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Jacques Myard : « Nous sommes dans une guerre de civilisation. »

L’ancien député, actuellement maire de Maisons-Laffitte et président de l’Académie du Gaullisme, commente la stratégie d’Erdogan en Europe.

Jacques Myard, qui fut diplomate, est un spécialiste des questions géopolitiques. Il analyse le conflit diplomatique entre la France et la Turquie. Ancien député, il est maire de Maisons-Laffitte et président de l’Académie du Gaullisme.

L’entretien intégral sur Kernews

Extraits de son entretien

Que pensez-vous du conflit diplomatique, qui s’illustre pour le moment par un conflit de mots, entre la France et la Turquie ?

Jacques Myard : Cela dépasse le conflit de mots, car les attaques formulées contre Emmanuel Macron sont peu diplomatiques ! D’ailleurs, Trump avait déjà dit que Macron n’avait pas toute sa tête, en étant assez dur à son égard… Ce qui est clair, c’est que cela dépasse ce cadre. Ce qui est en cause, c’est la vision du monde de Monsieur Erdogan et la nôtre, qui n’est pas tout à fait la même, car c’est un combat de civilisation. Il ne faut jamais oublier que Monsieur Erdogan est un Frère Musulman et il agit depuis longtemps en fonction de cette idéologie. Certains vont dire que c’est parce qu’il a des difficultés internes. Il a échappé à un coup d’État et il a perdu une élection municipale, certes, mais c’est bien antérieur. En réalité, c’est un homme qui est pétri d’idéologie des Frères Musulmans et il agit à ce titre. Regardez toute la désécularisation entreprise en mettant dans les poubelles de l’histoire toutes les réformes d’Atatürk ! Donc, on assiste à un retour de ce qu’est la réalité de la Turquie, à savoir un pays profondément musulman. Peut-être que l’épisode Atatürk n’était qu’une parenthèse… Il greffe là-dessus l’image nostalgique de l’Empire ottoman. Vous l’entendez dire que les Français n’ont pas à s’occuper de la Libye parce qu’ils y ont été pendant quatre siècles. Tout est là. À travers l’idéologie des Frères Musulmans, il essaye de reconstituer l’influence ottomane dans toute la région du Machrek et du Maghreb. À mon avis, c’est voué à l’échec, parce que je vois mal l’Égypte reconnaître le califat qui a été aboli par Atatürk, mais il est clair que c’est ce qu’il a en tête. Un jour, en Syrie, j’ai rencontré le ministre des Affaires étrangères et je lui ai demandé ce qui se passait avec la Turquie. Il m’a dit que les noces étaient terminées parce que, lorsque les premiers éléments de rébellion ont été perçus en Syrie, Erdogan est allé voir Bachar al-Assad en lui demandant de prendre dans son gouvernement des Frères Musulmans. Bachar al-Assad n’a pas voulu et lui a répondu que pour lui c’étaient des terroristes. Erdogan l’aurait ensuite menacé. Depuis ce jour-là, il n’a eu de cesse que de vouloir éliminer le régime de Damas. C’était l’époque où il y avait Morsi en Égypte, qui était un Frère Musulman, tout comme en Tunisie, donc on voit bien que la Syrie était un verrou. Il faut savoir qu’ils ont aidé directement Daech en leur donnant des armes. Le chef des services secrets turcs a confié à des journalistes qu’il avait versé l’équivalent de 1400 camions d’armement aux rebelles contre Bachar al-Assad. À un moment donné, les Turcs ont voulu récupérer une espèce d’enclave où il y a le mausolée d’un héros turc du XIIIe siècle. Ils sont allés chercher sa dépouille pour la rapatrier en Turquie, alors que toute la région était infestée de djihadistes. Donc, il est clair qu’il y avait une connivence.

Pourtant, lorsque l’on connaît la Turquie, le pays semble très occidentalisé. Par exemple, dans le nouvel aéroport d’Istanbul, vous voyez de nombreux jeunes dans des cafés et cette population ne semble guère perméable à l’idéologie des Frères Musulmans…

Il est évident qu’il y a encore de la résistance passive. Mais ne vous trompez pas, c’est un mouvement culturel de fond qui peut très bien gagner ! Il y a encore un certain nombre de résistances, mais voyez ce qui s’est passé avec l’armée turque qui a été décapitée et on n’y a mis que des gens qui sont d’obédience Frères Musulmans. Il est vrai que vous avez encore des gens qui vont boire du vin sur le Bosphore, dans des estaminets qui sont superbes, mais la vague de fond est là. C’est une croisade et cela plaît toujours que d’aller brocarder un président français. Il y a un deuxième problème qu’il faut souligner : en France, comme en Allemagne, vous avez des minorités turques importantes. Erdogan leur a demandé de rester des Turcs et de ne pas s’intégrer. On a même vu Erdogan venir faire campagne en France et en Allemagne, ce qui est d’ailleurs une honte ! On aurait dû interdire à ce chef d’État de venir faire campagne dans nos pays. C’est contraire à notre souveraineté.

Écrit par Rédaction

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