Octogénaire, star du cinéma X français, il a été surnommé « Queue de béton » !
Richard Allan a été la star du cinéma X français dans les années 70 et 80. La presse l’appelait « Queue de béton » et il a tourné plus de 400 films pornographiques avec les plus grandes vedettes de l’époque, notamment Claudine Beccarie, Sylvia Bourdon, Béatrice Harnois, Erika Cool, Brigitte Lahaie ou Marilyn Jess. Ces films ont fait le tour du monde et certains d’entre eux continuent d’être considérés comme des grands « classiques » du cinéma pornographique.
Aujourd’hui âgé de 82 ans, il porte un regard très sévère sur l’industrie pornographique, qu’il compare à de l’esclavage. Il déplore entre autres la violence de certains actes sexuels filmés, ainsi que les standards de beauté imposés aux femmes.
Richard Allan a passé quelques jours de vacances à La Baule et nous l’avons rencontré à cette occasion.
Kernews : Vous avez eu une notoriété mondiale dans le cinéma X. Comment devient-on acteur dans ce milieu ?
Richard Allan : La vie n’est faite que de rencontres et c’est à l’occasion d’une rencontre que je suis tombé dans ce milieu très spécial. J’étais friand de soirées érotiques, et même un peu plus pour les initiés… Au cours d’une soirée, j’ai fait la rencontre d’une célèbre prêtresse de l’amour qui m’a vu à l’œuvre. À l’époque, j’avais monté une entreprise qui n’avait pas vraiment fonctionné. Je venais de revendre mes parts à mon associé et je cherchais du travail. Cette femme m’a dit que j’avais une drôle de santé et qu’elle voulait me présenter à un ami qui faisait des photos érotiques et un peu plus. Je savais ce que cela signifiait, puisque j’avais déjà vu des revues danoises ou suédoises, mais j’ai d’abord décidé de demander l’autorisation à ma femme, qui participait aussi à nos soirées. Lors du premier rendez-vous de travail, j’étais avec ma femme. Il y avait un photographe, le producteur, un assistant et un autre couple. Je tombe sur une fille aux yeux bleus et très mignonne. Or, tout d’un coup, c’est l’échec… En clair, je n’ai pas eu d’érection et je me suis remis en question. Pourtant, à force de faire des soirées, j’avais beaucoup de facilités dans ce domaine. Mais rien ne s’est passé. Le producteur m’a dit que ce n’était pas grave, que cela arrivait souvent la première fois, et j’ai été doublé. La seconde fois, j’ai compris qu’il fallait absolument que je sépare la tête et les jambes, en faisant un travail sur moi-même. Et à partir de ce moment, cela a fonctionné. Ensuite, un copain m’a présenté le metteur en scène Alain Payet, très connu dans le milieu, et j’ai fait mon premier film qui s’appelait « La sucette magique ».
La pornographie existe depuis la nuit des temps, mais pas le cinéma : étiez-vous des pionniers dans ce domaine ?
Effectivement, nous faisions du cinéma 35 mm en technicolor, c’était une période d’essai en France. Au début, on faisait des inserts entre nos films et des films suédois. J’ai commencé en 1974. Après Alain Payet, j’ai fait des doublures pour le film « Les Jouisseuses » qui a ramené 30 millions de recettes. C’était énorme ! J’étais déjà considéré comme une star dans le système lorsque Brigitte Lahaie est arrivée.
Dans les médias, comme dans la profession, on vous surnommait « Queue de béton »…
Oui, j’avais la réputation de l’homme qui avait toujours la capacité d’être facilement en érection. Ce surnom vient d’un journaliste. Il a assisté à un tournage où je devais tourner six films en une semaine. Avec un même décor, nous avions six dialogues, six costumes et six scènes différentes. Je passais d’une scène à l’autre très facilement et le journaliste m’a dit : « Ce n’est pas possible, tu as une queue en béton pour arriver à bander toute la journée ! » Il a sorti son article et, en plus, cela a donné l’idée d’un film, totalement nul mais qui a très bien marché.
Le cinéma porno a toujours eu une mauvaise réputation avec des caricatures de spectateurs comme le travailleur immigré ou le gars qui est dans la misère sexuelle… Quel a été le rôle de Canal+ dans le développement du film pornographique ?
Canal+, c’est en 1985. Au début, il y avait dans des cinémas des séances que l’on appelait « la séance de minuit » dans certains villages. Les spectateurs se présentaient, tout en surveillant que leurs voisins n’étaient pas là… Parfois, tout le monde se rencontrait, après tout, ce n’est pas honteux d’aimer les mêmes choses. La découverte du cinéma pornographique s’est faite ainsi. En 1985, Canal+ a commencé à diffuser des films, tout comme M6 à l’époque, qui diffusait pas mal de mes films, et cela nous apportait une rétribution financière. Cela a vraiment permis de faire décoller Canal+. Il ne faut pas oublier le rôle de la cassette vidéo, qui a permis à beaucoup de jeunes de découvrir la sexualité. En 1975, il y a eu la censure, avec la taxation des films pornographiques et de nombreux procès. Les budgets ont commencé à décliner à partir de 1978. Donc, Canal+ et M6 ont apporté un second souffle à ce secteur.
Canal+ diffusait des films pornographiques, tandis que M6 proposait des films érotiques : quelle est la frontière ? Le degré de désir ne vient-il pas aussi du mystère, ce qui pourrait aussi expliquer le succès des films érotiques ?
La frontière entre l’érotisme et la pornographie, c’est de baisser l’écran pour voir la suite… Prenons le cas d’ « Emmanuelle », qui a été un succès mondial et phénoménal. Un peu comme dans la lecture, le film fait appel à l’imaginaire du spectateur. La pornographie n’est pas belle en soi, car on montre immédiatement le but que l’on veut atteindre. C’est vrai, sur M6, j’ai été diffusé pendant dix ans à travers les versions soft de mes films. En effet, souvent, nous avions une version hard et une version soft…
Vous vous êtes retiré de la profession avec l’apparition du sida…
J’avais plusieurs activités. D’abord, j’avais un agenda de bonnes adresses, notamment pour des décors, tout comme des acteurs, afin d’avoir plusieurs cordes à mon arc. Ensuite, j’ai créé ma société de production et de distribution. Lorsque la vidéo est arrivée dans les années 80, je me suis dit que nous allions passer dans un système de diffusion différent. J’étais très ancré dans le cinéma traditionnel et j’ai décidé de basculer dans la production. En 1982, j’ai tourné mon dernier film, « Initiation d’une femme mariée ». J’ai été contacté par une grande société de presse italienne pour diriger toutes ses opérations en France. Un matin, j’ouvre le journal Libération, j’étais à mon bureau et je vois la photo d’un type nu avec des taches noires sur le corps. L’article était intitulé : « Cet homme va mourir du syndrome de Kaposi ». J’ai découvert ainsi le sida. J’étais dans une colonie à risques, je faisais beaucoup de films, j’allais dans beaucoup de soirées… J’ai décidé de tout stopper du jour au lendemain. Je n’ai jamais rien attrapé. Donc, il y avait cette conjonction entre la fin du cinéma 35 mm, l’arrivée de la vidéo et puis les risques sanitaires.
La pornographie actuelle donne une vision très perverse et dégradante de la sexualité. Qu’en pensez-vous ?
Cela n’a rien à voir avec ce que j’ai vécu. C’était de bon aloi, c’était toujours une histoire avec des scènes quotidiennes de la vie courante. Aujourd’hui, je suis horrifié par les scènes que peuvent voir les enfants. Lorsqu’un enfant de neuf ans ouvre son téléphone, il peut tomber tout de suite sur une photo pornographique qui sera son apprentissage de ce qu’il reproduira demain. On n’est plus dans le romantisme avec les prémices et les baisers. On est dans une image brutale qui a complètement transformé la libido et la sexualité des enfants, et c’est très grave. Mes enfants ont évidemment subi les sarcasmes de leurs petits camarades et ma dernière fille, qui a bientôt 30 ans, a subi les conséquences de tout cela. Ce qu’a subi ma fille a été révélateur de mon combat. Un jour, j’ai demandé une entrevue à son proviseur, en lui disant qu’il savait bien qui j’étais et que je n’acceptais plus les sarcasmes dont elle était l’objet. Alors, j’ai proposé trois choses : « Vous les convoquez et vous remettez de l’ordre. Sinon, vous me convoquez pour que je leur explique ce qu’est la vie. Sinon, je préviens la presse et le rectorat. » Aujourd’hui, quinze ans plus tard, les choses sont plus graves. C’est très malsain.
Il y a une humiliation permanente des partenaires et le mot qui revient le plus souvent, c’est que cette pornographie est sale. Malgré tout, les recettes sont énormes…
J’observe qu’il y a beaucoup de nostalgiques de nos films anciens, parce qu’il y avait une histoire. Parfois les gens s’identifiaient et le plaisir était réel. Aujourd’hui, nous sommes face à des images brutales. L’image est très éclairée, on voit de très jolies filles face à deux ou trois protagonistes, elles se font cracher sur le visage… On retrouve toujours cela. C’est vraiment l’humiliation de la femme à travers des gifles et des paroles ordurières, sans parler de scènes brutales et très spécialisées. C’est quelque chose que je hais. Il m’arrive d’aller voir certaines choses sur Internet, mais je pense que ce n’est pas du tout motivant. On est entré dans l’ère masturbatoire, car sur le plan de l’excitation pure cela n’apporte pas grand-chose.
Cela peut-il avoir des incidences sur la sexualité de certaines personnes fragiles ?
Je ne sais pas. Je dis souvent que le cinéma pornographique a été le bienfaiteur de l’humanité, car cela a pu aider certaines personnes et leur éviter certains actes délictueux. Le gars qui se masturbe passe d’un état de nervosité à une certaine sérénité. À l’inverse, c’est vrai, je pense que la sexualité des enfants a beaucoup changé depuis une vingtaine d’années. Ma fille avait beaucoup de petites copines qui se posaient des questions. La mise en scène a disparu, comme recevoir une personne avec délicatesse, des bougies, de la musique ou un lit confortable. Maintenant, on baise directement dans la voiture… J’entends toujours cela chez les jeunes et je trouve cela dommage d’avoir perdu toute cette poésie de la séduction.
Votre message consiste-t-il à reconnaître que la pornographie est un monde artificiel et qu’il convient de revenir au romantisme et à la séduction ?
C’est un retour en arrière qui sera à mon avis un peu difficile. Ce qui est important, c’est l’éducation apportée par les parents. Mes premières filles parlaient très librement de leur passage de l’enfance à l’adolescence et je considère qu’il est de notre devoir d’évoquer les dangers de la sexualité avec nos enfants. Malheureusement, beaucoup de parents se rejettent la balle. Si l’on commence à éduquer son enfant sur les risques de la vie, on évoque naturellement les risques de la pornographie, avec ces images brutales, et il faut bien expliquer que ce n’est pas cela l’amour.
Actuellement, il y a de plus en plus d’éducation à la sexualité dans les écoles, notamment en évoquant la masturbation. Qu’en pensez-vous ?
Si j’étais papa d’un jeune garçon ou d’une jeune fille, en apprenant cela, j’irais foutre le bordel à l’école ! J’ai été confronté à une image de ma fille dans la salle de bains : je l’appelle pour venir dîner et elle ne répond pas. J’ouvre la porte et elle était en train de se toucher devant la glace… Mais c’est normal, l’enfant se découvre à un moment donné. Un garçon fera la même chose et c’est tout à fait normal, puisque c’est la nature qui veut cela. Certains pères vont gifler leur enfant en lui expliquant que cela ne se fait pas, mais c’est une erreur. D’autres vont faire semblant de ne rien avoir vu et vont refermer la porte. Tout dépend de son milieu aussi. Je sais qu’il n’est pas facile de trouver les paroles. Pour moi, ce sont simplement les choses de la vie. Aujourd’hui, il y a beaucoup d’hypocrisie, notamment à travers le wokisme qui dépasse l’entendement, car on retombe dans un puritanisme malsain. Il faut appeler un chat un chat. L’homme existe, il est ce qu’il est.
De nombreuses études indiquent que les jeunes ont de moins en moins de relations sexuelles. Plus la vidéo pornographique est accessible, plus la libido semble s’estomper. Comment analysez-vous cela ?
J’ai lu cela. Ce changement a été provoqué par les réseaux sociaux et toutes les fausses informations qui peuvent circuler. Un jeune qui est étranger à tout cela, avec une bonne éducation, lorsqu’il se retrouve avec ses copains, devient très vite le con de l’histoire. Ses copains vont lui montrer des vidéos et il va brutalement passer du paradis à l’enfer. On va lui montrer une nana qui se fait frapper, avec un sexe dans la bouche, cela va complètement perturber son éducation. Il va s’imaginer qu’il est presque normal de faire cela le soir de ses fiançailles ou de son mariage. Trop de libertés tuent la liberté.
Paradoxalement, il y a trop de libertés dans ce domaine, mais beaucoup moins dans d’autres…
Oui, nous sommes de moins en moins libre dans nos paroles. D’ailleurs, j’ai beaucoup dénoncé sur les réseaux sociaux, mais j’hésite beaucoup maintenant sur les termes que j’emploie. Sans parler de pornographie, sur tous les sujets, il faut faire attention. C’est un phénomène d’entonnoir, on est en train de nous mettre dans un goulot. La liberté, c’est de pouvoir parler et avoir l’envie de comprendre les autres,. C’est comme en politique. D’ailleurs, si vous votez dans un certain sens, on vous pourchasse parce que l’on n’accepte pas votre vote. Personnellement, je suis content que cette année se finisse. On est dans un marasme total, on fait des courbettes à toute cette marmaille qui veut des postes. J’ai entendu les propos d’une femme que j’aime beaucoup, maire d’un village où il y a eu un crime horrible. C’est quelqu’un qui devrait être au gouvernement, parce qu’elle rentre dans le lard. Elle a dit que Marine Le Pen était la femme la plus en vue de France. La journaliste était choquée et elle a répété que Marine Le Pen était la femme la plus forte de France. J’ai trouvé ça vraiment super.
Ces propos sont amusants de votre part alors que dans les années 70, vous ne deviez pas être très populaire au sein de ce même électorat… De là où vous venez, on vous aurait plutôt imaginé dans un camp situé un peu plus à gauche…
Ah non ! C’est drôle, on taxe beaucoup de comédiens de gauchistes, mais moi j’ai toujours été de droite et j’ai toujours eu une grande gueule. Ce n’est pas pour rien que l’on m’a appelé « Queue de béton ». Je me suis servi de ma notoriété pour tout ce que j’ai entrepris derrière, avec le groupe de presse italien, mais aussi dans différentes autres affaires. Je suis toujours rentré dans le lard de ceux qui le méritaient. Je suis un homme et j’ai eu la chance, contrairement à beaucoup de femmes dévastées par ce milieu, à l’exception de quelques-unes, comme Brigitte Lahaie qui a eu une carrière exceptionnelle. Pour répondre à votre question, je suis de droite et je serai toujours à droite. Cette société me hérisse. J’espère que les choses changeront dans deux ans.