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Julien Clerc : « Je dépends beaucoup de l’inspiration de mes auteurs et j’adore cela. »

Le chanteur culte de plusieurs générations sera en concert le 17 août à La Baule.

Julien Clerc sera en concert le jeudi 17 août au Parc des Dryades à La Baule, dans le cadre des Dryadestivales. Après « La Tournée des 50 ans » et près de 200 dates en Europe et au Canada, il présente « Les Jours Heureux ». Ce sera l’occasion de retrouver, dans un set inédit, les titres de l’album « Terrien », ainsi que ses plus grands tubes et les succès emblématiques des artistes qui l’ont inspiré. Julien Clerc était l’invité de Yannick Urrien au micro de Kernews.

Kernews : Lors de votre concert à La Baule, on pourra écouter des chansons extraites de votre dernier album « Terrien », des reprises de grands standards qui figurent dans votre album « Les jours heureux », mais également les grands succès qui ont marqué votre carrière…

Julien Clerc : À vrai dire, il y a un peu de « Terrien », un peu de l’album de reprises et, évidemment, beaucoup de chansons de mon répertoire.

Avez-vous des souvenirs particuliers de La Baule ?

Oui. Quand je montais à cheval, j’ai même dû faire un concours ou deux. Mais je ne suis pas venu depuis longtemps et je suis très heureux de revenir à La Baule.

Vous êtes peu d’artistes à avoir su passer les époques en vous adaptant…

C’est vrai. J’espérais beaucoup quand j’avais vingt ans, j’avais envie que cela dure longtemps, mais évidemment je ne pensais pas que cela durerait aussi longtemps ! Comme je pensais que mon destin était lié à la faculté que je pouvais avoir d’écrire des chansons, dès le début j’ai eu peur que cette source ne se tarisse et que je ne sois plus capable d’inventer des musiques. Étrangement, quand je me mets devant un piano, cela m’amuse toujours autant d’inventer des mélodies. C’est une chance, parce que c’est ce qui m’a permis de continuer à faire ce que j’aime tant : c’est-à-dire chanter.

Vous êtes aussi un observateur des tendances, ce qui vous permet de vous adapter à l’évolution du temps…

J’ai la chance d’être assez mobile. Une amie me disait récemment que j’avais énormément déménagé dans ma vie, en emportant simplement mon piano et rien d’autre, en allant dans des endroits vraiment très différents. Ma chance, c’est que je n’écris que la musique. Au début, cela me faisait râler, parce que je pensais qu’il serait plus facile d’écrire les deux, donc les paroles et la musique. Mais finalement, avec le temps, je me suis rendu compte que le fait de n’écrire que de la musique m’a permis de travailler avec des auteurs de générations différentes, évidemment des styles différents, et de renouveler ainsi mon inspiration.

« Partir » ou « La cavalerie » n’ont rien à voir avec « Cœur de Rockeur » ou même « Mangos » qui a été un succès en boîte de nuit…

C’est grâce aux auteurs. Je m’adapte aux auteurs avec lesquels je travaille. Un texte écrit par un auteur nouveau, cela fait vraisemblablement appel chez moi à des inspirations différentes. J’essaye de servir la langue française qui m’est proposée par ces différents auteurs. Vous avez cité « Cœur de rockeur » : c’était Luc Plamondon avec son style bien à lui. Avec ma musique, j’ai essayé de servir ce style. De la même manière, Jean-Loup Dabadie était très différent d’Étienne Roda-Gil. Évidemment, avec les nouveaux albums qui arrivent, je rencontre de nouveaux talents : par exemple, sur l’album « Terrien », il y a beaucoup plus de femmes que d’habitude, et des femmes jeunes, puisque j’ai fait une chanson avec Clara Luciani et deux autres avec Marie Bastide. Je me fiche de la génération. Ce que je cherche, c’est la qualité, mais chacun a sa façon d’écrire le français et cela m’aide dans mes compositions.

Lorsque l’on vous propose une histoire d’amour, l’artiste que vous êtes s’adapte en l’interprétant, comme un acteur. Mais quand il s’agit de textes plus engagés, sur des sujets de société, vous devez quand même les partager…

Une chose peut paraître étrange, c’est que je n’ai pas beaucoup d’idées de thèmes de chansons moi-même ! Il m’est arrivé de réclamer une ou deux fois un thème, mais franchement cela tient sur les doigts de la main. Généralement, je dépends beaucoup de l’inspiration de mes auteurs et j’adore cela. J’adore ne pas savoir à l’avance ce qu’ils vont me proposer. Il est évident qu’aujourd’hui, lorsque je demande à un auteur plutôt jeune de m’écrire un texte, il va quand même être obligé de prendre en compte toutes mes chansons et il va falloir qu’il invente quelque chose qui me donne envie de chanter, mais qui surtout ne ressemble pas à ce que j’ai déjà fait. De temps en temps, quand j’ai une idée, parfois je la donne. Mais la plupart du temps, ce sont des auteurs qui arrivent avec leur inspiration et je monte dans le wagon du train qu’ils me proposent.

Certes, mais lorsque vous rendez hommage à cette institutrice dans la chanson « Mademoiselle », on a l’impression que c’est un message personnel, tant vous aviez envie d’honorer cette profession…

L’idée est de Didier Barbelivien. Il est de ma génération et cela m’a tout de suite rappelé des souvenirs. Cela m’a fait penser à une institutrice que j’ai eue et dont je me souviens encore. Je devais avoir 11 ans… Comme quoi il y a des enseignants qui vous marquent pour la vie. C’est pour cela que c’est un métier tellement important, car nous nous souvenons tous des deux ou trois enseignants qui nous ont touchés plus que les autres.

Vous allez même jusqu’à parler du Brexit…

C’est une fable. J’ai beaucoup aimé ce texte. C’est l’histoire d’une Anglaise amoureuse d’un Français,. L’histoire d’amour se termine, c’est très subtil. C’est une sorte de fable géopolitiquement amoureuse.

Le climat n’est pas bon en France, les gens sont à bout de nerfs et vous aviez senti les choses en évoquant l’importance de l’école, mais aussi de savoir s’écouter et se parler. Est-ce un résumé de l’album « Terrien » ?

Oui, c’est cela. J’ai eu la chance de travailler avec ces auteurs. Je parle beaucoup de mes auteurs, parce qu’il est très difficile de parler de musique. Il est plus facile de parler de textes, car la musique est quelque chose qui se ressent. La chanson, c’est l’alliage du texte et de la musique. C’est vrai, sur cet album, les auteurs, qui sont tous des gens en prise avec leur temps, sont là pour humer l’air du temps. C’est la partie joyeuse de notre métier car, avec de la musique, on peut chanter des choses qui parfois n’ont l’air de rien, mais qui correspondent à l’air du temps. Lorsque j’avais fait une chanson sur la peine de mort, « L’assassin assassiné », Robert Badinter m’avait écrit très gentiment dans une lettre que ma chanson avait fait plus pour la cause que cinquante discours ou des dizaines de conférences… Quand on trouve les mots justes, on a la chance de toucher directement le cœur des gens.

Vous êtes l’un des rares artistes à être engagé sans être clivant. Il y en a qui donnent l’impression de donner des leçons de morale, avec une certaine arrogance, mais vous évitez cela…

J’ai eu la chance, ce qui était absolument rarissime à l’époque, d’être le produit d’une union, entre mon père et ma mère qui étaient deux personnes de classes sociales différentes. J’ai eu la chance d’avoir dans ma famille des gaullistes et des communistes. Mes parents ont divorcé quand j’étais très jeune et je faisais l’aller-retour entre les deux foyers, où l’ambiance était complètement différente. J’ai été nourri par cela. Le clivage allait même jusqu’au niveau musical. C’est toujours une histoire de femmes. Ma belle-mère n’aimait que la musique classique, ma mère n’aimait que le jazz et la chanson, j’entendais les discours du général de Gaulle, qui faisait bondir mon grand-père qui était communiste et qui lisait l’Humanité… J’ai eu la chance d’être le produit de deux cultures et cela a fait de moi quelqu’un qui s’est toujours trouvé au milieu. C’est la raison pour laquelle j’ai toujours considéré qu’il y avait des gens formidables partout, à partir du moment où ils avaient des convictions et que c’étaient de bonnes personnes sur le plan humain.

Pourtant, s’il y avait une machine pour traverser le temps, ces gaullistes et ces communistes seraient probablement aujourd’hui d’accord sur tout : l’autorité de l’État, l’indépendance de la France, la lutte contre la domination de l’économie de marché mondialisée…

Absolument ! Moi qui n’étais pas très impliqué au moment de Mai 68, j’ai des copains qui, à cette époque, étaient trotskistes ou maoïstes et qui sont aujourd’hui des gaullistes bon teint… L’autre chance, c’est que l’artiste préféré de ma mère était Georges Brassens. J’ai entendu ses chansons très jeune, sans toujours bien comprendre les paroles au début. Il y en a qui m’ont marqué à vie : par exemple, « Mourir pour des idées, d’accord, mais de mort lente…»

Dans votre album « Les Jours heureux », figurent de grands classiques qui sont appréciés de toutes les générations, comme « À bicyclette » ou « Mon manège à moi », mais vous avez aussi des chansons moins connues…

Par exemple, « Comme à Ostende », mais c’est le choix du cœur. Ce sont des chansons que j’ai aimées et dont je suis un peu jaloux, parce que j’aurais aimé les inventer et c’est un plaisir pour moi de les interpréter. C’est le choix du cœur. J’en ai essayé plusieurs. Il y a des chansons dont j’aurais aimé qu’elles soient sur l’album, mais mon interprétation n’apportait rien. Il est très difficile de faire des reprises puisque, par définition, personne ne fait mieux que le créateur. C’est un plaisir que je me suis fait et j’espère que cela fera plaisir aux gens aussi. C’est une façon d’expliquer d’où je viens musicalement. C’est quelque chose de très important dans ma formation, mais aussi dans l’idée que je me fais de mon métier aujourd’hui. C’étaient des gens qui passaient leur vie sur scène, c’étaient des gens qui avaient l’obsession d’écrire une bonne chanson et c’étaient des gens qui passaient leur vie sur les routes. C’est très exactement ce que j’ai fait.

Écrit par Rédaction

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