Tom Benoît est un jeune philosophe, écrivain et essayiste d’une trentaine d’années. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, notamment « Instinct mimétique et solitude asservie », et il est maintenant connu pour ses interviews percutantes de personnalités politiques sur TV5. Il dirige également le magazine Géostratégie Magazine.
Kernews : Vous interrogez souvent sur TV5 des ministres et des personnalités politiques sur des sujets économiques, notamment les conséquences de notre endettement. On a le sentiment que vos interlocuteurs sont parfois un peu perdus…
Tom Benoît : Il y a une distinction très marquée entre l’exercice politique et les représentants politiques nationaux, pour une raison simple : c’est que l’action politique n’est pas logée au sein des organes de décision nationaux, mais plutôt au sein d’organes européens, comme la Banque centrale. Les décisions effectives ne sont pas prises par les députés ou les sénateurs. Effectivement, les ministres n’ont pas les connaissances requises pour exercer leurs fonctions, et c’est problématique. Je ne pense pas qu’un ministre de l’Économie puisse être un personnage interchangeable, car pour diriger les finances publiques d’un pays, il faut être passionné par l’économie et l’on ne peut pas, du jour au lendemain, passer de l’Agriculture à l’Économie, puis à l’Éducation… On voit un Premier ministre de 34 ans, qui n’a jamais été salarié dans une société privée, ni même chef d’entreprise. Il a toujours évolué professionnellement dans des cabinets ministériels, pourquoi pas un jour président de la République de la septième puissance mondiale… C’est un modèle qui ne peut pas marcher.
Certes, mais René Monory qui était un excellent ministre de l’Économie, était garagiste…
Vous avez aussi des personnes plus brillantes que d’autres, ce que Schopenhauer appelait des génies, et c’est ce qui relève de l’exceptionnel. Pierre Bérégovoy était ajusteur en aéronautique et il avait du bon sens. Je parle régulièrement du bon sens, car l’un des socles de notre société occidentale était justement le bon sens, bien avant que les États-Unis existent. On distingue l’Occident du reste du monde par rapport au bon sens et à la capacité de reconnaître le beau du laid, le bien du mal, et la bonne direction de la mauvaise… À ce titre, pour des décisions politiques, comme pour des sensibilités personnelles, on s’aperçoit bien que la bonne et la mauvaise direction existent. Vous pouvez apprécier certains morceaux de musique, comme des chansons de Michel Sardou des années 80, en admettant que ce n’est pas du même niveau qu’une symphonie de Beethoven, donc vous reconnaissez le beau du moins beau, mais pourtant vous éprouvez du plaisir en écoutant Michel Sardou. Or vous êtes en mesure de reconnaître la qualité. Aujourd’hui, ce n’est plus du tout le cas. Nous avons des représentants politiques qui sont incapables de prendre des bonnes décisions pour faire évoluer convenablement la société. Il y a des représentants symboliques : par exemple, pour la flamme olympique, une drag queen qui porte la flamme olympique. Est-ce que les Français ont envie de se faire représenter par une drag queen ? Personnellement, non. Ce n’est pas de l’homophobie, ce n’est pas de la transphobie, mais je n’ai pas envie que la France soit représentée par un homme qui se déguise en femme. Par contre, je peux avoir une discussion tout à fait amicale avec une drag queen, en ayant beaucoup de respect pour cette personne. Mais je pense que cette situation ne permet pas de représenter avec dignité un pays comme la France. C’est sur ce point que l’Occident décline. Pire encore, on travestit la réalité en se contraignant à choisir la mauvaise direction, plutôt que la bonne.
Cela s’observe aussi dans le cadre des relations internationales…
Nous avons un ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, qui est donc le garant de la diplomatie. Je rappelle que le français a été la langue de la diplomatie et que le principe même de la diplomatie est d’entretenir des relations lorsqu’elles sont rendues difficiles par rapport à des situations géopolitiques. C’est le nom même du ministère qui est France Diplomatie. Et ce ministre déclare : « Ce n’est pas la peine de dialoguer avec la Russie ». Donc, il y a un territoire eurasiatique qui est aux portes d’un conflit qui semble presque inéluctable, et notre garant de la diplomatie qui déclare qu’il est inutile de dialoguer…
D’ailleurs, lorsque l’on recommande à quelqu’un de faire preuve de diplomatie, c’est justement quand il doit s’adresser à une personne avec qui les relations ne sont pas très bonnes. On ne va pas lui demander d’être diplomate auprès de son meilleur ami…
C’est le principe même de la diplomatie. Il s’agit de mettre sa mauvaise foi de côté pour trouver une solution. Aujourd’hui, on met de l’huile sur le feu. Je cite régulièrement Albert Camus qui disait : « Mal nommer les choses, c’est contribuer au malheur du monde. » À vouloir grossir des déviances, on prend le risque de ne plus savoir les nommer quand elles apparaissent réellement. Dans les médias, on parle régulièrement de l’ultra droite, alors que l’on pourrait parler de l’extrême droite. On fait cela parce que, pendant des années, on a pris la fâcheuse habitude de qualifier d’extrême droite ceux qui ne l’étaient pas… Donc, à présent, lorsqu’il y a des milices qui semblent un peu plus réellement d’extrême droite, on ne peut plus dire que ce sont des milices d’extrême droite, parce que cela reviendrait à dire que ce sont des milices apparentées aux opinions de quelqu’un comme Jean-Philippe Tanguy ou Florian Philippot… Donc, on est contraint d’inventer une nouvelle qualification : l’ultra droite. C’est la phase supplémentaire de la schizophrénie linguistique qui fait que l’on ne parvient plus, avec notre propre langue, à qualifier les situations. Donc, on parviendra bien moins à les comprendre et à les dénouer. Idem sur le viol. Il y a des femmes qui sont réellement violées, brutalement, sous la contrainte physique d’un homme, et ces femmes qualifient cela comme un viol, au même titre que parfois on peut qualifier des SMS agressifs. Cela peut être de l’oppression, mais ce n’est pas du viol.
On parle de plus en plus d’une épargne européenne, avec une volonté de taxer l’argent qui dort : faut-il craindre une nouvelle forme de taxation ?
Christian Noyer a exprimé cela de façon très précise dans son rapport remis à Bruno Le Maire. Il va falloir créer un produit d’épargne européen, qui serait régi par une gouvernance européenne, auquel il faudra contraindre une partie de la population à la souscription.
Vous prononcez bien le verbe contraindre…
Oui. Un produit d’épargne, c’est un compte à terme. Si vous souhaitez placer de l’argent, vous mobilisez votre argent et si vous récupérez votre épargne avant le terme, bien souvent vous perdez vos intérêts. Ce sera le même principe, mais ce sera régi par les pouvoirs publics et vous aurez une taxation sur les rentes. La rente sera l’argent que vous récupérerez avant le terme signifié. Ce n’est pas encore clairement défini, mais pour contraindre la population à souscrire à ce produit d’épargne, il y a plusieurs méthodes. Christian Noyer parle de vocation à financer la retraite par capitalisation. On peut imaginer qu’il soit, du jour au lendemain, obligatoire de cotiser à ce produit d’épargne pour certaines catégories de salariés ou d’entrepreneurs. Il y aura une ponction sur les revenus, au-delà même de l’imposition. Vous avez également l’unité de mesure de la finance et de l’économie, qui s’appelle la monnaie, qui était jusqu’à présent l’incarnation du souverain, mais qui l’est de moins en moins, puisque la souveraineté européenne n’existe pas. Cette monnaie est faussée. Mario Draghi a fait cela avec le Quantitative Easing, c’est-à-dire l’achat de titres obligataires sur le marché secondaire pour financer les États. Aujourd’hui, la Commission européenne veut créer un produit d’épargne européen pour financer la transition écologique et numérique. Quand on parle de réorienter l’épargne, pour investir dans la transition écologique et numérique, très précisément, cela veut dire s’acquitter de factures auprès de sociétés. Donc, il y a des sociétés comme Siemens Energy en Allemagne, qui a récupéré l’équivalent de 15 milliards d’argent public l’année dernière, parce que leur projet, présenté comme un fleuron de l’énergie verte, n’a pas fonctionné. C’est la population allemande qui a épongé les dettes de Siemens Energy. Il y a des pouvoirs publics qui considèrent qu’ils sont, plus à même que le marché, de prendre des décisions puisqu’ils ont sous leur joug les outils de création monétaire et les outils qui permettent de lever de l’imposition en ponctionnant l’épargne privée. Toutes ces manœuvres sont hypocrites. La suppression de l’impôt sur la fortune, par exemple, a donné lieu à la création de l’impôt sur la fortune immobilière. Il y a des personnes qui sont littéralement prises à la gorge et qui sont obligées de vendre leurs biens, après avoir réglé des frais de succession colossaux, parce qu’elles ne peuvent pas payer leur impôt sur la fortune immobilière. L’immobilier est victime d’une bulle et il y a des personnes qui détiennent des biens immobiliers, mais qui n’ont pas des quantités considérables de liquidités. Emmanuel Macron a créé l’impôt sur la fortune immobilière et c’est tout simplement l’étouffement des classes moyennes. Une personne qui hérite de ses parents d’une belle demeure en Provence, pour une valeur de 2,5 millions, et qui a un appartement de 800 000 €, va payer un impôt sur la fortune immobilière élevé. À l’inverse, avec une personne qui a plusieurs yachts, ce n’est pas pris en compte : vous pouvez avoir 25 millions investis dans un yacht à Saint-Tropez et vous ne paierez pas en proportion de ces 25 millions mobilisés.
Mais le prix de l’immobilier se valorise avec le temps, tandis que le yacht se dévalorise…
Aujourd’hui, le marché de l’immobilier est quand même baissier, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent. Effectivement, le prix d’un bateau va se dévaloriser. Mais si l’on considère que ce qu’il faut taxer, c’est la fortune, lorsque l’on arrive au stade qui permet de s’acheter un yacht, et c’est très bien, on est généralement plus à même à détenir des réserves de liquidités qu’une personne qui a hérité d’un bien immobilier familial et qui va payer l’IFI.