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Thierry Mariani, porte-parole de Marine Le Pen : « Le Mozart de la finance, c’est celui qui a tiré le pays vers le désordre et un endettement qui n’a jamais été aussi important. »

L’invité de Yannick Urrien du jeudi 14 avril 2022

Extraits de l’entretien


Certaines personnes hésitent à voter en faveur de Marine Le Pen car elles craignent que le pays soit bloqué, avec de nombreuses manifestations. Que répondez-vous à cet argument ?

Thierry Mariani : Je pense que Marine Le Pen est beaucoup moins provocatrice et respecte beaucoup plus les Français qu’Emmanuel Macron. Je n’aurai pas la cruauté de vous rappeler ce qui s’est passé au cours de ces cinq dernières années. Oublions la crise sanitaire, on sait bien que le président Macron n’est pas responsable du Covid – ne caricaturons pas – mais, avant, il y a eu un certain nombre d’événements. En raison d’une réforme des retraites qu’il ne maîtrisait absolument pas, avec de mauvaises surprises tous les jours, il y a eu des grèves à répétition qui ont mis le pays à plat. Après, on a quand même eu les Gilets jaunes, qui ont été un mouvement remarquable au départ, mais qui a été gâché par les débordements de l’extrême gauche, face auxquels le gouvernement n’a rien voulu faire. N’oublions pas que le mouvement des Gilets jaunes est parti parce que Monsieur Macron n’a pas voulu discuter avec certains Français. Quand certains Français ont expliqué que leur niveau de vie était de plus en plus difficile, on leur a répondu qu’ils devaient traverser la rue pour trouver un boulot, ou qu’ils devaient s’acheter un costard… C’est ma neuvième élection présidentielle. J’ai commencé à m’intéresser à la politique quand j’avais seize ans : à l’époque, c’était Chaban-Delmas et Valéry Giscard d’Estaing. Je n’ai jamais vu un président qui ait affiché un tel mépris de caste et qui se soit intéressé aux Français juste au moment des élections. Franchement, le chaos, c’était bien ces cinq années d’Emmanuel Macron. On peut être d’accord avec un président, en désaccord avec d’autres, j’étais en désaccord avec François Mitterrand ou avec François Hollande, mais on n’a jamais senti ce mépris que les Français ressentent. Aujourd’hui, les Français se disent que cela suffit. Si le seul argument des défenseurs de Monsieur Macron est de nous expliquer que Marine Le Pen c’est le chaos, qu’ils regardent en arrière ! Ce pays sort de cinq ans d’Emmanuel Macron dans un état d’affaiblissement terrible. Il y a 600 milliards de dettes supplémentaires, c’est la Cour des comptes qui le dit, et simplement 150 milliards sont dus à la crise sanitaire. Franchement, le Mozart de la finance, c’est celui qui a tiré le pays vers le désordre et un endettement qui n’a jamais été aussi important.

Si Marine Le Pen a changé, c’est parce que, justement, il y a beaucoup de monde autour d’elle.

On entend aussi formuler un autre argument : Marine Le Pen n’aurait personne autour d’elle pour constituer un gouvernement…

Je peux vous dire qu’il y a du monde ! J’ai été pendant quarante-deux ans au RPR, à l’UMP et aux Républicains. J’ai découvert, en rejoignant le Rassemblement national, que c’était un parti à part. D’abord, c’est l’un des derniers partis ou chaque réunion doit être protégée, parce que l’on sait très bien que dans certaines régions, notamment dans l’ouest de la France, il y a immédiatement des agressions des antifas, qui sont en réalité les vrais fascistes, avec des réunions qui sont perturbées en permanence. Mais cela ne choque personne ! J’ai découvert surtout que c’est un parti où il faut se cacher. À la précédente élection, il y avait autour de Marine Le Pen un petit groupe, Les Horaces. Les noms ont été publiés dans la presse après les élections et ces gens ont dû en faire les frais parce que, comme c’étaient de hauts fonctionnaires ou des cadres, ils en ont souffert dans leur travail. Si Marine Le Pen a changé, c’est parce que, justement, il y a beaucoup de monde autour d’elle. J’ai la chance de pouvoir travailler à visage découvert, j’ai la chance de vivre de la politique, donc je n’ai pas de patron au-dessus de moi, si ce n’est les électeurs. Ce sont les patrons les plus exigeants, mais aussi les plus équitables. Dans ces fameux Horaces, nous avons des gens qui viennent de la haute fonction publique et un certain nombre de responsables de très grandes entreprises et qui sont prêts. Ils ont préparé le programme avec Marine Le Pen et, tout le monde le dit, ce n’est pas la même qu’en 2017. Elle est prête, elle a bien travaillé ces dossiers. Donc, je vous rassure, il y a toute une série de personnes qui sont prêtes. L’un de vos confrères me faisait remarquer que lorsque Macron a créé son premier gouvernement, il y avait des pièces rapportées, comme Castaner, Gérard Collomb, mais aussi Darmanin, Le Maire et Édouard Philippe. Mais la moitié du gouvernement était composée d’inconnus complets… Est-ce que vous connaissiez Madame Élisabeth Borne ? Est-ce que vous connaissiez Madame Nathalie Loiseau ?

J’ai bien plus peur de la réélection d’Emmanuel Macron quand je vois son mépris

On entend aussi dire que le programme économique ne tient pas le coup, parce que ce serait la faillite de la France et une explosion des dépenses publiques…

Prenez le dossier des retraites, par exemple. D’abord, les positions de Marine Le Pen ont été caricaturées depuis le début, puisqu’elle a toujours dit qu’il fallait 40 années de cotisations à partir de soixante ans. Cela veut dire que cela concerne une partie des Français qui ont commencé à travailler extrêmement jeunes. On sait tous très bien que pour avoir 40 années de cotisations, la majorité des Français commençant à travailler à vingt-trois ans, cela fait des retraites à soixante-trois ou soixante-quatre ans. Toutes ses positions ont été caricaturées. Je constate qu’Emmanuel Macron change en permanence sur ce dossier. Il s’est fait élire en nous expliquant qu’il allait faire une retraite à points et qu’il n’y aurait plus de régimes spéciaux, pendant deux ans. Ils ont créé un comité de réflexion avec Jean-Paul Delevoye, puis une loi. Puis il y a eu la Covid et tout est passé à la trappe. Maintenant, il revient avec une nouvelle proposition sur la retraite à soixante-cinq ans. Il s’aperçoit qu’il n’arrivera pas à la passer et cela devient maintenant soixante-quatre ans… Vous croyez vraiment que c’est sérieux ? C’est bien Macron qui nous expliquait au début de son mandat qu’il fallait ralentir le nucléaire ? C’est bien le même qui nous explique aujourd’hui que nous sommes un peu plus indépendants grâce au nucléaire… C’est bien lui qui nous expliquait que la réussite de la France était dans le mondialisme et qu’il fallait plus de libre-échange et moins de protection à nos frontières ? Aujourd’hui, il nous explique presque qu’il faudrait retrouver une souveraineté économique et que ce que disaient des Montebourg, Chevènement et Marine Le Pen n’était pas totalement idiot… Lors de la précédente campagne, des journalistes disaient à Emmanuel Macron : « On ne connaît pas votre programme ». Il a été excédé et il a répondu : « Ce qui compte, c’est la vision ». Sa vision, c’est lui, c’est son élection. Il est persuadé d’être plus intelligent que tout le monde et ses idées changent en fonction de ses intérêts. Il n’a pas de doctrine. Il y a cinq ans, c’était un acharné de l’Union européenne et, maintenant, il va devenir plus souverainiste que Marine Le Pen ! Sa seule ambition, c’est d’être réélu. J’ai bien plus peur de la réélection d’Emmanuel Macron quand je vois son mépris ou quand je vois la manière dont il conduit ses affaires en changeant d’opinion en fonction de l’air du temps et de l’actualité. Dites-vous bien qu’il sera sans filet cette fois-ci, car il n’aura plus à se soucier de sa réélection. Et je crains le pire.

Cette vieille différence gauche – droite est complètement dépassée

L’électorat bourgeois hésite à voter pour Marine Le Pen en lui reprochant d’être trop sociale, tandis que l’électorat qui a voté pour Mélenchon estime qu’il ne doit pas choisir Marine Le Pen parce qu’elle ferait la politique des riches… Comment analysez-vous cette contradiction ?

En ce moment, Marine Le Pen a tous les défauts et, s’il y a un tremblement de terre la semaine prochaine, la responsable sera Marine Le Pen… Sérieusement, le problème n’est pas de faire une politique de gauche ou de droite : elle veut faire une politique dans l’intérêt des Français. Aujourd’hui, cette vieille différence gauche – droite est complètement dépassée. J’adorais Philippe Séguin, qui avait une phrase prophétique au moment du référendum de Maastricht : « Gauche et droite sont devenues désormais deux détaillants qui s’approvisionnent auprès du même grossiste : l’Union européenne. » Aujourd’hui, on devrait dire le mondialisme. C’est-à-dire que ce sont des gens pour qui, moins on fera de France, plus on allégera un certain nombre de choses qui ont fait la grandeur de notre pays, plus nous serons un pays où l’on vivra mieux. Mais c’est l’inverse ! Marine Le Pen est-elle plus ou moins sociale ? Si je suis Mélenchon, quand je l’écoute dire qu’elle va faire une lutte contre la fraude, qui nous coûte des milliards – je fais référence au rapport de Charles Prats sur les millions de cartes vitales qui se baladent dans la nature – je ne sais pas si c’est une politique de gauche ou de droite : c’est une politique dans l’intérêt des Français, parce que cet argent récupéré permettra de mieux indemniser un certain nombre de personnes qui sont victimes d’un accident de la vie. Marine Le Pen évoque le pouvoir d’achat, donc le niveau de vie des Français et je conseille à tous ceux qui font de la route de regarder le prix de l’essence. S’il n’y a pas une politique de l’État qui vise à baisser les taxes sur l’essence, on ira vers une catastrophe, car nous sommes quand même l’un des rares pays avoir créé des taxes sur les taxes ! Il y a des mesures de gauche, il y a des mesures de droite, mais je pense surtout qu’elle veut casser le moule. J’ai malheureusement dépassé les soixante ans et l’évolution que j’observe depuis vingt ans est de pis en pis. Pour entrer dans ces règles européennes de mondialisation, qui dépassent de plus en plus les compétences de départ de l’Union européenne, la France se dissout et les Français trinquent. Quand elle dit qu’il faut renégocier, regardez l’Union européenne qui a attendu que Monsieur Orban soit réélu pour immédiatement sanctionner et pénaliser la Hongrie dans les dotations. Est-ce respecter le droit des peuples ? Marine Le Pen indique qu’elle ne céderait pas, parce que la grande force de la France – contrairement à la Hongrie – c’est d’être un contributeur net. Quand vous êtes celui qui reçoit et qui veut renégocier, c’est plus difficile. Mais quand vous êtes celui qui paye, c’est un peu plus facile et on vous écoute. Marine Le Pen dit qu’elle veut rester dans l’Europe, mais qu’elle veut changer les règles, car ce n’est pas à Madame von der Leyen de décider de tout et le peuple qui doit suivre ensuite. Marine Le Pen prend des idées à gauche et elle prend des idées à droite, parce que, si l’on est démocrate, on sait très bien qu’il y a de bonnes idées de tous les côtés et qu’il faut savoir composer.

Écrit par Rédaction

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