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Elie Chouraqui : « Il faut libérer la Palestine, mais il faut libérer la Palestine du Hamas ! »

Elie Chouraqui est venu à La Baule à l’occasion du Festival de la fiction et du documentaire politique qui s’est déroulé du 5 au 9 octobre. C’est à la sortie d’une projection, samedi 7 octobre, qu’il a été informé des attentats terroristes perpétrés par le Hamas contre Israël. Avant de quitter La Baule, il est venu dans le studio de Kernews pour répondre aux questions de Yannick Urrien et commenter l’actualité.

Kernews : On sait qu’il y a quelques années, vous avez quitté la France pour aller vivre en Israël. Toutefois, vos œuvres traduisent toujours un amour du bien vivre français…

Elie Chouraqui : Je suis revenu en France et je vis maintenant en France. J’ai vécu effectivement six ans en Israël et j’ai la gorge serrée depuis ce qui s’est passé. Effectivement, j’ai voulu tenter l’expérience de Tel-Aviv, de Jérusalem, de ce pays de mes rêves. J’y ai passé beaucoup de temps, plus que je ne l’imaginais, puis il y a eu cette émission politique sur i24 qui a très bien marché. J’ai essayé de comprendre ce conflit israélo-palestinien qui est très compliqué. Mais mon pays, c’est quand même la France, je dois le dire. Je suis né ici. Le fait d’avoir vécu en Israël, mais également dans d’autres pays, m’a conforté dans le fait que mon pays c’est la France, ma ville c’est Paris, et mon quartier c’est Saint-Germain-des-Prés.

Vos films ont un côté presque nostalgique…

C’est cela. J’ai grandi Porte de Montreuil et je n’ai jamais pensé dans ma jeunesse qu’il y avait un autre pays que la France. Quand j’ai commencé à jouer au volley-ball, en étant dans l’équipe de France, j’ai commencé à faire le tour du monde. Je me suis rendu compte que le monde était vaste et qu’il fallait le découvrir. J’ai expliqué à mes enfants que nous avons des racines françaises très profondes et que nous avons éventuellement un autre pays, en l’occurrence Israël, comme cela peut être l’Italie pour d’autres, mais qu’il faut toujours être curieux et voir ce qui se passe ailleurs pour mieux comprendre ce qui se passe ici.

Il y a six ans, vous aviez dénoncé le climat d’insécurité qui touchait la communauté juive en France…

Il ne faut pas noircir le tableau, il y a toujours eu cette angoisse antisémite en France. C’est un vieux caractère français issu de l’extrême droite ou de l’extrême gauche. Mais ce n’est pas ce qui m’a fait quitter la France. Ce qui m’a fait quitter la France, c’est la curiosité et le désir de découvrir un autre pays. Je n’ai jamais dénigré la France. C’est ma terre. Elle a ses défauts, comme tout ce qui est organique, mais elle a beaucoup de qualités.

L’antisémitisme de droite, après la guerre, a surtout été intellectuel…

Oui. L’antisémitisme des années 60 est lié énormément à la question arabe et palestinienne. Certains intellectuels français, de droite, ont trouvé un point d’appui dans ce conflit israélo-arabe pour faire accepter leur antisémitisme qu’ils ont appelé petit à petit antisionisme, puisque l’antisémitisme est devenu quelque chose de punissable. Or, l’antisémitisme d’extrême droite a été largement balayé par l’antisémitisme d’extrême gauche, qui est terrifiant. Regardez les déclarations de Mélenchon, de La France Insoumise et de tous ces abrutis, alors que nous sommes en train de vivre des choses terribles en Israël ! Il n’y a eu aucune condamnation. Ils mettent les terroristes et un État de droit sur le même plan. Encore une fois, c’est largement minoritaire, mais il ne faut pas se tromper : le Hamas, le Hezbollah, l’État islamique, ce sont tous les mêmes. Ce sont ceux qui ont attaqué le Bataclan ou qui ont fait tomber les tours du 11 septembre. C’est une nébuleuse, avec des intérêts divergents, mais cela existe. Donc, il faut être contre cette façon d’envisager la vie. Les gens disent souvent qu’ils sont en guerre contre Israël et les juifs, mais ce n’est pas vrai, ils vont capturer des civils et tuer des gosses. Il y a les ténèbres d’un côté et la lumière de l’autre.

Comment expliquer cet antisémitisme, alors que l’on pourrait rappeler que les trois religions abrahamiques ont la même source ?

Vous savez que le grand mufti de Jérusalem a passé la guerre dans le nid d’aigle, il a rencontré Hitler, il y a des photos. Il y a eu des brigades SS musulmanes. Et le président Sadate, qui a ensuite changé d’avis, a dit que les ennemis de nos ennemis étaient nos amis. Cette façon de penser a perduré après la Deuxième Guerre mondiale. Un noyau est né, à travers les Frères musulmans, afin d’insuffler cette haine contre les juifs et contre Israël. C’est une opération qui a réussi et dont on voit aujourd’hui les résultats. Ces extrémistes islamistes ont bien compris qu’il fallait mettre cette graine de haine dans l’esprit des enfants. Cela a commencé dans les écoles. Il y a vingt ans, André Chouraqui, adjoint au maire de Jérusalem, grand traducteur de l’Ancien et du Nouveau Testament, comme du Coran, m’avait montré une vidéo avec Yasser Arafat qui prenait dans ses bras des petits enfants de quatre ans, avec le corps bardé d’explosifs factices, en chantant « à bas Israël ». Dans les livres d’école en Palestine, financés par l’Union européenne, l’État d’Israël n’était jamais inscrit sur la carte. Dans l’éducation de ces enfants, les juifs étaient comme ce que les nazis imaginaient ce qu’étaient les juifs. Trente ans plus tard, que se passe-t-il ? Ces hommes et ces femmes sont des adultes et ils passent à l’action en ayant en eux cette détestation d’Israël et des juifs qui a prospéré. En 2000, j’ai réalisé un documentaire sur l’antisémitisme, en travaillant dans les banlieues parisiennes, où l’on voit clairement les affrontements entre de jeunes juifs et de jeunes arabo-musulmans. Non pas pour blâmer ces arabo-musulmans, mais pour montrer qu’une tragédie était en train de se nouer. J’ai été dénigré, notamment par François Fillon, ministre de l’Éducation nationale à l’époque, tout comme par le maire de Montreuil qui aurait dû m’aider. Heureusement, des journalistes de France 2 m’ont soutenu. Tout cela a participé à ce que nous vivons aujourd’hui.

Vous évoquez les dirigeants arabes : il faut préciser qu’il y a aussi parmi eux des gens qui se sont bien comportés, notamment Mohammed V…

Oui, il y a une tradition d’hospitalité à l’égard des juifs au Maroc. Mais il y a malheureusement beaucoup de pays qui ne sont pas sur cette ligne. A part le Maroc, il n’y en a pas beaucoup d’autres. Il faut maintenant définitivement séparer les pays de ceux qui les occupent. Il faut libérer la Palestine, mais il faut libérer la Palestine du Hamas ! Il faut libérer le Liban du Hezbollah ! Il faut libérer la Syrie de Bachar ! Il y a les nations et les populations. Quand j’étais à i24, j’ai envoyé des Arabes israéliens faire des sondages et 90 % de la population souhaitaient une administration israélienne. Les jeunes Français d’origine arabe ne comprennent pas que quand ils soutiennent les Palestiniens, ils soutiennent des mouvements terroristes. Il faut parler du peuple palestinien et de ceux qui sont oppressés par les Palestiniens. Il faut parler de ceux qui coupent les têtes des homosexuels et les mains des voleurs, parce que celui qui n’a rien à manger va voler une pomme. Il faut lutter contre ceux qui veulent éradiquer toute forme de liberté pour que l’islamisme le plus radical s’installe, et aussi parce que ce sont des terroristes mafieux qui vivent de cette façon.

Que diriez-vous à Gabriel Attal, ministre de l’Éducation nationale ?

Le discours que je porte est inaudible dans certaines classes de banlieue et dans les milieux idéologisés. Il y a un travail de fond à mener qui va demander plusieurs décennies, comme le travail inverse a été fait au cours de ces dernières décennies. Il faut absolument que dans nos livres d’histoire, on explique ce qu’est le conflit israélo-palestinien. Il faut expliquer la relation entre le terrorisme et le fascisme, il faut réexpliquer ce qu’a été la Shoah, il faut aussi expliquer que le peuple juif et que le peuple arabe ont le même père, Abraham, qu’il a eu deux fils, Isaac et Ismaël, et qu’ils ont le même sang. Il faut dire la vérité et arrêter de proférer des mensonges. Il faut que l’on arrête de dire que les juifs sont des salauds et que les Palestiniens sont opprimés. Il y a tous les jours des milliers de Palestiniens de la bande de Gaza qui viennent en Israël pour travailler. C’est vrai, c’est parfois un peu long à la frontière, pour les raisons que l’on peut imaginer, mais ces gens profitent de la démocratie israélienne et de l’économie israélienne, ce qui leur permet de faire vivre leur famille dans la bande de Gaza, là où se terrent les ennemis les plus durs d’Israël. Vous voyez toute la complexité de ce que l’on doit expliquer. On ne peut pas laisser La France Insoumise dire des horreurs tous les jours, comme le fait que ce qui se passe en Israël est la faute des Israéliens, c’est ce que j’ai entendu suggérer. Il faut que les hommes politiques décents, les normaux, s’opposent définitivement à Mélenchon qui distille la haine. Soit on arrive à faire cela, en faisant en sorte que la nouvelle jeunesse sorte de cette noirceur, soit c’est la fin du monde. Je dis cela très sérieusement, car il va y avoir deux blocs immenses qui vont se dresser l’un contre l’autre. D’un côté, il y aura le bloc islamiste avec des schémas intellectuels extrêmement basiques – on est en train de recréer le fascisme, c’est exactement le même système avec le nettoyage des cerveaux – et, de l’autre côté, il y aura le bloc de la démocratie. On est au-delà des guerres entre la Russie et l’Ukraine, ou des alliances entre la Russie et la Chine. J’ai envie de dire que ce sont des épiphénomènes, parce qu’ils ne sont pas soutenus par une idéologie noire et fasciste. Il y a quand même une forme de raison.

Dans une guerre classique, comme entre l’Ukraine et la Russie, il n’y a pas une volonté de détruire l’autre simplement parce qu’il est l’autre…

Vous avez tout dit.

Qu’allez-vous faire maintenant ?

Je tourne un film qui s’appelle Héro(s), avec Kad Merad Jean Hugues Anglade et Marie Gillain, mais aussi mon fils César. C’est l’histoire d’un gardien de nuit au musée du Louvre en 1940, quand les Allemands sont arrivés. Le conservateur du musée du Louvre avait déjà exfiltré une grande majorité des œuvres, mais il voulait que très rapidement les dernières œuvres soient exfiltrées. Ce gardien de nuit a accepté de prendre un camion et de partir avec sa famille avec les œuvres. C’était mon grand-père…

Dans ce sang qui a coulé dans nos ruisseaux, il y a celui de chrétiens, de juifs et aussi de musulmans…

C’est ce que j’ai voulu dire. Beaucoup de gens se sont battus pour des idées de démocratie, de liberté, d’égalité et de fraternité. On doit leur rendre hommage. Ces gens doivent être des exemples pour les enfants et pas ceux qui apportent des idées de haine et de destruction.

Écrit par Rédaction

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