David Samzun, maire de Saint-Nazaire, vient de recevoir une délégation des Gilets jaunes. Cet échange répondait à une demande d’audience qui lui a été faite lors de la manifestation qui s’est tenue mercredi 5 décembre devant l’Hôtel de Ville de Saint-Nazaire. Nous publions la déclaration de David Samzun : « Le mouvement des Gilets Jaunes est une interpellation forte et puissante pour notre pays. Il était donc légitime que je réponde à la demande d’audience qui m’a été faite lors de la manifestation qui s’est tenue ce jour devant l’Hôtel de ville de Saint-Nazaire. Ce rendez-vous simple et franc avec une délégation de citoyens nazairiens s’est déroulé dans une ambiance apaisée. Nous avons pu échanger sur le défi de trouver une réponse équilibrée entre les attentes individuelles et immédiates en matière de pouvoir d’achat et en même temps la capacité collective des français à préserver les outils de la solidarité et à préparer leur avenir commun, notamment en matière de transition énergétique. C’est aussi un défi pour notre vie démocratique tant ce mouvement bouscule les partis politiques et l’ensemble des corps intermédiaires qui peinent à trouver une issue, et c’est pourtant bien leur rôle, à cette colère citoyenne. J’ai encouragé l’ensemble des Gilets Jaunes nazairiens à s’organiser sous forme associative afin de construire leurs réflexions et de donner un cadre à leurs actions. Je sais que certains y travaillent. Il est en effet urgent que s’organise l’émergence locale et nationale d’interlocuteurs, à la fois dans ce moment de crise mais aussi pour la suite, afin de retrouver, aux côtés des autres acteurs du débat public, un fonctionnement démocratique apaisé. A leurs côtés, les élus locaux, les partis politiques, les organisations syndicales, les associations doivent prendre toute leur place pour parvenir ensemble à une sortie de crise. Il est essentiel que les Gilets Jaunes trouvent les formes d’organisation, de manifestations et de pression qu’ils estiment utiles à l’avancée de leurs revendications sans que soient mises en jeu la vie des personnes et la préservation des biens. Il appartient aux forces de l’ordre de préserver ces dernières et il est légitime qu’ils mettent fin aux agissements des casseurs. Il m’est en effet apparu important de rappeler, face aux débordements qu’ont pu connaitre certaines manifestations et notamment parisiennes, que dans une démocratie, un mouvement de protestation ne peut pas reposer sur la violence. Au-delà de quelques extrémistes, dont j’espère qu’ils seront rapidement marginalisés par l’organisation démocratique progressive de ce mouvement, il apparaît clairement que la très grande majorité des Gilets Jaunes, soutenus en cela par une très large part de la population, remettent en cause les choix fiscaux et les choix d’aménagement du territoire portés par ce gouvernement ».
David Samzun ajoute : « Le Gouvernement a eu tort de mettre fin à l’ISF et il doit maintenant le réinstaurer ou imaginer des dispositifs qui conduiront les plus aisés d’entre nous à plus de solidarité à l’égard de la collectivité et de l’avenir de la France. Il est essentiel que des mesures bien plus fortes et efficaces soient par ailleurs engagées pour lutter contre la fraude fiscale, tant ces dizaines de milliards font défaut à tous nos services publics et à la solidarités sociale et territoriale. Le Gouvernement a eu tort de faire des cadeaux fiscaux comme les baisses de TVA ciblées qui n’ont produit que très peu d’effets sur l’emploi alors que la résidait la promesse d’un « retour » sur cet investissement public et donc cet effort de la collectivité nationale. Le Gouvernement a eu tort de mettre à mal les collectivités qui, quand elles sont en bonne santé comme l’est Saint-Nazaire, se voient stupidement freinées dans leurs dépenses de fonctionnement sachant qu’une large part de celles-ci favorisent le lien social, la solidarité, l’aménagement équilibré du territoire et de la Ville. Le Gouvernement a eu tort de vouloir bouleverser le paysage institutionnel français en mettant à mal des départements au nom d’une vision technocratique de l’idéal métropolitain. Ici, à Saint-Nazaire, en Loire Atlantique, dans la Métropole Nantes Saint-Nazaire, nous sommes une terre de solidarité parce que nous sommes un territoire équilibré, un territoire dans lesquels les services publics sont au rendez-vous, dans les Villes, entre les villes et la campagne, en essayant de préserver au maximum ce qui fait la force de notre région. Ici, à Saint-Nazaire et dans notre agglomération, nous avons toujours été vigilants afin que la ville ne se construise pas en délaissant tel ou tel quartier, nous avons fait le choix de ne pas augmenter les taux des impôts locaux depuis plusieurs années par souci de préserver le pouvoir d’achat des habitants dans un contexte ou l’État n’a cessé de transférer des charges aux collectivités sans souci de les compenser, nous avons déployé une offre exemplaire de temps péri éducatifs sans demander aux familles de le financer considérant qu’il appartenait à la puissance publique d’assumer cette solidarité via l’impôt, nous avons développé des dispositifs de tarifications sociales très précautionneux envers les plus fragiles, qu’il s’agisse d’accès à la cantine, aux transports publics. Ici, à Saint-Nazaire, nous sommes profondément respectueux des acteurs sociaux, qu’ils soient syndicaux ou associatifs, autant que des habitants. Nous avons, depuis le début du mandat revisité un très large nombre de politiques publiques avec une même méthode permettant d’associer le plus largement toutes celles et ceux qui souhaitaient prendre part à la réflexion. Bien au-delà des premières mesures présentées hier par le Premier Ministre, il est essentiel que des propositions globales soient faites pour permettre une meilleure solidarité financière entre les français, pour parvenir à un nouveau pacte républicain capable de lier chacun d’entre nous et ne pas laisser les égoïsmes prendre le dessus tant il est vrai que nous avons encore de nombreux défis à relever. Nous avons besoin d’argent public, pour accompagner nos hôpitaux de proximité, pour renforcer notre système éducatif, pour renouveler nos infrastructures vieillissantes, pour construire celles qui nous permettront de préparer l’avenir et notamment la transition énergétique. Face à la crise que traverse notre pays, nous avons autant besoin de méthode que de débats sur le contenu des réformes qui permettraient de passer ce nouveau contrat social que les citoyens, au travers de ce mouvement des « Gilets Jaunes » appellent de leurs vœux. C’est pourquoi des « États généraux du pouvoir d’achat » s’imposent, comme le réclament des responsables syndicaux et les forces politiques responsables qui essayent, à leur place et c’est bien normal, de participer à la recherche des solutions pour donner un débouché politique à cette colère citoyenne. Les propositions concrètes avancées par certains, autour de l’extension du chèque énergie aux dépenses de carburant ainsi que son extension à un plus grand nombre de bénéficiaires pour accompagner celles et ceux qui n’ont pas le choix quant à l’usage de leur voiture, l’indexation des retraites de base sur l’inflation, la baisse de la CSG pour les plus bas revenus, la création de tranches d’impôts supplémentaires pour les hauts revenus, la lutte renforcée contre l’évasion fiscale semblent être de bonnes pistes de travail. Ces dépenses nouvelles devraient se trouver financées par le rétablissement de l’ISF, ou de toute autre forme de prélèvement sur les grandes fortunes, par une augmentation de la fiscalité sur les revenus mobiliers et les dividendes avec le souci essentiel de ne pas pénaliser les investissements productifs par une fiscalité qui serait aveuglement alourdie ».
Pour David Samzun, deux dangers majeurs guettent le gouvernement : « Celui, à force de maladresses et de provocations, de favoriser la montée des égoïsmes et celle d’un discours généralisé sur le refus de l’impôt. Celui, à force de fascination pour le modèle de l’autoentrepreneur et de la Start-up Nation, de monter les français les uns contre les autres entre ceux qui réussissent et ceux qui décrochent, et d’abîmer les outils de la solidarité et de la protection collective contre les accidents de la vie. Nous avons besoin de retrouver du sens et du collectif. C’est le rôle même des dirigeants politiques de répondre à ces défis. Je suis comptable de mes engagements locaux qui visent à faire de Saint-Nazaire une ville plus fraternelle et inventive. Je constate que la force du projet a régulièrement permis de réunir toutes les bonnes volontés. Le gouvernement a quant à lui les cartes en mains : les acteurs politiques, sociaux et syndicaux sont force de proposition et ils se sont mis à sa disposition. Il lui faut maintenant imaginer le cadre permettant de travailler et de réunir la Nation ».