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Virginie Pradel, présidente de l’Institut Fiscal Vauban : « Le nivellement par le bas va s’accentuer, avec moins de pouvoir d’achat, moins de liberté et plus de prélèvements. »

Elle incarne la nouvelle génération des intellectuels libéraux, après celle des Nicolas Bouzou ou Agnès Verdier-Molinié : il s’agit de Virginie Pradel, avocate fiscaliste et présidente de l’Institut Fiscal Vauban. On la cite de plus en plus et elle est souvent invitée à la radio et la télévision. Virginie Pradel représente cette jeunesse qui ne manie pas la langue de bois et qui s’affranchit sans complexe du politiquement correct. Elle réagit aux annonces d’Emmanuel Macron à la suite du Grand débat. Elle estime que rien ne change et que ce sont toujours les mêmes qui vont continuer de payer.

Kernews : Après le grand débat, il y a eu la conférence de presse d’Emmanuel Macron, qui n’a pas annoncé de mesures concrètes et chiffrées. Aurait-il dû être plus précis ?

Virginie Pradel : On attendait des mesures concrètes. Comme son allocution a été repoussée après l’incendie de Notre-Dame de Paris, on a vu certaines mesures sortir dans la presse et la surprise n’était plus là. Il a confirmé qu’il ne reviendrait pas sur l’ISF, qui était la principale revendication des Gilets jaunes et d’une majorité de Français, et il a annoncé une baisse significative de l’impôt sur le revenu, sans en donner les modalités. Mais on sait que ce ne sera pas une baisse pour tout le monde et qu’elle sera corrélée avec une réduction des niches fiscales pour les foyers les plus aisés. Il a ensuite annoncé la réindexation des pensions de retraite inférieures à 2000 euros. Ce n’est pas un cadeau, c’est même une déception, puisque l’on sait que toutes les pensions auraient dû être réindexées sur l’inflation, dès lors qu’il y avait eu une décision constitutionnelle qui avait censuré l’absence de réindexation. Donc, Emmanuel Macron a annoncé que tous les retraités dont la pension est supérieure à 2000 euros, et qui auraient dû voir celle-ci réindexée, ne la verront pas réindexée et que la réindexation restera cantonnée aux petites retraites. C’est une déception, puisque ce sera une perte de pouvoir d’achat pour les retraités. Je voudrais rappeler qu’Emmanuel Macron a fait beaucoup de promesses fiscales en décembre dernier, notamment sur la défiscalisation des heures supplémentaires. Mais, quelques jours plus tard, on a vu que la mesure était moins bien intéressante que celle attendue par les Français. Il avait annoncé la défiscalisation et désocialisation des heures supplémentaires et tout le monde avait pensé à ce qu’avait fait Nicolas Sarkozy – à savoir une défiscalisation totale – or le Parlement a adopté une défiscalisation relative à l’impôt sur le revenu, mais pas à la CSG et à la CRDS. Cela représente un dixième du montant des heures supplémentaires, ce qui revient à dire qu’un salarié au SMIC qui ferait des heures supplémentaires n’aurait aucun gain fiscal, puisqu’il n’est pas soumis à l’impôt sur le revenu. Il va continuer de payer la CSG et la CRDS, sans bénéficier de la suppression de l’impôt sur le revenu. Cela met en évidence que, entre ce qui est annoncé et ce qui est adopté, il peut y avoir des écarts significatifs qui remettent en cause l’intérêt de la mesure. Comme d’habitude, on promet monts et merveilles et, en définitive, on adopte une mesure technique qui bénéficie à certains, mais pas à la majorité.

Généralement, lorsque l’on va dans la bonne direction, il est recommandé de s’activer mais, quand on se trompe de chemin, il vaudrait mieux faire marche arrière… Or, Emmanuel Macron a dit que sa politique était bonne et qu’il fallait l’accélérer. Pensez-vous que le gouvernement soit sur la bonne voie ?

Il ne faut pas faire de généralités. Emmanuel Macron a fait une réforme salutaire en matière de fiscalité du capital, notamment en supprimant l’ISF, même si c’est une réforme qui est mal comprise et discutable dans un pays comme la France, puisque c’est une exception française. Forcément, quand les classes moyennes et populaires ne s’en sortent plus, il est difficile de dire que l’on devrait laisser un peu plus à ceux qui ont de l’argent pour investir davantage. Emmanuel Macron a pris des mesures salutaires pour relancer l’investissement, mais ce sont des mesures au détriment d’une majorité. Maintenant, nous sommes dans un pays surfiscalisé et l’on ne va pas dans la bonne direction, puisque les impôts baissent pour une partie des contribuables et pas pour la majorité. Il faut une baisse des impôts pour tout le monde et une baisse de la dépense publique. Si l’on est arrivé à un tel niveau de prélèvements obligatoires, c’est parce que nous avons des dépenses publiques qui sont exorbitantes et pas toujours très rationalisées. Le gouvernement devrait beaucoup plus insister sur la baisse des dépenses publiques. Donc, cela rend très illusoires les baisses d’impôts…

Emmanuel Macron déclare qu’il faut baisser les dépenses publiques mais, en même temps, il dit qu’il faut davantage accompagner les petites associations, aider les banlieues et qu’il faut mettre plus de fonctionnaires sur le terrain…

Voilà, c’est le « en même temps » ! On nous annonce une baisse de la dépense publique, mais aussi des hausses des dépenses publiques… On est dans la contradiction la plus totale ! Avec un discours aussi flou, on a peine à croire aux baisses d’impôts. En plus, on sait bien qu’en baissant les impôts, on va augmenter en parallèle d’autres impôts, ou des cotisations, c’est une spécialité française. Le gouvernement martèle que le pouvoir d’achat des Français a augmenté grâce à ses réformes, mais il a augmenté la CSG et les partenaires sociaux ont considérablement fait augmenter les cotisations retraites des travailleurs. Cela représente plusieurs dizaines d’euros par mois pour certains salariés, donc cela compense complètement les baisses des mesures gouvernementales. Il ne sert à rien de parler de telle ou telle mesure, il faut avoir une approche globale. On est dans la malhonnêteté. La hausse du pouvoir d’achat de 850 euros par Français, comme cela a été annoncé, je n’y crois pas une seconde !

Il y a toute une partie de la classe moyenne dite supérieure, notamment la bourgeoisie de province, qui ne se sent pas concernée par le mouvement des Gilets jaunes. Ces gens sont-ils les dindons de la farce, puisque ce sont eux qui vont payer ?

Ce sont déjà eux qui paient ! Le gouvernement annonce des baisses d’impôts pour certains et une réduction des niches fiscales pour d’autres contribuables. Ce n’est pas la bourgeoisie qui va y gagner et l’on se dirige vers toujours plus de prélèvements pour ceux qui vont continuer de pouvoir payer. Le nivellement par le bas va s’accentuer, avec moins de pouvoir d’achat, moins de liberté et plus de prélèvements. Les déclarations d’Emmanuel Macron ne présagent pas du tout une sortie de ce cercle vicieux dans lequel les Français sont enfermés depuis de nombreuses années. On est toujours dans la même logique, avec beaucoup de dépenses, un peu moins d’impôts par-ci, mais plus d’impôts par-là… On tourne en rond… Il ne faut pas oublier qu’il y a eu des réformes très fortes qui ont été menées dans d’autres pays, il faut les assumer. On met des milliers de personnes dans la rue, mais en définitive, si vous ne le faites pas, vous ne sortez jamais du marasme dans lequel vous vous êtes plongé en voulant dépenser à outrance.

Emmanuel Macron a évoqué une baisse des niches fiscales et le Syndicat des indépendants a déjà fait connaître son mécontentement. Taper à la caisse des entreprises, est-ce finalement le moyen de prendre de l’argent chez des gens qui ne bloquent pas les ronds-points le samedi ?

En France, les entreprises sont les grandes sacrifiées des mesures fiscales. Emmanuel Macron avait promis une baisse de l’impôt sur les sociétés, mais en réalité il ne facilite pas la vie des petites entreprises, comme avec la mise en place du prélèvement à la source. Maintenant, on ne leur promet plus rien et je pense que les entrepreneurs ont bien compris qu’ils n’auraient rien. Les entreprises sont les grandes oubliées du Grand débat et leurs doléances ne font pas pleurer dans les chaumières. Pourtant, on oublie de dire que ce sont elles qui créent les emplois et que l’on ne pourrait rien faire sans elles. Mais l’entreprise est le bouc émissaire utile de toutes les frustrations. On est malheureusement encore dans une lutte des classes, on a une vision assez romantique de l’entreprise qui exploite les salariés qui n’ont plus rien à la fin du mois. Les entreprises vont continuer de financer toutes les extravagances et les dépenses publiques supplémentaires.

Dans une récente étude, vous prônez la suppression pure et simple de la taxe carbone, qui a été rejetée dans de nombreux pays. Pour quelles raisons ?

Ce n’est pas une taxe qui a été adoptée au niveau européen, elle aurait dû nécessairement être adoptée au niveau européen. Emmanuel Macron et François Hollande ont voulu s’ériger comme les leaders de la taxation du carbone dans le monde et ils ont instauré une taxe complètement absurde puisque les plus gros pollueurs, les transporteurs maritimes, fluviaux et aériens, sont exonérés de cette taxe qui n’est payée que par les consommateurs. Ce sont les conducteurs de la France périphérique et les gens qui ont besoin de se chauffer qui paient cette taxe aujourd’hui ! Le gouvernement savait très bien qu’il y avait un risque majeur de révolte sociale, cela avait été annoncé dans plusieurs notes. Cette révolte sociale a eu lieu en Australie, où l’on a voulu instaurer ce même type de taxe et le Premier ministre a dû démissionner. Nous invitons nos dirigeants à avoir une vision internationale de la taxe carbone. Ils doivent arrêter de penser que l’on va régler tous les problèmes d’émission de carbone à notre petit niveau, alors que la France est responsable de moins d’un pour cent des émissions de carbone et que les États-Unis, la Chine et la Russie, qui représentent plus de cinquante pour cent des émissions de carbone, n’ont aucun projet de taxe carbone. Donc, on est dans un système délirant quand on regarde les choses au niveau international. Ce sont les États qui polluent le moins, comme la France, qui adoptent des taxes carbone qui pèsent énormément sur leur population, tandis que les États qui polluent le plus se sont bien gardés d’introduire une taxe carbone, puisqu’ils savent très bien que cela grève le pouvoir d’achat des classes populaires et moyennes, tout comme la compétitivité des entreprises. On demande un peu de rationalité économique dans la transition énergétique. Il faut arrêter l’idéologie et les bons sentiments. On ne peut pas changer un modèle du jour au lendemain et la France n’a d’ailleurs pas un système aussi catastrophique qu’on le prétend car, grâce au nucléaire, nous avons une énergie assez décarbonée. On sait qu’il y a beaucoup de membres du gouvernement et des parlementaires de La République en Marche qui militent activement pour une nouvelle hausse de la taxe carbone. Ce serait une catastrophe sociale. Il ne faut pas oublier que les Gilets jaunes sont le fruit de cette hausse injuste de la fiscalité énergétique qui pèse sur les ménages. On est à un tel niveau de prélèvements que l’on ne peut plus se permettre de rajouter des prélèvements, quand bien même pour sauver la planète !

Écrit par Rédaction

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