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Willy Schraen : « Nous sommes dans une forme d’inquisition, parce que l’écologie est devenue quasiment une religion aujourd’hui. »

Le président de la Fédération nationale des chasseurs réagit au rapport sénatorial sur la chasse

La saison de la chasse a commencé le 18 septembre dernier. Or, au même moment, le Sénat a publié un rapport sur ce sujet. En effet, à la suite d’une pétition qui avait recueilli plus de 120 000 signatures, le Sénat avait lancé une mission sur la question de la sécurité à la chasse. Au centre des débats, s’inscrivait la volonté de certains élus et d’associations anti-chasse de créer un jour sans chasse. Cette demande a été écartée dans le rapport rendu par les sénateurs. Le Sénat a émis d’autres préconisations, comme la possibilité d’appliquer les mêmes restrictions en termes de consommation de drogue et d’alcool que pour le Code de la route. Autres propositions : le renforcement des formations fournies aux chasseurs, ainsi que l’obligation de fournir un certificat médical tous les ans. Un rapport que fustige la Fédération nationale des chasseurs, qui estime que ces mesures constituent des atteintes à la liberté : « Ce rapport sur la sécurité à la chasse, avec ses 30 propositions liberticides, a oublié d’en mentionner une 31e : interdire tout bonnement la chasse ! » Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs, est souvent présenté comme un proche d’Emmanuel Macron.

Kernews : L’image de la chasse est-elle devenue plus positive depuis quelques années, notamment sur le rôle écologique des chasseurs ? Ou êtes-vous plus partagé ?

Willy Schraen : Je suis plus partagé, car la chasse subit des attaques très dures sur le plan médiatique, pour la plupart injustifiées. D’autres peuvent être discutées, mais nous sommes dans une spirale où des partis politiques ont pris la chasse en point de mire. Ces gens font des listes d’interdictions pour le monde rural, dont la chasse, car il faut savoir que ces gens visent toutes les activités rurales liées aux traditions, aux transmissions ou à l’économie. C’est le tiroir-caisse politique de certains partis.

Est-ce le prolongement de la woke idéologie avec, par exemple, les récents propos sur le barbecue ?

Nous sommes dans une spirale de l’interdiction et de la stigmatisation. La chasse a toujours existé. Il y a toujours eu des gens qui n’aimaient pas la chasse, mais aujourd’hui les gens disent : « Je n’aime pas la chasse, je ne veux pas que tu chasses… Je ne mange pas de viande, alors je ne veux pas que tu en manges… » Nous sommes dans une intolérance extrêmement violente et brutale, et l’idéologie écologiste et animaliste est en train de gangrener notre société. Il y a toute une frange de la société, à laquelle j’appartiens, qui est stigmatisée et c’est très difficile à vivre.

Certains vont même jusqu’à dessiner des croix gammées devant les boucheries…

Notre société a beaucoup évolué et nous avons perdu pas mal de repères. On a bousculé beaucoup le système politique actuel, on a bousculé beaucoup de choses au niveau de la religion, puisqu’il y a un déclin, et vous avez toute une partie des gens qui se sentent seuls et qui ont besoin de se raccrocher à un idéal. Pour certaines personnes, l’écologie punitive est devenue un idéal et, à partir de là, elles brandissent cet étendard. Nous sommes dans une forme d’inquisition, parce que l’écologie est devenue quasiment une religion aujourd’hui, avec tout ce que cela peut représenter comme danger et comme violence vis-à-vis des gens qui peuvent ne pas partager cette position.

Cette violence ne peut-elle pas se comprendre si vous vous mettez dans la peau de ces gens qui prennent au premier degré tous les discours et croient sincèrement que le monde va s’éteindre d’ici à quelques années ?

Vous avez raison, il n’y a aucune prise de recul. Il est indéniable que nous sommes dans une phase de réchauffement climatique. Cette phase fait-elle partie des cycles habituels qui se sont produits sur notre planète ? La présence humaine a-t-elle une incidence directe ? Probablement oui, sur certaines parties de cette phase de réchauffement climatique. Pour autant, faut-il faire acte de contrition de tout ce que nous sommes et de tout ce que nous représentons ? On sait que la planète ne va pas disparaître dans vingt ou trente ans. Il y a des technologies, il faut accompagner cette mutation écologique, personne ne peut être contre cela. Mais il faut savoir mettre le curseur. On ne va pas tous vendre nos voitures et s’éclairer à la bougie en espérant que cela va sauver la planète. C’est n’importe quoi que de dire cela, mais il y a des gens qui le disent et, à force de le répéter, on fait peur aux gens. C’est un peu comme une religion. Les politiques qui s’expriment sur ce sujet font tout pour culpabiliser les gens. Cela alimente leur tiroir-caisse électoral, mais c’est tellement bien fait que cela amène leur auditoire à douter. Regardez comment on trie les déchets en France ! Nous sommes irréprochables par rapport au monde entier. Quand on voit l’impact carbone de notre pays sur l’échelle planétaire, nous sommes le modèle de ce qu’il faut faire. Néanmoins, on continue à s’acharner sur nous à des fins politiques. L’enjeu, derrière tout cela, c’est la nourriture. En effet, vous avez des gens qui ont investi beaucoup d’argent sur un changement alimentaire de la planète, avec la viande de synthèse et des brevets alimentaires liés aux végétaux. Ce n’est pas innocent. C’est pour cela que certains nous culpabilisent quand on mange une côte à l’os grillée sur un barbecue ! On est des machos et, en plus, on détruit la planète parce que l’on mange de la viande ! On est dans une psychose et même le monde politique qui n’est pas d’accord n’ose plus s’exprimer sur ce sujet. Je dis ce que je pense et je subis une violence sans limites. Il y a beaucoup de gens qui n’osent plus exprimer leurs convictions sur ce sujet, tellement les réseaux sociaux sont violents à leur encontre.

Il y a aussi des médecins qui redoutent d’évoquer les conséquences sanitaires de l’absence de viande sur l’alimentation, notamment pour les plus jeunes, avec les carences en fer, en protéines ou en vitamine B12…

Ils ont effectivement peur de dire cela, mais s’il y a un problème vis-à-vis de la viande, on peut toujours imaginer d’en manger un peu moins et de manger de la viande de meilleure qualité ! Nous ne sommes pas sourds à la question de la maltraitance animale. Les chasseurs et les ruraux comprennent tout cela. Mais partir sur l’idée d’imposer une alimentation non carnée à la population, avec des principes fallacieux, je trouve que c’est inadmissible. Il y a effectivement des hommes et des femmes politiques qui ont peur, mais il y a aussi des médecins qui ont peur. Nous sommes des prédateurs, nous sommes des êtres humains, nous avons besoin de manger de la viande : évidemment, nous sommes dans une époque moderne, mais il faut rappeler que cela a été la fonction de l’espèce humaine depuis toujours. Nous devons avoir un minimum de viande pour notre alimentation. Les gens ont le droit d’être vegan, je n’impose pas la chasse aux autres, alors je n’ai pas envie que l’on m’impose le veganisme. Mais ces gens qui choisissent de vivre sans manger de viande ont besoin de prendre des cachets divers et variés, sinon ils ne peuvent pas vivre normalement. On voit bien que le corps n’est pas fait pour cela. C’est une folie pour l’espèce humaine que de rentrer dans cette spirale de l’interdiction généralisée.

Le Sénat vient de publier son rapport avec 30 propositions sur la chasse et vous avez réagi dans de nombreux médias en soulignant qu’il aurait été plus simple d’interdire carrément la chasse… Lorsque le Sénat évoque l’interdiction de l’alcool, n’est-ce pas une manière déguisée de renforcer l’image du chasseur comme une sorte de beauf alcoolisé qui prend plaisir à tuer des animaux ?

C’est ce qui ressort ! J’ai beaucoup de journalistes qui me posent toujours comme première question : « Vous picolez les mecs ? » Mais le rapport est plutôt bien fait, parce qu’il dit beaucoup de bonnes choses en rappelant que l’on a divisé par quatre le nombre des accidents mortels à la chasse, alors que l’on a multiplié par vingt les coups de carabine à cause des gros gibiers. Le rapport indique qu’il y a eu une baisse de 74 % des morts à la chasse en vingt ans, sans aucune loi, seulement par une prise en main de la chasse française par ses dirigeants et par une prise de conscience de la nécessité d’être exemplaires en matière de sécurité. Vous avez une série de mesures que l’on peut discuter et vous avez une série de mesures que je ne comprends pas. Je me demande si la volonté du Sénat n’était pas de faire plaisir à tout le monde, y compris à ceux qui veulent l’interdiction de la chasse. Sur l’alcoolémie, il y a le taux d’alcoolémie, mais toute activité peut être dangereuse pour vous-même ou pour autrui, que ce soit le vélo, le ski, le golf, ou la pétanque. Donc, si l’on doit parler d’alcoolémie pour la chasse, alors parlons-en pour tout le monde, y compris pour le golf et la pétanque. Ce serait plus équitable. Il faut savoir qu’il y a moins d’une centaine d’accidents de chasse pour 30 millions d’actions de chasse dans l’année et nous avons en moyenne cinq accidents qui sont liés à l’alcool, donc cinq accidents sur 30 millions d’actions de chasse. Et l’on parle de faire une loi pour ça ! Ensuite, on veut interdire l’alcool à la chasse. C’est totalement liberticide ! J’aime la liberté et toutes ces ingérences à la vie privée commencent à peser sur les épaules de beaucoup de gens. C’est le sketch de la galinette cendrée… Il y a le bon chasseur et le mauvais chasseur, mais ils sont tous les deux bourrés… Dans le fond, les médias ne retiennent que ça et il est bien dommage que la commission sénatoriale soit tombée dans ce piège médiatique qu’il fallait éviter.

Quel peut être le rôle des chasseurs, face à la prolifération des sangliers en zone urbaine ?

C’est un problème mondial, il faut vraiment regarder ce qui se passe ailleurs ! L’année dernière, les dégâts de sangliers aux États-Unis ont représenté 1,7 milliard de dollars et c’est la même chose en Europe ou en Asie. Nous avons un animal opportuniste, qui se reproduit merveilleusement bien, et qui est compatible avec l’agriculture moderne, comme les très grands champs de maïs ou la nourriture sur pied, mais aussi toutes ces zones où l’on ne peut plus chasser. Je ne revendique pas la chasse dans ces zones. Je dis simplement qu’il faut trouver une solution face à ces animaux qui sont dans ces zones, car les dégâts sont considérables, donc heureusement qu’il y a les chasseurs. Nous avons une passion pour l’équilibre des écosystèmes. On peut dire ce que l’on veut, mais si l’on enlève la chasse demain, cela se chiffrera en dizaines de milliards d’euros pour les contribuables. Prenez les accidents de voiture et les accidents avec des animaux l’année dernière : si vous enlevez les chasseurs, imaginez les centaines de morts ! C’est bien gentil de taper sur les chasseurs, mais je pense que nous nous conduisons de façon exemplaire face à la violence que nous subissons, y compris lors des parties de chasse. On se fait insulter et on se fait cracher dessus… Face à cela, les chasseurs réagissent avec élégance, avec un sourire, et en continuant leur chemin. Remettre en cause l’existence de la chasse, c’est une folie totale. On est passé de 2 millions à 1 million de pratiquants. Il y a toujours 4,5 millions de personnes qui ont un permis de chasser et ces gens sont à l’image de la société, comme chez les écolos : c’est comme si je me mettais à stigmatiser les écologistes parce qu’il y a eu quelques affaires à connotation sexuelle chez leurs dirigeants… Ce n’est pas la majorité de ces gens, on s’en doute bien, et c’est la même chose chez nous. Je voudrais inviter tous les gens qui nous détestent à venir passer une journée avec nous. Nous avons une différence fondamentale avec eux : nous ne sommes pas violents et nous ne cherchons pas à changer le monde. Les chasseurs sont des gens heureux, on demande simplement que l’on nous foute la paix et que l’on nous laisse vivre notre passion.

Vous avez su rallier Emmanuel Macron à la cause de la chasse…

Effectivement. C’est une différence avec ses prédécesseurs : il a pris le temps de l’écoute et il a décidé de discuter avec le monde de la chasse. Les opposants disent que nous avons tout obtenu, c’est faux mais, pour la première fois, nous avons quelqu’un qui s’est occupé de près de 5 millions de personnes.

Est-ce aussi parce qu’il est en contact avec le monde rural de la Somme, via son épouse ?

C’est vrai, une grande partie de la belle-famille d’Emmanuel Macron est composée de chasseurs. Ce sont des gens qui chassent de père en fils et de mère en fille. C’est quelque chose qu’il connaît et j’imagine qu’il y a eu beaucoup de repas de famille où le sujet de la chasse était sur la table. Sans pratiquer cela, il sait ce que c’est. Il a aussi eu des liens très forts avec la ruralité, de par son histoire, notamment sa jeunesse dans les Pyrénées, puis dans la Somme qui est un grand département de chasse. Évidemment, il comprend mieux cela. Jusqu’à présent, nous avons eu des présidents qui étaient plutôt hors-sol vis-à-vis de cette question. Emmanuel Macron a l’intelligence de se poser et de discuter avec nous, alors que généralement on voit les présidents de la République avant l’élection et dans les six mois avant la deuxième élection. Avec Emmanuel Macron, j’ai une discussion au moins chaque année et c’est tout à son honneur.

Écrit par Rédaction

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