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Le cri d’alarme du président de la FNAIM sur les problèmes du logement en France

Loïc Cantin, président de la FNAIM : « La situation est aujourd’hui trop grave. »

L’invité de Yannick Urrien du mercredi 29 mars 2023 : Loïc Cantin, président de la FNAIM

La Fédération Nationale de l’Immobilier (FNAIM) est la première organisation syndicale des professionnels de l’immobilier. Ses adhérents exercent tous les métiers de la transaction, de la gestion, de la location, de l’expertise, du diagnostic, etc. Créée en 1946, cette structure est présente sur l’ensemble du territoire par son maillage de Chambres départementales et régionales.Extraits de l’entretien

Kernews : Comment faciliter le développement d’un pays de propriétaires et faire en sorte que les jeunes puissent accéder plus facilement à la propriété ?

Loïc Cantin : La France, contrairement à ce que l’on pense, affiche désormais un nombre de propriétaires de résidences principales en recul. C’est la première fois depuis de nombreuses années. Ce chiffre est en recul parce qu’il démontre aussi la difficulté, pour de nombreux Français, d’accéder à la propriété. Ceux qui sont nés dans les Trente Glorieuses ont pu bénéficier de prix intéressants, d’une période de croissance, et devenir propriétaires. Ceux qui doivent aujourd’hui recourir à l’emprunt sont confrontés à de grandes difficultés d’octroi, particulièrement dans une période où les taux sont repartis à la hausse. On a vécu cela par le passé, mais c’est une nouvelle période qui s’ouvre pour les accédants à la propriété, puisque l’on n’avait pas connu de hausse réelle des taux d’intérêt depuis le développement de l’immobilier dans les années 95, où les prix ont été sans cesse portés à la hausse. On a observé un épiphénomène en 2008, après la crise des subprimes, avec une remontée des taux, puis une redescente. Aujourd’hui, le paysage économique s’inscrit bel et bien dans un environnement où les taux bancaires sont repartis à la hausse. On note ainsi une progression des taux qui pourrait flirter avec les 4 % d’ici à la fin de l’année 2023. C’est presque quatre fois plus qu’il y a deux ans et demi. Une progression qui met à mal la capacité d’emprunt des ménages français, notamment des primo-accédants, qui vont être les plus fragilisés parce que c’est leur première acquisition. Ils ne sont déjà pas propriétaires, ils disposent d’un apport personnel beaucoup plus faible et ils ont beaucoup de mal à obtenir un prêt. Si le marché ne bouge pas, on évolue vers un marché d’exception, donc un marché d’exclusion de ceux qui sont les plus faibles. Quand un marché voit ses volumes s’effondrer ou chuter, il y a une correction des volumes, mais la correction des volumes ne corrige pas pour autant les prix. Les vendeurs, confrontés à des acheteurs de moins en moins solvables, vont devoir baisser leurs prétentions. C’est mécanique. La vraie question, c’est comment redonner du pouvoir d’achat aux Français face à la pierre ? J’ai porté une proposition. Je me réfère à des périodes antérieures, avec la crise énergétique, l’augmentation des taux et l’inflation en 1973. Les Français ont pu profiter de dispositifs qui existaient dans les contrats de prêt, permettant le transfert du prêt à l’acheteur. C’est une possibilité que l’on pourrait aujourd’hui réintroduire dans les contrats de prêt. La deuxième possibilité est de permettre la portabilité du prêt en cours par un acquéreur. Vous avez acheté un bien à un taux de 20 % et, trois ans après, vous êtes obligé de quitter la ville et vous voulez acheter ailleurs. Vous conservez l’option de la portabilité du prêt que vous avez contracté à 1 % et que vous reportez sur un autre bien immobilier que vous allez acheter ailleurs. C’est une disposition simple. Donc, il faut rapidement que ce dispositif puisse être négocié et que l’on introduise cette portabilité dans les crédits qui seront octroyés aux ménages. Personne ne peut présumer de l’évolution des taux d’intérêt. Je ne voudrais pas faire de comparaisons avec les années 80 où, rappelons-nous, nous avions atteint des taux de 17 %. Mais il faut faire du préventif, anticiper éventuellement une situation qui pourrait s’aggraver, et permettre d’accompagner les Français en leur redonnant du pouvoir d’achat.

Ce qui est intéressant dans vos propositions sur la portabilité, c’est que cela ne semble pas relever de la loi, mais de la liberté de contracter. Ainsi, il faudrait simplement que les banques l’acceptent…

Il faut un message de l’État et un tour de table avec les banquiers, c’est tout simple. Maintenant, pour les nouveaux prêts qui peuvent être faits, bien évidemment, on peut inscrire une disposition contractuelle.

Vous rappelez que de plus en plus de jeunes vont être exclus du marché immobilier. Ce serait quand même un peu moins dramatique si, en face, il y avait un marché dynamique de la location. Or, le marché de la location n’existe quasiment plus !

Il n’y a que deux façons de se loger : on est soit locataire, soit propriétaire. Quand on échoue face à l’accession à la propriété, on est obligé de rester locataire, mais à condition que le parc soit organisé, stabilisé et en croissance. Aujourd’hui, le seul message sur la politique du logement que nous recevons est un message du président de la République : « L’immobilier, c’est la rente. » Non, Monsieur le Président, l’immobilier ce n’est pas la rente ! Le problème, aujourd’hui, c’est que de plus en plus de Français orientent leur épargne vers d’autres dispositions, puisqu’il est de plus en plus compliqué d’être propriétaire-bailleur. Il y a l’encadrement des loyers, le diagnostic énergétique, l’obligation de rénovation sur les logements classés F et G en 2025 et 2028, le secteur locatif est le plus imposé puisque le taux marginal d’imposition est de 57 %, quand les actions sont taxées à 30 %, vous subissez une taxe foncière et votre immobilier est encore soumis à l’impôt sur la fortune immobilière !

En outre, vous tremblez chaque mois à l’idée de ne pas être payé…

De ne pas être payé et d’être squatté ! C’est très compliqué et l’on remet en cause la rentabilité de l’investissement. Il faut être pragmatique et il faut des signaux forts. Il faut des signaux d’accompagnement. Nous sommes pour remettre sur la table toute la fiscalité de la location afin d’avoir un véritable statut du bailleur privé en France.

Le gouvernement répond que ce qu’il fait est formidable et que, grâce à son action, des millions de logements vont être rénovés…

Mais la temporalité de la puissance publique n’est pas celle du marché et de la vie dans les copropriétés. Il faut avoir des entreprises qui soient disponibles pour effectuer ces travaux, il faut que l’on ait tout le process d’engagement des copropriétaires sur ces sujets, il y a la consultation des entreprises, les plans pluriannuels de travaux… Donc, ce ne sera pas pour 2025 ou 2028. Dans une ville comme Paris, 40 % des logements sont classés F et G. Rénover énergétiquement un bâtiment à colombages, on ne sait pas faire ! Pour rénover énergétiquement un immeuble du XVIIIe, il faut réduire les surfaces intérieures, casser les moulures, enlever certaines cheminées… Il y a des dispositions qui ne sont pas réalisables et je pense que les mesures qui sont prises auraient mérité des études d’impact beaucoup plus approfondies.

Vous avez évidemment lu dans vos revues de presse ce qui se passe en Bretagne, avec le mouvement de contestation contre les résidences secondaires qui font monter le prix des maisons. Face à cela, vous entendez de plus en plus d’organisations, souvent d’extrême gauche, asséner qu’il faut taxer, confisquer, empêcher…

J’ai participé à une réunion à Biarritz sur le problème que vous posez. Faut-il se plaindre que des zones connaissent un succès et deviennent attractives ? Il vaut mieux avoir un afflux de population que d’être dans le Cantal avec une population qui diminue et des logements qui sont vides et ne trouvent pas preneur ! Oui, il y a un afflux de réfugiés sur tout le littoral français et ceux qui sont devenus propriétaires de résidences principales, à l’approche de la retraite, vendent leur maison principale pour se rapprocher de la côte. Cela fait partie des mouvements de population.

Le Parisien qui veut s’installer sur la côte va vendre son logement à un couple qui travaille à Paris…

C’est un mouvement pendulaire qui a toujours existé. Comment avoir une politique du logement efficace ? Est-ce que l’on ne fait que de la fiscalité, que de la sanction, et pas de l’incitation ? Autrefois, nous avions des ministres du Logement qui avaient une vraie vision de l’accompagnement des Français. Il faut faire de la projection sur trente ans. Aujourd’hui, on fait du court terme et de la mesurette pour résoudre des problèmes qui sont identifiés trop tardivement. Et puis, il faut aussi aménager le territoire. Il faut accompagner les Français dans leur parcours résidentiel et avoir une véritable politique d’aménagement, de construction de nouveaux logements, d’identification, de rénovation et de restauration. La politique du logement, ce n’est pas une ligne comptable et fiscale dans la loi de Finances ! S’il y a des déplacements de population et des territoires qui se remplissent, c’est bien pour le territoire et c’est bien pour la croissance économique. On ne va pas rester figé dans un développement, il faut s’ouvrir. Et puis, il y a des solutions communes qui peuvent être prises entre les professionnels, les élus et l’ensemble de la société civile.

En vous écoutant, j’ai l’impression que vous tapez de plus en plus du poing sur la table : bref, vous allez maintenant l’ouvrir pour défendre l’immobilier !

Vous ne vous trompez pas… Je suis en fonction depuis le 1er janvier et puis c’est mon rôle, je suis élu pour ça. Une fédération comme la nôtre doit être une force de propositions. On n’est pas là pour laisser des situations s’enliser. Or, la situation est aujourd’hui trop grave. Tous les signaux sont au rouge, à tous les étages et, malheureusement, on a l’impression d’un gouvernement qui entend mais ne veut pas prendre de dispositions et de bonnes mesures. Il y a l’ensemble du milieu associatif, du milieu syndical, mais aussi politique, qui prend conscience de la gravité de la situation. Les mois et les années à venir vont être productifs car il faut redresser la situation, qui va devenir intenable si l’on continue comme cela.

Écrit par Rédaction

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