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Olivia Grégoire : « La presqu’île est vraiment une région bénie des dieux. »

Entretien exclusif avec la ministre des PME, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme

Olivia Grégoire, ministre des PME, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, est venue sur la presqu’île les 20 et 21 avril derniers pour évoquer de nouvelles mesures en faveur du tourisme social, notamment en augmentant les dotations pour les programmes d’aide au départ en vacances des personnes les plus vulnérables, comme les personnes âgées, les femmes victimes de violences ou les enfants protégés par l’Aide sociale à l’enfance. Il faut savoir que 30 à 40 % des Français ne partent pas en vacances et que l’État accompagne les personnes les plus fragiles à travers l’Agence nationale pour les chèques vacances (ANCV). Dans l’entretien qu’elle nous a accordé, Olivia Grégoire annonce qu’elle prépare aussi un plan pour favoriser le logement des saisonniers.

Olivia Grégoire : l’invitée Yannick Urrien du lundi 24 avril 2023 à 8h20 sur Kernews

Olivia Grégoire avec Franck Louvrier à la Mairie de La Baule

Kernews : Quelle image avez-vous de notre presqu’île ?

Olivia Grégoire : Une très belle image. J’ai l’honneur de m’occuper des PME, du commerce et de l’artisanat, ainsi que du tourisme et, sur l’ensemble de ces sujets, nous sommes dans une région très dynamique. C’est une région qui est quasiment au plein emploi, donc c’est exemplaire. Il y a de très belles entreprises, il y a beaucoup de villes qui travaillent très bien les unes avec les autres, que ce soit La Baule, Pornic, Pornichet, sans oublier Saint-Nazaire. La presqu’île est une destination touristique désirée par énormément de Français et appréciée par les Européens. À mon époque, on disait qu’il y avait des régions bénies des dieux et je crois que c’est vraiment une région bénie des dieux.

Votre déplacement vise à annoncer plusieurs mesures dans le domaine du tourisme social. Il y a aussi la problématique du logement des saisonniers, puisque les propriétaires préfèrent louer plus cher leurs biens à des vacanciers : comment résoudre cette question sans porter atteinte à la propriété privée ?

C’est le sujet majeur. On observe que certains métiers, notamment dans le tourisme, l’hôtellerie et la restauration, ne sont plus attractifs, parce qu’ils étaient mal rémunérés et aussi parce que les conditions de travail n’étaient pas bonnes. Il y a eu énormément d’efforts de la part des hôteliers et des restaurateurs ces dernières années pour attirer les saisonniers. D’ailleurs, le gouvernement a aussi écouté les restaurateurs, les hôteliers ou les directeurs de camping en développant des primes, notamment sur le partage de la valeur, qui ont été très distribuées dans les campings à destination des saisonniers. J’avais veillé à ce que cette prime puisse être versée en deux fois, pour permettre aux directeurs de camping de bien rémunérer leurs saisonniers, avec des primes de parfois 1 000 ou 1 500 euros. Ce n’est pas anodin puisque 5,5 millions de salariés ont pu en bénéficier en 2022, c’est deux fois plus qu’avant, pour un montant supérieur à 4 milliards d’euros. Donc, il y a des primes en plus des augmentations de salaire. Une partie du problème pécunier est réglée. Il reste maintenant l’éléphant au milieu de la pièce : c’est la question du logement. Beaucoup de saisonniers refusent des emplois parce que 50 à 60 % de la rémunération va partir dans le logement. Depuis l’année dernière, avec Olivier Dussopt (ndlr : ministre du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion), nous travaillons sur un plan pour les saisonniers. Nous n’avons pas construit ce plan seuls depuis nos ministères à Bercy, mais en écoutant les acteurs, notamment les élus locaux. À La Baule, le maire, Franck Louvrier, a pris des initiatives intéressantes, que nous regardons de près, pour venir nourrir ce plan pour les saisonniers. Par exemple, nous avons beaucoup de campings 3 et 4 étoiles dans notre pays et nous avons une appétence des touristes pour ces beaux établissements. Les campings 1 et 2 étoiles, qui souvent appartiennent aux municipalités, ont tendance à tomber en décrépitude et cela monopolise du foncier que l’on pourrait utiliser autrement. Le maire de La Baule a eu l’idée de faire pivoter le camping municipal vers un lieu de logements à destination des saisonniers. C’est une initiative intéressante que j’ai notée pour nourrir le plan saisonniers. Nous avons aussi mobilisé les recteurs et les services de l’Éducation nationale pour libérer des pensionnats, des CROUS ou des foyers de jeunes travailleurs afin d’accueillir des saisonniers. J’ai échangé avec des restaurateurs et des hôteliers de La Baule. On touche le bout du problème, il y a des professionnels qui achètent de l’immobilier, pas simplement pour loger leurs saisonniers, mais aussi pour loger leurs salariés à temps plein. C’est donc véritablement un sujet majeur dans le modèle économique du tourisme. Nous présenterons début mai ce plan à destination des saisonniers et nous le nourrirons au fil de l’eau à partir des réalisations des élus locaux sur le sujet. C’est un sujet très concret et ce n’est pas un sujet que l’on doit traiter de loin depuis Paris.

Comment restaurer l’image de la destination France dans le monde, alors que depuis quelques mois, sur les chaînes étrangères, celle de Paris en a pris un sacré coup ?

J’essaie de faire le tri entre les moments de fièvre et l’image séculaire de Paris et de la France. Nos compatriotes éboueurs parisiens ont fait entendre leur mécontentement, c’est absolument légitime. Cela a fait des images, ce n’est pas génial, mais Paris demeure une destination favorite de tous les touristes du monde entier. C’est éternel. Maintenant, ce n’est pas parce que c’est séculaire qu’il ne faut pas veiller et travailler sur cette image. Nous allons avoir deux belles campagnes, le rugby, puis les Jeux olympiques et paralympiques. Évidemment, il va y avoir une campagne de promotion de l’image de la France, mais la plus belle des promotions que l’on puisse avoir, ce sont les JO. Donc, il faut se mettre en ordre de bataille aux côtés de la ministre des Sports, aux côtés de la Première ministre et du président de la République, pour préparer l’arrivée de plus de 16 millions de touristes pour les JO et les jeux paralympiques. Au-delà des médailles, la plus belle campagne que nous pourrions faire, c’est que l’accueil des touristes du monde entier, comme des sportifs et des délégations, soit à la hauteur de la beauté du pays.

Enfin, comment résoudre cette culture du non-travail qui s’est particulièrement développée depuis le confinement, avec toutes les difficultés de recrutement que rencontrent les entreprises ?

C’est presque plus un sujet de société qu’un sujet économique. Je me bats contre les caricatures. Il y a effectivement un rapport au travail qui évolue. On dit beaucoup que les jeunes ne veulent plus travailler… Je n’y crois pas du tout ! Je dis que beaucoup de jeunes ne veulent plus travailler comme ils ont vu leurs parents travailler : pour un salaire de misère, sans jamais réussir à se mettre un toit sur la tête ou partir en vacances. Nous sommes dans une période du capitalisme où le sens prend de l’importance et où les jeunes n’ont pas forcément envie de ne penser qu’à l’argent. Ils veulent donner un sens à leur emploi. C’est pour cette raison qu’il y a de plus en plus de jeunes dans l’économie sociale ou dans les associations. Si l’on regarde cela avec un peu de perspective, c’est plutôt une bonne chose de ne pas avoir une jeunesse qui n’a que l’argent comme seule et unique valeur. Aujourd’hui, le sens du travail a une valeur et la conciliation entre le travail et sa vie personnelle et familiale est aussi une valeur. C’est compliqué, on va s’en sortir, mais c’est aussi un joli signal de notre jeunesse qui s’intéresse à la planète ou au sens et qui n’est pas simplement là pour nourrir son compte en banque. Aujourd’hui, 49 % des jeunes ont envie de créer leur entreprise. Cela veut dire qu’ils aiment la liberté et l’indépendance. Je trouve que c’est bien d’être dans un pays où un jeune sur deux est prêt à prendre des risques pour monter son entreprise. Cela chamboule le marché du travail et, en tant que ministre du Commerce et de l’Artisanat, je vois beaucoup de jeunes Meilleurs apprentis de France, mais aussi de jeunes dans les écoles de cuisine, qui reviennent à ces métiers du sens dans un monde qui en a de moins en moins. Nous sommes dans un univers qui est de plus en plus virtuel. L’intelligence artificielle arrive. C’est un univers où tout se fait en ligne et cette virtualisation redonne aussi beaucoup de sens aux vrais métiers. J’ai rencontré des jeunes qui ont envie d’être boucher, barman, de faire de la maroquinerie, tout simplement par envie de faire. Beaucoup de gens de ma génération ont perdu un certain sens en allant dans ce que l’on appelle les « bullshit jobs », en arrivant à 8 heures du matin pour repartir à 18 heures, où après 45 ans de travail, on se demande ce que l’on a fait. Il y a énormément de jeunes qui ont envie de retrouver ces métiers de bouche, ces métiers qui ont du sens, ces métiers de l’accueil. Donc, je suis résolument optimiste. Nous sommes dans un moment charnière, qui est un peu compliqué, mais je pense que nous sommes en droit d’être très optimistes. Il ne faut surtout pas caricaturer cette jeunesse qui a envie de travailler, mais un peu différemment. Donc, il ne s’agit pas simplement de travailler plus, mais aussi de travailler mieux.

Écrit par Rédaction

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