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Marie-Laure Buisson : « Les femmes sont incroyablement fortes et résilientes. »

Marie-Laure Buisson est une ancienne avocate d’affaires et ancienne déléguée générale adjointe de la Fondation Veolia. Elle est aujourd’hui légionnaire de 1re classe d’honneur, colonelle de la réserve citoyenne de l’Armée de l’air et marraine du 4e régiment étranger de la Légion étrangère. Elle a également créé la Fondation Marie-Laure Buisson, sous l’égide de la Fondation de France, qui vient en aide aux militaires blessés et aux chrétiens d’Orient : « J’ai mis tout mon argent pour aider des gens qui ont fait du bien à la France ou à la chrétienté ».

Dans son livre, « Femmes combattantes », elle rend hommage à des héroïnes de guerre oubliées, à travers sept portraits poignants, de la Seconde Guerre mondiale à nos jours. C’est toute la force du courage au féminin qui s’impose dans cet hommage.

« Femmes combattantes » de Marie-Laure Buisson est publié aux Presses de la Cité.

Kernews : Vous présentez la vie de sept combattantes qui ont des caractères très différents. Il y a des histoires d’amour chez certaines et il n’y en a pas chez d’autres. Ce sont des femmes qui ont combattu entre la Deuxième Guerre mondiale et maintenant, puisque vous évoquez l’opération Barkhane. Vous avez construit chaque récit comme s’il s’agissait d’un film. Pourquoi cette sélection de sept femmes combattantes ?

Marie-Laure Buisson : J’ai voulu écrire ces sept portraits comme des mini scenari de cinéma parce que je voulais emmener le lecteur dans ces aventures de femmes extraordinaires qui ont vécu et accompli des choses fabuleuses, des exploits hors normes. J’ai voulu emmener le lecteur dans un train d’enfer, dans les airs au-dessus de Stalingrad, dans un char en plein désert du Nord Mali, ou dans une salle avec la Gestapo. Il y a trois ans, à la faveur d’une insomnie, j’ai fini par allumer la télévision et je suis tombée sur un reportage sur Arte qui parlait d’une aristocrate britannique, Susan Travers, qui se retrouve à l’âge de 15 ans sur la Côte d’Azur où elle mène une vie très luxueuse. Elle joue au tennis avec la championne Suzanne Lenglen, elle roule en voiture à vive allure, c’est une vie insouciante faite de paillettes et de champagne. Mais la guerre éclate. À ce moment-là, Susan Travers se révèle en se disant qu’elle ne peut pas laisser son pays d’amour, la France, sombrer dans cette guerre avec ces monstres que sont les nazis. Elle s’engage auprès des troupes du général de Gaulle. Elle est infirmière dans un premier temps et elle se rend à Liverpool pour embarquer dans la fameuse expédition de Dakar avec de Gaulle. C’est l’une des premières femmes qui a appris à conduire grâce à son père, à l’époque seuls les très riches pouvaient s’offrir une voiture, et c’est une très bonne conductrice. C’est important pour la suite de l’histoire, car Susan Travers se retrouve au milieu de la bataille de Bir Hakeim, en Libye. C’est infernal, il fait plus de 50° et les Français tiennent cette position pour les Anglais pour faire faire un grand détour aux troupes du général Rommel, en plein milieu du désert. Il y a 3826 Français de la Première brigade française libre qui vont tenir cette position de Bir Hakeim, alors que 45 000 soldats allemands et italiens vont les attaquer. Parmi eux, il y a une seule femme et elle participe à la bataille : c’est Susan Travers. Son portrait a attiré mon attention, d’abord parce que c’est incroyable pour une femme que de participer à une bataille à cette époque, mais surtout, parce que l’on a fait en sorte de faire oublier sa présence sur place, en brûlant ses photos, en rayant son nom des rapports militaires, pour que l’on ne sache jamais qu’elle avait été là. Tout cela parce qu’elle avait vécu une grande passion avec le général Koenig, dont elle était le chauffeur, alors qu’il était marié. Ils étaient très amoureux l’un de l’autre. On s’est dit que ce n’était pas bien pour la réputation du héros Koenig, qui devait être sans tache, et l’on a fait en sorte d’anéantir les exploits extraordinaires de cette femme. C’est dans la nuit du 10 au 11 juin qu’elle a sorti le général Koenig et le grand héros de la Légion étrangère, Dimitri Amilakvari, de l’étau allemand, en les conduisant à travers trois lignes de mitraille allemande. C’est grâce à elle qu’ils s’en sont sortis vivants. Koenig lui doit la vie et, malgré cela, le dernier maréchal de France fera en sorte de gommer la présence de cette femme. J’ai voulu réparer une injustice en écrivant son portrait.

C’est la seule histoire d’amour de votre livre. Cette femme accepte la double vie de Koenig. Un moment, Madame Koenig arrive au Maroc et se montre très distante avec Susan Travers, comme si elle avait compris son rôle… Susan Travers croise en 1945 Koenig, qui lui remet une médaille… Entre temps, elle épouse un jeune adjudant. Mais Koenig semble être vraiment l’amour de sa vie…

Koenig a été le grand amour de sa vie. Susan Travers a été fascinée par la personnalité de Kœnig, qui était vraiment un grand soldat. C’était une personnalité incroyablement charismatique. On dit que l’on recherche toujours l’image de son père dans l’homme que l’on va aimer… Son père était un officier de la Royal Navy et je crois qu’elle a trouvé dans la personne de Koenig l’image sublimée de son père. C’est la raison pour laquelle elle est tombée incroyablement amoureuse de cet homme, avec ce parfum d’interdit qui faisait qu’ils ne pouvaient pas vivre leur romance. Ensuite, elle a rencontré un légionnaire, qu’elle a épousé, et elle a eu deux fils avec lui. Mais il faut aussi savoir que Susan Travers a continué l’épopée des Français libres et qu’elle est restée auprès des légionnaires. Elle est d’ailleurs la seule et unique femme légionnaire de carrière de la Légion étrangère.

Je voudrais évoquer maintenant une autre grande dame : Geneviève de Galard. Cette infirmière de 29 ans a vécu pendant 40 jours dans un camp encerclé par les Viêt Minh, dans la chaleur, la puanteur et la saleté. Vous écrivez à son sujet : « Son ADN est celui du panache et, si la noblesse a un cœur, il bat dans la poitrine de cette femme, dans ses veines coule un sang fier, une sève de couleur bleue qui lui confère la force. » Cette sève n’est pas celle des réceptions mondaines ou des soirées à Saint-Tropez, puisque c’était à cette époque. C’était celle de l’amour qu’elle portait à ces soldats…

Geneviève de Galard est toujours vivante et j’ai pu la rencontrer chez elle. C’est une femme admirable. C’est une très grande combattante. Elle n’a pas combattu en ayant des armes à la main, mais pour moi c’est quand même une combattante, car elle était avec les soldats, en appui des troupes au front, dans cette cuvette de Diên Biên Phu, lors de cette bataille qui va signer la fin de la présence française en Indochine et qui sera un calvaire pour les Français. Diên Biên Phu, c’est quand même 15 000 artilleurs, artificiers et soldats pris au piège dans une cuvette entourée de neuf collines, face à 100 000 soldats marxistes du Viêt Minh. La bataille a duré 40 jours et Geneviève de Galard est restée 56 jours sur place. Pendant ces 40 jours il y avait un obus au phosphore qui tombait toutes les 30 secondes dans la cuvette de Diên Biên Phu. C’était l’enfer sur Terre. Elle a vécu dans des boyaux, sous la terre. C’était l’époque de la mousson, il faisait 50 degrés et le médecin opérait avec une lampe qui montait la température jusqu’à 63 degrés. Les hommes arrivaient éventrés, avec des jambes arrachées, avec le thorax enfoncé. Certains mouraient en suffoquant sous la terre. Geneviève de Galard n’a pratiquement pas dormi, elle était la sœur, la mère, la confidente et l’infirmière de ces hommes qui n’avaient plus rien. C’était la seule douceur que ces hommes pouvaient encore rencontrer dans cet enfer. Elle a porté haut les couleurs de l’aristocratie et de son nom. Elle fait partie d’une famille de chevaliers qui a toujours servi, depuis Jeanne d’Arc, et elle n’a jamais abandonné ces hommes en montrant le moindre signe de fatigue ou de désespoir. Par la grâce d’un sourire ou d’une main posée sur un front, elle les a aidés à mourir ou à supporter l’insupportable. Cette femme est une sainte !

Évoquons maintenant Lydia Litviak, une pilote de chasse russe, qui s’est engagée sous Staline pour combattre les Allemands…

J’ai une vraie passion pour elle. Elle est restée dans l’histoire soviétique comme la rose blanche de Stalingrad. C’est un petit bout de femme d’un mètre cinquante, elle est en couverture du livre. Elle était blonde aux yeux bleus et elle est devenue à 20 ans la terreur des aviateurs nazis dans le ciel de Stalingrad.

Vous racontez la situation à l’époque : elle volait à 600 km/h, à 2400 m d’altitude. Les avions n’étaient pas capitonnés et le froid était tel qu’il y avait toute une procédure de réchauffement pour éviter que ses doigts se cassent : elle devait enlever ses gants délicatement et chauffer sa main progressivement…

C’est exactement ça. Ces femmes ont accompli l’impensable dans des conditions invraisemblables. Elle a participé à la bataille de Stalingrad quand il faisait moins 34 degrés sur la rive est de Stalingrad. Ces jeunes femmes avaient 50 grammes de pain par jour pour se nourrir et rien pour se chauffer, et elles sortaient jusqu’à dix fois par jour en avion pour aller pilonner les positions allemandes. Malgré cela, elles ont réussi à défaire les troupes allemandes. Mon livre est un hommage à l’éternel féminin, parce que les femmes sont incroyablement fortes et résilientes. Il faut savoir que près d’un million de femmes soviétiques se sont battues pendant la Seconde Guerre mondiale aux côtés des hommes. On a fait en sorte d’en garder deux ou trois en tête de gondole, parce que cela arrangeait Staline, mais il a fait en sorte d’effacer complètement certaines figures, notamment Lydia Litviak, pour éviter que les femmes s’arrogent trop d’importance à cette époque. Il faut aussi connaître l’histoire des sorcières de la nuit, des jeunes filles de 14 à 18 ans qui sortaient tous les soirs sur des avions avec des petites ailes en bois et goudronnées. C’étaient des avions très sommaires qui servaient à l’épandage au-dessus des champs de blé d’Ukraine et ces femmes larguaient les bombes à la main ! À la tombée de la nuit, elles arrivaient au-dessus des positions allemandes. Elles coupaient le moteur, elles se laissaient chuter et les Allemands n’entendaient que le bruit du vent, comme le bruit d’une sorcière sur son balai… Ces jeunes filles jetaient à la main des bombes au-dessus de ces soldats, avant d’essayer de redémarrer le moteur à la main. Malheureusement, beaucoup se sont écrasées au-dessus des positions allemandes. Les soldats nazis ne pouvaient plus dormir et ils sont devenus fous.

Lydia rencontre son compagnon, Alexei, et ils prennent l’habitude de voler ensemble au-dessus de Stalingrad…

Elle tombe éperdument amoureuse de ce grand as de l’aviation et ils partent tous les jours à la chasse aux Allemands. Ils ne pensent plus au danger, puisqu’ils font cela chaque jour. Mais ils n’avaient pas le choix sous Staline.

Il y a aussi le côté James Bond avec Noor Inayat Khan, cette princesse indienne musulmane qui s’engage dans la Résistance…

Noor est incroyable. C’est une jeune princesse musulmane très pacifiste. C’est une descendante de l’un des grands maharajahs de l’Hindustan, un souverain qui avait un pouvoir incroyable, à l’époque de Louis XVI. Son papa était un prêcheur indien. Musulman soufi, il a beaucoup d’enfants, il est marié à une Américaine qu’il a rencontrée aux États-Unis. La petite Noor naît à Moscou. Très rapidement, son père décide de rapatrier sa famille en France, où elle passe toute son enfance, jusqu’à ce que la guerre éclate. Elle se retrouve à Londres et, dans le même instinct que Susan Travers, elle se dit qu’elle ne peut pas laisser son pays d’amour, la France, rester sous le joug des nazis. Elle s’engage dans la Résistance. Ce qu’elle ne sait pas, c’est qu’elle avait déjà été repérée par les services secrets anglais, qui ont décelé une particularité. Comme son père était musicien, elle a beaucoup joué de la harpe et du piano. Elle a des mains d’une dextérité incroyable et on lui apprend le codage. Elle est capable de coder jusqu’à 22 mots par minute, ce qui est absolument exceptionnel, et on lui propose d’entrer dans les services secrets. Elle est déposée dans un champ en France et elle entre en résistance.

Elle découvre aussi cette atmosphère délétère où tout le monde se méfie de tout le monde, y compris au sein des résistants, car chacun se dit qu’il pourra être trahi à un moment ou un autre…

C’est une époque effrayante. Il y a des dénonciations dans tous les sens. La petite Noor se retrouve avec sa valise, avec sa radio de 15 kg à l’intérieur. Elle est l’une des seules à savoir faire cela, car tous les opérateurs radio ont été torturés et exécutés par la Gestapo. On lui propose de la rapatrier à Londres, mais elle veut rester en France pour continuer de faire son devoir. On retrouve, là encore, cette notion de devoir.

Vous racontez aussi l’histoire de Cassiopée : cette fois-ci, c’est un pseudonyme car il s’agit d’une jeune militaire française engagée dans l’opération Barkhane…

Tout est vrai mais, pour des raisons évidentes, dans la mesure où l’opération est classée secret-défense, j’ai changé certaines dates et j’ai placé mon héroïne sous anonymat. Cette jeune femme est capitaine dans l’Armée de l’air. Elle est belle comme un soleil et son histoire est incroyable.

Toujours dans l’actualité, dans ce portrait de femmes combattantes, il y a Jihane Cheikh Ahmed, née à Rakka, en Syrie, en 1981…

Ce portrait est unique. Personne n’a raconté l’histoire de cette commandante kurde qui a libéré Rakka. Il était très compliqué de pouvoir la rencontrer, car elle change de planque tous les soirs parce que sa tête est mise à prix par les Turcs qui détestent les Kurdes, mais aussi par Daech qui existe toujours en Syrie. Cette femme m’a raconté son histoire. Elle a failli mourir, mais elle a réussi à libérer sa ville du joug de ces monstres. Elle raconte la vie sous l’islam radical, sous Daech. C’est abominable, les femmes sont considérées comme des pondeuses.

Écrit par Rédaction

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