Chroniques ukrainiennes : l’affrontement Est-Ouest genèse d’une crise
L’invité de Yannick Urrien du lundi 4 avril 2022 : Jean-Michel Vernochet
Jean-Michel Vernochet vient de publier une édition actualisée de ses chroniques ukrainiennes. L’ouvrage « Ukraine : l’Engrenage » était sorti en 2014, or l’auteur avait déjà très précisément décrit ce qui allait se passer. Jean-Michel Vernochet est géopolitologue, ancien grand reporter au Figaro Magazine et membre de l’Académie de géopolitique de Paris. Nous lui avons demandé son opinion sur la situation actuelle. Pour une majorité de la population, la situation est binaire et Poutine est l’agresseur, tandis que le président ukrainien Zelensky est le héros de la liberté : « C’est un décor à la Potemkine. La grande Catherine avait un Premier ministre, qui était aussi son amant, et il l’emmenait dans la Russie profonde. Il avait créé de véritables décors à la Hollywood. Elle passait devant des façades, en voyant des maisons rutilantes mais, en réalité, ce n’étaient que des panneaux de bois. À la télévision française, Monsieur Pascal Praud s’indigne en disant : « Vous voyez que les Russes bombardent ! » Il nous montre une façade, cela peut être la façade d’un centre culturel, d’un hôpital ou d’une maternité. On ne peut pas nier cela, mais ce n’est qu’une façade. Il fallait voir aussi ce qui se cachait derrière la façade. Nos journalistes ont encore beaucoup de travail à faire pour apprendre les bases de leur métier. Nous avons maintenant le méchant Poutine. Hier, nous avions le méchant Kadhafi. C’est vrai que c’était un homme fort qui n’était pas forcément d’une très grande amabilité avec tout le monde, mais son pays se portait bien… On a eu Saddam Hussein, qui était le monstre des monstres, et on a eu aussi Milosevic… On réinvente des Hitler au fur et à mesure des besoins. Je ne sais pas si Poutine est tombé dans un piège, sans doute, mais je vais citer Montesquieu qui disait que les responsables de la guerre ne sont pas forcément ceux qui conduisent la guerre, mais ceux qui en créent les conditions. »
Jean-Michel Vernochet rappelle que dans toutes les guerres, il faut se méfier des récits de chaque camp. Par exemple, lorsque l’on lisait que les soldats irakiens allaient dans la maternité de Koweït City pour retirer les nourrissons des couveuses, tous ceux qui s’interrogeaient sur la véracité de l’information étaient systématiquement catalogués dans le camp du mal : « On arrachait les nouveau-nés des couveuses pour les jeter sur le sol et le président George Bush senior a dit que c’était comme pour du bois à brûler. Il a déclaré : « Lorsque j’ai pris la décision d’engager les hostilités, j’étais à genoux devant mon lit en train de prier et j’avais devant mes yeux les images de ces enfants jetés sur le sol comme du bois à brûler ». Tout cela était faux ! D’ailleurs, il y avait plus de couveuses à Koweït City qu’il y en avait à l’époque dans toute l’Île-de-France, mais personne n’avait noté cela. La soi-disant infirmière était la fille d’un diplomate koweïtien qui était basé à Londres et c’était un montage de l’agence Saatchi & Saatchi. Je me souviens très bien de toute cette époque. On avait montré les bébés arrachés de leurs couveuses, donc on jouait sur la fibre émotionnelle. On a oublié que c’était un mensonge qui était à l’origine de cette guerre de février 1991 ! De la même façon, en 2003, Colin Powell avait montré sa fiole en disant que c’était de l’anthrax, alors que c’était du sucre ! Tout le monde avait marché dans la combine. Plus le mensonge est énorme, plus ça marche ! On savait qu’il n’y avait pas de programme nucléaire et qu’il n’y avait pas d’armes chimiques. Tout le monde le savait et tout le monde a marché dans cette combine qui a fait des millions de morts. »
Plus le mensonge est terrifiant, mieux ça marche
Au Quai d’Orsay, certains diplomates se montrent très critiques à l’égard du président Zelensky. Éric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement, va même plus loin en déclarant que l’intéressé est responsable de tout ce qui se passe et qu’il devrait présenter des excuses. Jean-Michel Vernochet nous livre son opinion : « On nous dit qu’il a beaucoup de courage, mais il joue très bien son rôle et il invente tous les jours un crime de guerre plus ou moins fantasmatique. Cela s’est passé comme ça pour le Kosovo. On nous faisait croire qu’il y avait des hordes de réfugiés, que l’on interrogeait à l’arrivée en oubliant de dire qu’ils revenaient d’Albanie… Les hommes étaient soigneusement rasés, les femmes étaient fraîches, et l’on décrivait des exactions extraordinaires. Dans la presse, un caricaturiste avait même fait cette légende : « Ils ont sorti les tigres du zoo pour les lâcher sur nous ! » Plus le mensonge est terrifiant, mieux ça marche. J’ai vu Monsieur Kouchner, l’homme qui porte des sacs de riz, qui expliquait qu’il y avait déjà 20 000 morts parmi les civils. Ah bon ? Une gentille journaliste, cela devait être une stagiaire qui n’avait pas compris les règles du jeu, lui dit : « Les chiffres officiels du Haut comité pour les réfugiés des Nations unies parlent de 900 morts civils… » Kouchner s’est mis à rigoler de façon tonitruante : « Pas 20 000, mais 15 000, c’est la même chose ! » C’est normal chez ces gens-là, puisqu’ils gouvernent par le mensonge. Je ne suis pas un poutiniste, mais il a bien décrit l’Occident comme étant l’empire du mensonge.
Monsieur Zelensky, avec son maillot de corps, voudrait bien faire la guerre pour son clan et pour ses oligarques, pour l’État profond américain, avec le sang des Européens
On entend de plus en plus de gens dire que le président Zelensky veut nous entraîner dans une guerre qui n’est pas la nôtre. L’opinion publique serait-elle en train de changer ? Jean-Michel Vernochet évoque une prise de conscience : « C’est tellement énorme de voir Monsieur Zelensky en faire des tonnes et des tonnes… Les méchants Russes sont atroces, ils empêchent les couloirs humanitaires de rester ouverts, ils empêchent les gens d’être évacués, alors que l’on sait très bien que les milices ukrainiennes tirent sur les voitures. On a vu des gens qui ont été arrêtés parce qu’ils ne voulaient pas combattre. Quand Monsieur Poutine parle de la dénazification, cela n’a plus rien à voir avec la Seconde Guerre mondiale, ce ne sont pas des nazis, mais il y a des groupes de russophobes forcenés. C’est une guerre à la fois ethnique, civile et religieuse, puisque ceux qui viennent de l’Ouest sont plus ou moins Polonais, donc catholiques et non orthodoxes. Quand on voit Monsieur Zelensky, on commence par s’émouvoir, mais cela finit par lasser. Vous voyez des gens qui passent la frontière, les premiers étaient fatigués, avec les traits tirés, mais on voit aussi des familles qui sont habillées très convenablement et qui n’ont pas l’air d’avoir échappé à un bombardement. Monsieur Zelensky, avec son maillot de corps, voudrait bien faire la guerre pour son clan et pour ses oligarques, pour l’État profond américain, avec le sang des Européens. À Washington, ils disent qu’ils ne s’en mêlent pas, mais ils fournissent des armes. L’Allemagne est en train de se réarmer. Nous sommes véritablement sur une mauvaise pente. » Jean-Michel Vernochet insiste : « Je voudrais rappeler que l’Ukraine ne fait pas partie de l’OTAN. Donc, nous ne sommes pas tenus par les obligations de l’OTAN, mais surtout nous n’avons aucun traité d’assistance avec l’Ukraine. »
Dès 2014, Jean-Michel Vernochet écrivait dans son livre « Ukraine l’escalade » que l’éventualité d’une guerre totale était à nos portes en raison de la diabolisation de la Russie. À l’époque, Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères, disait qu’il fallait trouver des solutions. Jean-Michel Vernochet souligne : « Éric Denécé a bien expliqué que Monsieur Zelensky était le responsable de cette guerre. Mais nous sommes aussi responsables de cette situation, puisque cela fait sept ans que le protocole de Minsk a été signé. Il y a eu les accords de février 2015, ils n’ont jamais été appliqués, alors que la France et l’Allemagne en étaient les garants et les parrains. Les véritables coupables sont la France et l’Allemagne, qui n’ont rien fait pour faire appliquer ces accords. Je rappelle qu’il y a quand même eu 13 000 à 14 000 morts au Donbass. On ne peut pas parler de génocide, mais c’est quand même un gros massacre. On découvre maintenant qu’il y avait en Ukraine des couveuses pour enfants produits par GPA et que c’est un des lieux majeurs sur la planète pour le trafic d’êtres humains. Il faut qu’il y ait ce soulèvement de poussière pour que l’on découvre une réalité consternante. »
Maintenant, que faut-il espérer pour parvenir à la paix ? Donner le Donbass à Poutine ? Le géopolitologue estime que la situation est plus complexe : « Monsieur Zelensky s’est fait élire en promettant le retour à la paix. C’était tout comme s’il avait dit qu’il fallait appliquer les accords de Minsk, mais c’est une marionnette qui obéit à ses oligarques, à la CIA, au Pentagone et à l’État profond américain. Le but de la manœuvre est de faire tomber Monsieur Poutine, de parvenir à un changement de régime et de renvoyer la Russie à l’âge de pierre. Les enjeux sont beaucoup trop importants pour que l’on puisse régler cela avec un simple accord. Nous devons nous attendre à ce que ce drame se poursuive encore pendant un certain temps. La situation va continuer à pourrir, parce qu’il est très intéressant, pour ces gens qui sont de l’autre côté de l’Atlantique, et qui ne risquent pas la vie de leurs soldats, de créer une situation à l’afghane. La Russie a les moyens de conduire des opérations, mais de très courte durée. La puissance industrielle russe n’est pas à la hauteur des enjeux par rapport à la puissance économique et financière des États-Unis. Monsieur Biden est toutefois en train de coaliser une grande partie du monde contre lui, notamment le monde arabe, l’Iran ou l’Inde. Les enjeux sont considérables et c’est pourquoi la crise peut déraper, je pense que non, mais il faut bien penser que nous sommes dans un affrontement Est-Ouest ».
« Chroniques ukrainiennes : l’affrontement Est-Ouest genèse d’une crise » de Jean-Michel Vernochet est publié aux Éditions Dualpha.
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