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Marc Touati : « Nous atteignons des records historiques de faillites et le chômage augmente. »

Selon des documents budgétaires en provenance de Bercy, le déficit pourrait atteindre 5,6 % du PIB en 2024, contre les 5,1 % visés par l’ancien gouvernement. L’économiste Marc Touati, président du cabinet ACDEFI et auteur de plusieurs best-sellers économiques, analyse la situation.

Kernews : Vous nous répétez depuis des années que la crise de la dette sera de plus en plus insurmontable. Beaucoup ont ricané, or maintenant tout le monde reconnaît que nous sommes à l’aube du chaos…

Marc Touati : C’est ce qui m’attriste vraiment. J’ai prévenu, non pas pour faire peur, mais parce que je voyais bien tous ces dangers. Cela aurait dû exploser depuis bien longtemps. Mais il y a eu le coronavirus, puis la planche à billets de la Banque centrale européenne, et tout cela a contribué à masquer la réalité. Plus l’État s’endettait, plus les taux d’intérêt baissaient, puisque c’est la BCE qui achetait la dette. Tout cela est terminé, la dette est en train d’exploser et rien n’est fait pour la limiter. Le déficit est devenu incontrôlable. Bruno Le Maire a annoncé un dérapage des comptes publics, alors que c’est quand même lui qui est le gardien des comptes ! C’est un vrai problème. Cela fait huit mois que j’annonce qu’il y aura un déficit public cette année, de l’ordre de 6 %. Je ne suis pas devin, c’est de la logique et du bon sens. Ce qui est dramatique, c’est que l’on fait semblant de le découvrir, car on a été dans le déni de réalité pendant des années. Cela me fait penser à la Grèce. N’oubliez pas ce qui a déclenché la crise grecque. Papandréou avait dit que les caisses n’étaient pas vides et qu’il fallait continuer d’augmenter la dépense publique. C’est ce qui s’est produit dans notre pays en 2024. Ensuite, en quelques jours, le gouvernement a annoncé un creusement des déficits. Il parlait de 6 %, mais en réalité c’était 10 %. Pour 2026, en France, le gouvernement prévoit un déficit public de 3,9 % du PIB et, selon la direction du Trésor, nous serons à 6,7%. C’est complètement fou ! Pour l’instant, on résiste sur les marchés, on se dit que l’on va éviter le pire, on pense qu’il va y avoir un miracle et que l’Allemagne va accepter de faire encore fonctionner la planche à billets. Malheureusement, nous sommes à la veille d’une crise de la dette publique et même d’une crise de la zone euro. Mais peut-être faut-il que cela nous arrive…

Certes, mais il n’y aura pas de mobilisation pour se retrousser les manches, car les gens s’en moquent tant qu’ils ne sont pas impactés directement…

Les gens ne se rendent pas compte qu’ils sont déjà impactés ! Les taux d’intérêt ont augmenté et cela va continuer. Cela veut dire moins de crédits à la consommation et moins de crédits à l’investissement, avec une activité en berne et le chômage qui augmente. On a eu les JO, on a été un peu anesthésié, mais la situation économique est très difficile. Nous atteignons des records historiques de faillites et le chômage augmente. Il y a aussi l’enjeu des impôts. On nous avait promis une baisse de la fiscalité, or les impôts continuent d’augmenter. Donc, peu importe le gouvernement, il aura forcément envie de puiser un peu dans l’épargne en augmentant la taxation sur l’épargne et c’est extrêmement dangereux. Malheureusement, nous avons une culture économique très faible, politisée à l’excès, donc les Français ne sont pas préparés à ce qui est en train de se passer puisqu’ils ont été élevés dans le déni de réalité. On explique que l’État est là et que l’État payera : mais l’État c’est nous et nos impôts ! Si, demain, il y a une augmentation des impôts, avec un chômage qui augmente fortement, peut-être que les Français comprendront la gravité de la situation.

Il y a quand même 60 % de nos concitoyens qui pensent ne pas payer d’impôts…

C’est vrai, seulement 40 % des Français payent l’impôt sur le revenu, mais nous payons tous des impôts, notamment à travers la TVA et la CSG. Je rappelle que la CSG avait été créée en 1991 par Michel Rocard, qui avait dit que c’était une petite cotisation de 0,5 % pour combler le trou de la Sécurité sociale… Aujourd’hui, nous en sommes à 17 % de CSG, donc c’est du temporaire qui dure. Aujourd’hui, il faut réduire les impôts, réduire la CSG, réduire les impôts sur les entreprises, c’est inévitable pour relancer la croissance. Dans le même temps, il faut baisser la dépense publique et il y a une grande tromperie sur la marchandise. On nous explique que cela toucherait le social, mais le social représente 33 % de la dépense publique. Quand on voit le deuxième poste, ce sont les dépenses de fonctionnement qui représentent 32 % des dépenses publiques. C’est l’État qui augmente le plus les dépenses de fonctionnement et nous sommes numéro un mondial dans ce domaine. Malheureusement, il n’y a aucun avantage à tout cela, puisque les services publics se dégradent. Il y a cette dépense qui augmente, cette dette qui augmente, et les services publics se dégradent. Il faut donc repenser complètement la dépense publique. Il faut avoir une vraie refonte du système public français si on veut le sauver. Sinon, un jour, on ne pourra plus payer les fonctionnaires et il faudra baisser les retraites.

D’abord, vous constatez que nous sommes dans un pays où les gens sont incultes, déresponsabilisés et biberonnés par l’État depuis des décennies. Ensuite, vous formulez l’espoir que l’on puisse redresser la barre avec des gens de bonne volonté, comme cela a pu se faire en Allemagne et dans d’autres pays. Ces deux aspects ne sont-ils pas contradictoires ?

C’est vrai, jusqu’à présent j’avais un espoir. Mais, depuis quelques mois, je commence à m’inquiéter davantage en me disant que l’on n’y arrivera pas. Malheureusement, on va devoir passer par la case catastrophe, à savoir la case grecque, tout en sachant qu’ils ont énormément souffert. Aujourd’hui encore, la richesse des Grecs est inférieure de 22 % à celle de 2008. Il faudra des années pour s’en sortir. On arrive au bout du système, la corde ne tient plus qu’à un fil et, si le fil casse, cela va faire très mal. J’ai eu un déclic lors des dernières élections législatives, déjà, par la décision de dissolution. Mais ce qui m’a le plus choqué, c’est lorsque j’ai vu les députés de Renaissance, d’Édouard Philippe ou Xavier Bertrand appeler à voter pour l’extrême gauche ! Ces gens-là ont quand même appelé à voter pour des fichés S ! L’Assemblée nationale est tombée bien bas. Mais j’ai envie de dire à tous ces gens de Renaissance que ce sont eux qui ont élu ces députées LFI ! Cette Assemblée nationale est dramatique et elle est le reflet des erreurs de nos dirigeants. Si j’avais été à la place d’Emmanuel Macron, j’aurais nommé l’extrême gauche au pouvoir pour que l’on se rende réellement compte de la catastrophe, avec des taux à 10 % et l’effondrement de la France. Aujourd’hui, les fausses idées continuent de passer, ce sont les idées de l’URSS, donc on a déjà essayé et cela n’a pas marché. Quand je vois certains jeunes défendre ces idées contre la France, je trouve que c’est très dangereux et c’est ce qui m’inquiète en tant que citoyen et père de famille qui aime son pays. Je viens de fêter mes trente ans de carrière et je n’ai pas cessé d’expliquer à nos dirigeants que nous allions dans le mauvais sens. Or nous sommes maintenant au bout du système. Je garde espoir, parce que je suis de nature optimiste, mais plus les semaines passent, plus j’ai l’impression que nous allons devoir subir une grave crise. La France est un grand pays, elle redémarrera toujours, mais on n’a peut-être pas encore compris l’ampleur des dégâts. Est-ce que quelqu’un a la volonté de sauver le pays ? Je ne sais pas.

Il y a une différence entre la Grèce et nous : c’est que les Grecs ont toujours su qu’ils étaient Grecs et n’ont jamais eu la prétention d’être la troisième puissance mondiale. Les Français sont vaniteux, comme une ancienne star de cinéma qui ne tourne plus que des séries B et veut toujours être traitée comme Brad Pitt… N’est-ce pas un peu le peuple français ?

On n’a pas arrêté de mentir aux Français. On a pratiqué le déni de réalité comme stratégie politique, en leur expliquant que tout allait bien et que les impôts n’augmenteraient pas. Donc, les Français ne sont pas préparés. J’ajoute que la gestion du coronavirus a été une catastrophe, avec le fait d’enfermer les Français et de ne pas affronter la réalité. Cette déresponsabilisation a été extrêmement dangereuse. Heureusement, beaucoup de chefs d’entreprise soutiennent la France à bout de bras, mais je ne sais pas si cela va durer longtemps. Le nombre de défaillances d’entreprises est dramatique. Je suis aussi inquiet en entendant beaucoup de Français dire qu’ils veulent quitter la France. Il y a des pays qui ont fait des efforts et je constate que tous les pays de la zone euro ont réduit leurs déficits publics, même les Italiens que l’on montre souvent du doigt. Même le Portugal est en excédent public ! Pour les investisseurs, la France est plus dangereuse que le Portugal. Cela devrait calmer l’ancienne star qu’est la France… Ce refus de voir la réalité en face va nous coûter très cher, sur le plan économique, mais aussi sur le plan social. C’est comme pour la question de l’immigration, on se voile la face.

On sait qu’une partie de l’épargne peut être saisie. Les actions en bourse ne sont pas saisissables, l’immobilier croule sous les taxes… Quels conseils donneriez-vous pour protéger son argent ?

On peut ouvrir un compte à l’étranger, de façon tout à fait officielle, en le déclarant au fisc français. On ne sait jamais…

Les banques suisses refusent maintenant d’ouvrir des comptes aux Français qui n’ont pas au minimum 3 ou 4 millions d’euros à placer…

Oui, mais il n’y a pas que la Suisse. Ouvrir un compte à l’étranger, c’est une protection. Cela fait des années que je conseille l’or, cela a toujours bien marché. Vous avez raison, la taxation de l’immobilier est dramatique. Sur les actions, la bulle est en train de se dégonfler, donc il faut être prudent. Il faut profiter de l’instant présent en se disant que ce qui est pris n’est plus à prendre : donc il faut consommer. Il faut aussi peut-être prendre des plans d’épargne retraite, car il sera compliqué pour l’État de fiscaliser un plan destiné à sa retraite. Il faut garder un peu de cash rémunéré. Dans la zone euro, il y a des comptes qui ne sont pas trop mal rémunérés, ce qui n’est pas le cas en France. Je crains une augmentation des taxes sur l’épargne. Il ne faut pas croire que cela ne concernera que les ultra-riches, qui ne sont plus là et ce sera, comme d’habitude, la classe moyenne qui va payer la facture. Tout cela en raison d’un manque de courage politique.

Écrit par Rédaction

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