La société occidentale glisse-t-elle vers le totalitarisme ?
Le livre de Vincent Pavan a réussi à se hisser dans le classement des dix premières ventes de livres sur Amazon, ce qui constitue un exploit, compte tenu de la complexité intellectuelle de cet ouvrage. L’auteur y détaille avec méthode les idées qui appuient sa thèse sur le fait que notre société a glissé vers le totalitarisme.
Vincent Pavan est maître de conférences et chercheur en mathématiques à l’université d’Aix-Marseille, département Polytech. Ses recherches portent sur la théorie cinétique et l’équation de Boltzmann.
« Le totalitarisme en marche – De la perversion de la loi à l’homo sacer : une philosophie du présent. » de Vincent Pavan est publié aux Éditions Trédaniel.
Kernews : Vous démontrez comment une fracture importante dans nos libertés individuelles est intervenue au moment de la crise sanitaire. Selon vous, le décret de mars 2020 est le signe d’une rupture. Certes, nous ne sommes pas encore dans un État totalitaire, mais depuis cette période, vous estimez que nous sommes proches de la porte d’entrée. Quelle est votre analyse ?
Vincent Pavan : Quand on analyse ce qui s’est passé durant les périodes totalitaires, on constate que tout n’est pas arrivé d’un coup. Vera Sharav a très bien expliqué que le nazisme n’est pas arrivé en 1942, mais qu’il y a eu, pendant neuf ans, une succession de restrictions. Hannah Arendt explique aussi très bien que le totalitarisme commence lorsque l’on tue la personnalité juridique du citoyen à travers une restriction progressive de ses droits. À partir de là, on s’inscrit dans une démarche totalitaire qui, si elle se poursuit, amène aux pires excès et peut-être même à des crimes. Le décret Rivotril du 29 mars 2020 est important. On a suspendu certaines personnes du droit d’être soignées, notamment des personnes âgées, et on s’est même autorisés à supprimer leur vie en leur administrant du Rivotril sur simple soupçon de Covid. Le test PCR positif n’était même pas nécessaire. Tout cela a été décidé, parfois même sans l’accord de la famille. Donc, on observe bien des tricotages autour des droits des citoyens. Aujourd’hui, cela se poursuit avec les atteintes à la liberté d’expression qui sont de plus en plus importantes, puisque les totalitarismes ont besoin d’une idéologie, avec des fausses idées la plupart du temps. Et pour cela, les citoyens doivent se taire. Donc, on contrôle le discours des citoyens sur les réseaux sociaux. Je défends la thèse que cette logique a déjà été enclenchée.
Hannah Arendt évoque comme base de départ la suppression de la personnalité juridique. Quel est ce concept ? La personnalité juridique concerne-t-elle aussi des droits fondamentaux comme la liberté de circuler, la liberté de s’exprimer et même la liberté de commercer ? Quelqu’un comme Édouard Philippe avait même fait fermer des commerces…
Vous avez raison de rappeler cela. La personnalité juridique, c’est tout simplement les droits de l’homme et du citoyen. Même quand vous êtes en prison, lorsque vous êtes déchu de certaines libertés fondamentales, vous restez une personnalité juridique qui conserve des droits fondamentaux, comme se soigner ou se nourrir. Ensuite, il y a d’autres droits, comme la possibilité de fonder une famille, mais aussi de commercer. Je rappelle que l’échange, donc le commerce, est la base de la civilisation. C’est ce que rappelle notamment Lévi-Strauss. Donc, fermer des bars et des restaurants, c’est empêcher des gens de travailler et c’est empêcher la société de vivre, alors que ce sont des commerces essentiels. Au contraire de ce que l’on a pu dire, les bars et les restaurants sont des commerces essentiels, puisque c’est là que se construit la société et c’est là que se forgent des opinions. En 2005, au moment du Traité constitutionnel, je rappelle que la plupart des débats politiques ont eu lieu dans des bars ou dans des restaurants entre des gens qui ne se connaissaient pas. Le droit à l’expression et à l’échange d’opinions est une liberté fondamentale et les bars sont des lieux de sociabilité absolument essentiels. Les libertés fondamentales ont été restreintes et nous sommes donc entrés dans une période totalitaire. Hannah Arendt va plus loin en expliquant que le totalitarisme, ce sont des masses qui sont dissociées, individualisées et atomisées : donc, elles ne peuvent plus se rencontrer et, ensuite, on peut agir de manière tyrannique puisqu’elles ne peuvent plus se défendre.
Pour le comprendre, il faut déjà avoir une éducation et une certaine conscience. Mais beaucoup de gens ont pris du plaisir à cela, en réclamant même davantage de restrictions de libertés. De même que dans la sexualité, on a le sentiment que le plaisir et la douleur peuvent parfois se mélanger et, comme une sorte de perversion, la douleur de l’enfermement et du contrôle subi est devenue une jouissance pour certains…
Vous avez raison de rappeler cette perversion qui fait que des lois qui sont censées nous protéger sont celles qui nous ont mis dans des situations de danger, notamment en nous empêchant de nous soigner. Le thème de la perversion est fondamental. Il y a eu un rapprochement inconscient. Le confinement, la fermeture des bars, le fait de porter un masque, tout cela a été fait, selon les discours, pour protéger la population, alors que l’OMS définit la santé comme un bien-être psychologique et physique. On a bien vu, avec l’augmentation des troubles psychiques chez les jeunes, comme chez les personnes âgées, que ces mesures ont augmenté le mal-être et l’absence de soins, y compris pour des personnes qui avaient la Covid. On attendait que les symptômes s’aggravent et, malheureusement, lorsque les symptômes de la Covid devenaient graves, le pronostic vital des personnes était déjà engagé. On est dans le thème de la perversion narcissique, notamment lorsque le mensonge devient une vérité, ou lorsque la vérité n’est pas là où on le pense. On a manipulé la science en disant que l’on agissait au nom du vrai, alors que ce n’était pas le cas.
Tous ces gens comme vont-ils entrer dans l’histoire ou vont-ils tomber dans les oubliettes du passé ?
C’est une vraie question. Goebbels disait : « Soit nous passerons pour les plus grands génies de l’histoire, soit pour les pires monstres de l’histoire. » En France, on a toujours la volonté de laisser les cadavres dans les placards et de cacher les choses sous le tapis, comme à l’époque de Vichy. On sent très bien que l’on est passé du Covid à l’Ukraine et tous ces gens s’éclipsent en douceur. Monsieur Véran s’est reconverti dans la chirurgie esthétique et il tente de reprendre une vie civile normale, comme si de rien n’était. La justice tarde à être déployée contre ces personnes, malgré une multitude de plaintes, et l’on refuse que les ARS communiquent l’ensemble des informations administratives qu’elles ont reçues par la Direction générale de la santé à cette époque. Tous ces gens ne pourront plus être rattrapés. Maintenant, est-ce qu’on pourra les replacer au centre, même malgré eux, à travers un procès ? En réalité, le temps joue pour eux en France.
Il y a de nombreuses études sur la convergence entre les cancers, les maladies mortelles et les idées suicidaires, avec ce que l’on pourrait appeler le « degré d’emmerdement ». Le cumul de contrariétés quotidiennes, ce sont les taxes nouvelles, les impôts qui augmentent, la lettre recommandée que l’on reçoit parce que l’on n’a pas déclaré un cabanon dans son jardin, la contravention qui tombe si l’on s’arrête cinq minutes pour acheter son pain… Ces formes d’agressions récurrentes contribuent au développement de pathologies graves et d’envies de suicide. Tout cela ne relève-t-il pas du même débat ?
Vous avez raison. Michel Foucault appelait cela la gouvernementabilité, c’est-à-dire que l’État va essayer de faire de vous quelqu’un de conforme et d’obéissant à toutes ses volontés et rien ne doit échapper au pouvoir dans toutes ses formes. Donc, c’est vraiment l’administration qui prend le pouvoir sur tout ce que vous faites et qui intervient dans les moindres détails, y compris en rentrant chez vous, pour gérer la couleur des murs de votre maison ou la taille de votre haie… D’ailleurs, l’État a voulu accéder à tous les détails de nos transactions financières. Aujourd’hui, nous sommes surveillés numériquement, à travers nos téléphones et nos connexions Internet, et certaines lois permettent aux renseignements d’actionner à distance votre caméra et votre micro sans que vous le sachiez. Tout cela fait partie des processus totalitaires. Maintenant, on veut supprimer l’argent liquide pour faire en sorte que tout soit traçable. Il y a des volontés de fusion de fichiers administratifs pour rendre plus efficace le regroupement d’informations vous concernant et c’est déjà une forme de totalitarisme. On habitue les gens à être de plus en plus surveillés et punis.
Vous rappelez les propos d’Emmanuel Macron sur les non-vaccinés, qui ne faisaient pas partie de l’humanité. Il pourrait y avoir deux interprétations. Le professeur Montagnier avait déclaré que les non-vaccinés étaient l’humanité, parce qu’ils la sauveraient. Emmanuel Macron a-t-il voulu dire que les non-vaccinés devaient être considérés comme des sous-hommes ? Qu’en pensez-vous ?
Les deux interprétations sont complémentaires et donnent toute la dimension de la déclaration présidentielle. Effectivement, il s’agit bien d’humanité dans l’histoire de la vaccination. Derrière les totalitarismes traités par Hanna Arendt, il y a toujours une question d’évolution de l’humanité. On suppose que l’humanité va évoluer d’une certaine manière et qu’il faut accompagner cette évolution que l’on juge nécessaire à travers des lois scientifiques appliquées à l’être humain. Cela s’enracine dans le transhumanisme à travers l’idée que l’humanité va devoir s’augmenter de manière biotechnologique pour résister à un environnement de plus en plus dangereux, notamment à cause des virus qui vont se répandre, de manière naturelle ou artificielle. On considérera que les non-vaccinés disparaîtront de l’humanité qui évoluera de manière biotechnologique. À l’inverse, le professeur Luc Montagnier a très bien su dire que l’humanité se préservera à travers ceux qui résistent à la bio technologisation du corps qui doit nous conduire à l’être homme-machine. Ces deux conceptions de l’humanité s’affrontent. Je pense qu’Emmanuel Macron a pris le parti du cyborg, alors que le professeur Luc Montagnier avait gardé l’idée d’une humanité naturelle et biologique. On sait très bien que l’injection des vaccins ARN est en mesure de modifier le génome en ayant des effets structurels sur l’humanité à très long terme. C’est vraiment une question sur l’avenir de l’humanité.