Logement. L’État prend le contrôle de la loi SRU à La Baule
L’État vient de prendre un arrêté de carence quant à l’application de la loi SRU sur plusieurs communes de la presqu’île, dont La Baule, afin d’atteindre le nouveau seuil de 25 % de logements sociaux. Nous évoquons ce sujet avec Franck Louvrier, maire de La Baule, qui explique la situation dans laquelle se trouve la ville.
Ecoutez Franck Louvrier sur Kernews
Kernews : Le gouvernement a décidé de reprendre en main l’application de la loi SRU à La Baule, comme dans d’autres communes de France, notamment en confiant au préfet l’attribution des logements sociaux. Quel est le contexte ?
Franck Louvrier : La loi SRU, Solidarité et renouvellement urbain, a été votée en 2000, sous le gouvernement Jospin. Elle fait obligation aux communes qui ne disposent pas du taux légal de 25 % de logements sociaux, d’opérer tous les trois ans un rattrapage de leur déficit. La ville dispose aujourd’hui de 816 logements sociaux, soit un taux de 7,94 %, bien en deçà de l’objectif gouvernemental. Je rappelle que la ville avait 4 % de logements sociaux en 2001. L’effort a donc été important, mais pas suffisant aux yeux de l’État, ce qui amène la préfecture à nous signifier qu’ils vont signer des arrêtés de carence quant à l’application de la loi SRU pour notre ville et d’autres communes de la presqu’île. Malheureusement, cette loi condamne sans prendre en compte l’effort fait par rapport au foncier disponible, car il n’y a pas beaucoup de foncier disponible sur notre territoire et il est beaucoup plus difficile de faire un effort. Ce n’est pas la première fois que cela arrive et l’État décide, pour la deuxième fois, de sanctionner notre commune. Cela a pour conséquence le transfert du droit de préemption de l’État à la préfecture pendant trois ans, ce qui signifie que nous n’avons plus, en tant que mairie, la maîtrise pour préempter des terrains sur le territoire communal. Ensuite, cela majore des pénalités financières, aux alentours de 230 000 € par an, sans doute plus. Il y a aussi l’obligation de disposer de 30 % de logements sociaux dans les opérations immobilières. Enfin, il y a la perte des droits de réservation sur l’attribution des logements sociaux. Il y a toujours une part des logements sociaux qui est attribuée par la mairie : or, aujourd’hui, ce sera la préfecture…
Pourquoi la droite n’a-t-elle pas remis en cause cette loi ?
On peut faire tout et son contraire avec une loi. L’application bête et méchante d’un texte de loi, de façon idéologique, cela crée toujours des conséquences néfastes pour la gestion des communes. Lorsque la droite était aux responsabilités, nous avions maintenu l’objectif de 20 %, contre 25 % avec le gouvernement Macron, mais nous n’avions pas demandé aux préfets d’être aussi durs à l’endroit des communes qui avaient des difficultés foncières. Cette loi est difficilement applicable sur tout le territoire et la ministre en charge du Logement, Emmanuelle Wargon, a décidé d’être très pénalisante sur l’application de la loi, sans prendre en compte les difficultés que nous pouvons avoir. Lors du deuxième semestre 2021, nous prévoyons de livrer 261 logements sociaux neufs, ce qui est très important. Mais lorsque j’entends la ministre, elle évoque la mauvaise volonté, ce qui est faux car la ville fait des efforts. Malheureusement, elle incarne exactement ce que je n’aime pas au sein de l’État, à savoir la technocratie parisienne coupée des réalités : car si elle avait été élue, elle aurait compris qu’il ne faut pas stigmatiser les maires. Ces déclarations gendarmesques révèlent l’état d’esprit du pouvoir en ce moment, qui ne fait pas confiance aux élus. Cette tentation de verticalité de l’exercice du pouvoir ne fait que se confirmer.
L’application de cette loi contribue à faire sortir du marché privé un certain nombre de logements, ce qui a pour effet d’augmenter le prix du foncier du locatif privé, puisqu’il est moins concurrentiel, et les classes moyennes ont donc de plus en plus de mal à se loger…
C’est exact. Il faudrait aussi prendre en compte les réalités territoriales. La loi SRU est contre-productive, puisqu’elle assèche tellement le foncier qu’il devient impossible de faire du logement intermédiaire. Et les classes moyennes n’ont pas accès au logement.
Pourtant, une ville comme La Baule a besoin de ces classes moyennes, notamment de tous ceux qui travaillent pour des commerçants ou dans le tourisme. Or, ils sont ainsi condamnés à aller habiter beaucoup plus loin…
Il ne s’agit pas de remettre en cause toute la loi SRU, mais d’en tirer les enseignements. Malheureusement, je n’entends pas beaucoup de parlementaires ou de représentants d’En Marche ! prendre leurs responsabilités. L’Association des maires de France, avec des maires de gauche et de droite, est fortement mobilisée pour qu’il y ait une évolution en la matière, parce que les propos de Madame Wargon sont injustes et démagogiques. Lorsque la préfecture a repris ses droits pendant une période de trois ans, elle n’a pas du tout fait évoluer le marché en matière d’accession au logement social, parce qu’elle n’en a pas les moyens.
Les communes concernées ne vont plus avoir la maîtrise de l’attribution des logements sociaux au moment où l’on sait que l’État veut répartir davantage sur le territoire national les familles qui posent problème dans certaines villes. Des maires n’hésitent pas à souligner que l’objectif est aussi d’imposer une nouvelle population dans les villes moyennes. Qu’en pensez-vous ?
Les logements sociaux, c’est fait bien évidemment pour des gens qui ont une situation financière difficile et personne ne peut remettre en cause ce droit. La difficulté des pertes des droits de réservation sur l’attribution des logements sociaux fait que la ville perd toute latitude à positionner des candidats ayant un lien avec la commune, parce qu’ils y habitent déjà ou parce qu’ils y travaillent. L’application bête et méchante d’une loi entraîne toujours des difficultés et il faut s’adapter aux réalités. Sur le point que vous évoquez, je rencontrerai le préfet prochainement pour lui faire comprendre que la situation à La Baule nous oblige d’abord à répondre aux gens qui ont des difficultés sociales en matière de logement et que les priorités géographiques sont indispensables. Plusieurs maires de la presqu’île sont touchés par ces arrêtés et nous nous mobiliserons pour saisir l’État. J’espère que les parlementaires, notamment d’En Marche !, se mobiliseront de la même manière.
Il y a beaucoup de problèmes de logement à La Baule pour les personnes qui ont des faibles revenus : que pouvez-vous faire pour elles à présent, puisque vous perdez ce droit d’attribution pour trois ans ?
Nous allons essayer de nous mobiliser, avec plusieurs maires de la presqu’île, pour privilégier nos habitants qui ont vraiment des difficultés. Je vous rappelle que ces logements sont quand même payés par les impôts des Baulois et il est normal qu’ils servent à ceux qui en ont le plus besoin.