeux anniversaire ou une bonne année… Je ne crois pas que la polémique sur le Burkini était quelque chose qui existait lorsque j’étais plus jeune. Tout cela s’accélère et j’observe cette dépossession. Cela ne se limite pas au sujet de l’immigration. Il y a aussi la déchristianisation, la fragilisation des liens familiaux ou la déconnexion avec la nature. Dans des métiers également, il y a certains secteurs qui sont de moins en moins connectés au réel. En 2005, je devais avoir 17 ans, le peuple souhaitait s’opposer au référendum : or j’observe que, depuis, l’Union européenne a confisqué une grande partie de notre souveraineté. L’Assemblée nationale n’est plus qu’une chambre d’enregistrement de ce qui se passe au Parlement européen et cela fait partie de notre dépossession démocratique.

Votre livre permet de comprendre les oppositions actuelles. À la fin des années 60, il y avait le clivage entre les soixante-huitards et les gaullistes, mais aujourd’hui il y a trois clans qui se résument ainsi : des jeunes très à droite qui votent RN, des jeunes très à gauche qui votent Nupes et des jeunes très libéraux et mondialisés qui votent Macron…

J’ajoute qu’au sein de la jeunesse Nupes, il y a une partie des jeunes qui sont issus de l’immigration et qui peuvent constituer un bloc à part entière…

Cela signifie-t-il que la jeunesse est plus que jamais divisée ?

En fonction des sujets qui dominent la société, les clivages diffèrent : dans les années 1990 ou 2000, vous aviez des libéraux face aux socialistes, mais maintenant ce sont les sujets identitaires qui ont pris le dessus. On peut observer que cela casse les courants car, au sein du courant identitaire, vous avez des gens qui sont libéraux sur le plan économique, tandis que d’autres sont plus socialistes. Peut-être que nos ancêtres n’étaient pas dans le même camp. Peut-être que nos descendants ne seront pas dans le même camp. Mais j’observe que tant que tous les jeunes issus de l’immigration ne s’intégreront pas, je ne vois pas comment leurs descendants seront dans le même camp. Tant qu’il n’y aura pas une assimilation et une adhésion aux valeurs françaises, il n’y aura pas de vie commune. À l’inverse, peut-être que les enfants de quelqu’un qui a voté Nupes se retrouveront dans le même camp que les miens, en fonction des clivages de la société de demain…

Les jeunes sont-ils plus nostalgiques du passé que leurs aînés, lorsque ces derniers avaient leur âge ?

Oui. Quand on nous dit qu’il existait une France dans laquelle on pouvait laisser ses clés de contact sur sa voiture à la campagne le temps d’aller acheter sa baguette de pain, effectivement il y a une certaine nostalgie qui se développe… Maintenant, les générations précédentes ont bénéficié des limites intrinsèques à la société, puisque la technologie que nous connaissons n’était pas apparue, notamment l’abolition des frontières et la société de consommation. Alain Finkielkraut résume cela en disant qu’aujourd’hui il n’y a plus de frontières, mais des digicodes : donc, on a déplacé les frontières. Lorsque l’on abat toutes les frontières qui protégeaient la communauté française, on est obligé de mettre des digicodes et des caméras partout. On croit renforcer la sécurité, mais on ne règle pas les problèmes à la source. Donc, c’est vrai, la jeunesse d’aujourd’hui est plus nostalgique que celle d’il y a 30 ans.

Les films des années 70 montrent bien la vie à cette époque. Les gens pouvaient se garer sur le trottoir à deux pas des Champs-Élysées pour aller dîner, boire deux ou trois verres, puis prendre l’autoroute pour aller à Deauville en roulant à 160 km/h. Que pensez-vous de cette France ?

D’abord, je ne regrette pas d’être né dans mon époque. Je ne dis pas que c’était mieux avant, mais je dis que si certains sujets n’existaient pas, la France se porterait mieux. Dire cela ne signifie pas que l’on est nostalgique de la France d’avant. Je dis simplement que l’on serait mieux en France si l’on ne nous culpabilisait pas à longueur de journée sur les sujets liés à l’écologie, si l’on ne nous attaquait pas sur notre identité chrétienne et si les lois progressistes n’étaient pas prises. Quand on regarde les films de Lino Ventura, de Jean Gabin ou de Louis de Funès, on voit qu’il y a une certaine insouciance et une certaine légèreté, et l’on observe que les Français partageaient tous le même mode de vie. Évidemment, les Français étaient divisés, c’était très violent, mais les Français partageaient les mêmes modes de vie et les mêmes coutumes. Ce qui est problématique, c’est qu’aujourd’hui les Français ne partagent plus le même mode de vie et chacun se replie sur sa sphère avec ses propres idéaux. Dans les débats publics, dans les médias notamment, j’ai impression d’être dépossédé et, surtout, d’être attaqué sur les modes de vie traditionnels français. Mais, si je veux me couper de tout cela, en me repliant en province, je ne peux même plus échapper à cela. À l’école, les programmes scolaires sont adaptés à une certaine idéologie, il y a la publicité qui nous entoure, si vous allez chasser le week-end, on vient perturber votre chasse… Donc, si vous souhaitez transmettre à vos enfants ce que vos ancêtres vous ont transmis, vous avez les déconstructeurs qui viennent essayer de détruire le modèle auquel vous avez cru. La dépossession est généralisée. À l’école, on vient nous parler des transgenres et du recyclage. C’est très bien de recycler, mais quand cela devient l’obsession d’un enfant de cinq ans, cela pose quand même un problème…

Vous publiez votre livre sous un pseudonyme : est-ce par crainte de ce que l’on appelle le terrorisme intellectuel ?

La parole s’est totalement libérée sur les sujets d’identité et l’on peut dire aujourd’hui certaines choses que l’on ne pouvait pas dire il y a quelques années. Malheureusement, les attentats ont changé la manière d’appréhender ce sujet et les Français se sont rendu compte qu’il y a une vraie sécession dans un certain nombre de territoires. Si vous additionnez la délinquance, la drogue et l’islam, on arrive à des territoires perdus. Effectivement, c’est un pseudonyme. Je n’ai pas peur d’assumer ce que je dis, j’ai surtout fait cela pour des raisons professionnelles. La liberté d’expression existe encore et, s’il y a de plus en plus d’attaques contre la liberté d’expression, c’est aussi parce que les idées nationales ont de plus en plus de place dans les médias. Je pense que maintenant chacun doit s’armer intellectuellement, lire les auteurs, se cultiver et apprendre l’histoire de France pour avoir le bagage intellectuel permettant de déconstruire les déconstructeurs. Il est essentiel que nos enfants soient totalement ancrés dans ce monde, en étant à l’école avec d’autres enfants, mais on n’est peut-être pas obligé de les mettre devant la télé et l’on n’est pas obligé de leur dire qu’un garçon peut être une fille, ou vice versa… On peut leur expliquer qu’il y a un modèle familial traditionnel qui prédomine. On peut leur transmettre la foi chrétienne. J’aborde aussi cela dans mon livre, car le christianisme est une manière de réconcilier l’identité. Le christianisme est universel, il est ouvert à l’autre, mais il rappelle aussi que l’être humain a besoin d’enracinement, ce qui nous amène à défendre notre identité et notre manière de vivre, car notre liberté est notre bien le plus précieux.

Finalement, on observe une loi naturelle : il y a la culture woke qui se développe d’un côté et, de l’autre, il y a des gens comme vous qui réagissent avec des propos qui auraient été inimaginables il y a quelques décennies…

Tout simplement parce que c’étaient des choses que les gens pensaient, mais personne n’avait besoin de le dire, parce que cela coulait de source. On n’avait pas besoin de tenir un discours fort pour dire qu’il faut défendre notre identité et notre civilisation, en transmettant une certaine vision de la vie à nos enfants, puisque le peuple français vivait déjà dans cette société. C’était quelque chose qui coulait de source. À l’époque, on n’avait pas besoin d’expliquer aux enfants que le papa était le papa et que la maman était la maman, puisque cette question ne se posait même pas. Il y a eu de mauvais repères qui sont arrivés sous l’influence des déconstructeurs. Dans mon livre, je prends l’exemple d’un jeune consultant dans le secteur bancaire. Il observe que ses collègues ont une culture générale très faible. Ils ne parlent que de la dernière série sur Netflix, le soir les habitants de son immeuble se divisent autour d’une crèche de Noël qui a été installée dans le hall, le week-end il observe que les liens familiaux se fragilisent… C’est ce que je voulais montrer à travers ce roman, parce que le roman incarne ce que peut ressentir une personne et chacun peut s’y retrouver.

Pensez-vous que beaucoup de personnes n’osent pas exprimer cela, en redoutant le jugement des autres ?

Les jeunes de gauche écolos sont assez fans d’un concept qui les regarde, c’est celui de l’angoisse écologique : c’est-à-dire qu’ils sont angoissés face à l’idée de voir la planète disparaître. Maintenant, je vais plus loin. Lorsque le peuple français fait monter le RN depuis 10 ans maintenant, les commentateurs s’étonnent en disant que c’est un ras-le-bol du système. Mais quasiment personne ne dit que les gens ont l’impression que la France est de moins en moins la France ! Il y a plein de gens qui ressentent cela. Si vous allez sur un marché en pleine campagne, il y a deux femmes voilées qui arrivent, ce qui n’existait pas il y a 10 ans. Pendant ce temps, les écolos critiquent le Tour de France !

Vous n’imaginez pas le nombre de messages que nous avons reçus s’indignant du nombre important de femmes en burkini sur la plage de La Baule !

L’enjeu ne consiste pas à se lancer dans des conversations philosophiques pour savoir si le voile c’est la liberté ou l’enfermement de la femme. Bien évidemment, ce sont les idiots utiles, comme le maire de Grenoble, qui œuvrent à l’enfermement de la femme. Le vrai sujet, c’est que nous sommes en France, sur une plage française, et donc la majorité des gens ont envie que les gens soient habillés à la française. Ce serait la même chose si ces personnes étaient habillées à la chinoise ou en kimono. La réflexion serait la même. Donc, ce n’est pas de l’islamophobie. Il s’agit simplement de continuer à vivre avec nos us et coutumes. Évidemment, on se doute que les femmes ne portent pas le burkini avec le plus grand bonheur : actuellement, ce sont des militantes, mais dans quelques années, on imposera le burkini à toutes les femmes.

Écrit par Rédaction

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