Pourquoi de plus en plus de Français veulent se mettre à l’écart de ce qui est « officiel ».
L’invité de Yannick Urrien : mardi 8 février 2022
C’est un phénomène de société que l’on observe depuis quelques années. Il s’est amplifié depuis la crise sanitaire et il mérite d’être analysé. Dans différents milieux ou groupes sociaux, des Français de plus en plus nombreux se détournent de ce qui est « officiel ». Certes, leur motivations sont différentes, les opinions politiques ne sont pas les mêmes, mais cela se constate dans la consommation, dans la pratique culturelle ou médiatique, ainsi que dans l’éducation. Cette tendance justifie l’attention de tous les sociologues et politiques pour permettre de comprendre l’évolution de l’opinion.
Yann Vallerie, rédacteur en chef du site Breizh-Info, publie son premier livre : « Sécession ». Il s’agit d’un pamphlet d’une centaine de pages, préfacé par Piero San Giorgio, dans lequel il dresse le constat de la phase terminale dans laquelle il estime que se trouve actuellement la République française. Cet ouvrage entend également proposer des pistes de réflexion, et d’action, aux hommes et aux femmes qui entendent ne pas pas se faire dicter par l’État ce qu’ils doivent penser, ce qu’ils doivent lire, ce qu’ils doivent manger, comment ils doivent éventuellement entretenir leur jardin… Le livre ne comporte pas d’ISBN, de code-barres, volontairement, parce qu’il n’est pas commercialisé sur les grandes plate-formes de distribution, mais uniquement via le site Breizh-Info et chez des libraires indépendants.
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Déjà, pour l’édition de ce livre, vous faites sécession des maisons d’édition traditionnelles, puisque vous l’éditez, sans numéro d’ISBN, en le vendant sur Internet ou chez des libraires qui l’acceptent…
Yann Vallerie : C’était un choix de départ. Je trouve assez scandaleux de payer 50 € à l’État, avant même de commencer à discuter sur la sortie d’un livre. C’est l’État pieuvre qui prend de l’argent à tout le monde et pour n’importe quoi. Donc, j’ai fait le choix de ne pas prendre d’ISBN et le livre se commande exclusivement sur le site Breizh Info ou dans des librairies qui acceptent de le prendre en dépôt. Je précise que c’est un droit que de ne pas prendre d’ISBN. Il n’y a rien d’illégal à cela.
Cela fait des décennies que l’on entend certaines personnes déclarer faire sécession. Lorsque des gens en ont eu assez du RSI, ils ont voulu faire sécession, quand ils en ont marre de l’immigration, ils veulent faire sécession dans une région tranquille, s’ils contestent la fiscalité, c’est la même chose, idem sur l’éducation…
En France, les gens ont tendance à considérer comme acquis et éternel le fait qu’il y ait une Ve République, comme si c’était une nouvelle divinité. D’ailleurs, quand nos responsables politiques parlent de la République, c’est quasiment de façon religieuse… Les Français ont donc tendance à croire que c’est quelque chose qui serait permanent. Pourtant, il n’est pas interdit de ne pas aimer la Ve République. Il y a eu d’autres modèles avant et il y aura sans doute d’autres modèles après. Donc, l’idée d’avoir une prise de conscience individuelle pour sortir des griffes de la Ve République progresse. Il faut apprendre à vivre sans la mainmise de l’État, qui vous demande des comptes sur tout et qui a les pires aspects de l’État soviétique et les pires aspects de l’État ultralibéral américain.
Le passe vaccinal est-il la goutte d’eau qui fait déborder le vase ?
Oui. La situation que l’on vit depuis deux ans a entraîné une profonde réflexion chez beaucoup de gens. Par exemple, on a vu beaucoup de personnes s’installer à la campagne pour quitter les grandes villes. Les deux années que nous venons de vivre sont l’aboutissement de l’effondrement d’un système, qui se défend très bien, et il y a une majorité de la population qui s’est pliée aux recommandations autoritaires du gouvernement. J’appelle ces gens les esclaves heureux de la liberté : tant qu’ils peuvent aller au restaurant et avoir un semblant d’impression de liberté, ils sont contents et ils appliquent les consignes ! À côté, vous avez une minorité de réfractaires, contre le passe vaccinal, contre la vidéosurveillance généralisée, contre la dépossession de notre droit à l’autodéfense… Ce sont des critères qui distinguent les hommes libres des hommes soumis. La volonté d’être libre passe forcément par la sécession à l’égard d’un État qui veut tout contrôler.
Pourtant, dans le système actuel, le moyen de faire sécession, c’est de l’emporter par la voie des urnes… Dans ce contexte, l’acte de sécession ne relèverait-il pas de la démarche de vaincus résignés qui souhaitent s’enfermer ?
Il n’est pas question de s’enfermer ! Je me suis toujours senti européen, mais c’est vrai, il y a la voie électorale. Libre à ceux qui y croient d’y croire. Ce n’est pas du tout mon cas et je pense que les élections sont biaisées depuis des années. Je ne dis pas qu’elles sont truquées, mais je dis que le processus électoral est biaisé en France depuis des années. La démocratie directe, comme c’est le cas en Suisse, n’arrivera jamais dans notre pays, parce que les institutions de la Ve République sont ce qu’elles sont. Il y a des résidus de jacobinisme qui font qu’il est impossible d’instaurer de vraies démocraties locales ou régionales. On peut continuer à espérer, élections après élections, mais j’ai voulu proposer autre chose. Le tout électoral est une impasse totale. On le voit bien dans l’abstention, qui progresse depuis des années. Il y a des gens qui n’ont rien à faire de la vie de la cité. C’est leur problème. Mais vous avez aussi toute une partie de gens qui ne croient plus dans les institutions et qui ne vont plus voter. C’est un peu leur acte de sécession.
Vous écrivez que la première des sécessions à accomplir consiste à fuir les métropoles pour investir massivement la ruralité et les villes moyennes. N’est-ce pas ce qui se produit depuis la crise sanitaire ?
Effectivement, la crise a été le déclencheur d’un changement géographique profond, avec des avantages et des inconvénients. Les gens ont voulu aller vivre dans la ruralité ou en bord de mer, mais la partie majoritaire est restée quand même vivre dans les métropoles. Il ne faut pas exagérer, les métropoles ne se sont pas vidées.
Pour autant, vous recommandez de ne pas tomber dans la contre-propagande à 100 %, surtout à l’égard des enfants, car il n’est pas question d’en faire des petits soldats. Vous prônez une sorte d’équilibre : c’est-à-dire vivre avec son temps tout en restant conscient de ce que l’on pourrait faire pour être un peu plus libre…
Mon pamphlet est radical, pas au sens extrémiste, mais au sens enraciné. Pas du tout extrémiste. Je pense qu’il y a un juste milieu à tout. C’est ce qui distingue les Européens des autres civilisations, ce côté sagesse et juste milieu : ce n’est pas pour rien que nous avons été les chantres du dialogue. Au-delà de se bagarrer, on a su argumenter et dialoguer. Lorsque je dis qu’il ne faut pas faire des petits soldats enfants identitaires, c’est le réflexe que peuvent avoir des gens par rapport à un système. Mais ils se trompent, parce qu’il y aura une rébellion à l’adolescence qui aboutira à ce que l’enfant pense à l’inverse. En plus, nous ne sommes pas là pour cela. J’ai été choqué de voir des enfants dans des manifestations, comme lors des Manifs pour Tous, car ce n’est pas la place des enfants, qui doivent rester dans leurs rêves et dans leur innocence. Les enfants n’ont rien à faire dans des manifestations ou dans des cours de bourrage de crâne politique, à l’école ou à la maison.
Ce qui est intéressant, c’est que votre livre aurait été considéré comme iconoclaste il y a seulement cinq ou six ans. Or, aujourd’hui, plusieurs éléments reflètent une vraie tendance. Ainsi, il y a de plus en plus d’écoles libres et d’enseignement dispensé à la maison et il y a de plus en plus de médias alternatifs. Il y a quarante ans, tout le monde connaissait Jean-Claude Bourret et Patrick Poivre d’Arvor, car nous regardions tous la même chaîne. De nos jours, il y a une segmentation très forte et il y a des gens qui connaissent par exemple le nom de Martial Bild, mais pas celui du présentateur de 20 heures de TF1. Certes, ce n’est pas une majorité, mais cela représente quand même des centaines de milliers de personnes. La sécession n’est-elle pas déjà en train de se produire ?
C’est intéressant, cette sécession se fait effectivement sous nos yeux ! Les gens qui vivent dans la ruralité ont fait sécession face à la société dominée par les métropoles. Il y a effectivement de plus en plus de parents qui mettent leurs enfants dans des écoles hors contrat et l’on observe que la République française voit d’un mauvais œil tous ces enfants qui ne sont plus dans l’emprise du public. Donc, il y a de nouvelles lois pour que la République puisse avoir le contrôle sur l’instruction de nos enfants. Il faut une autorisation pour faire l’instruction à la maison, avec toutes les conséquences que cela aura. Mais il y a un mouvement très fort des familles, certaines catholiques, d’autres qui défendent le bilinguisme, d’autres des pédagogies alternatives. C’est un mouvement minoritaire, mais qui compte de plus en plus. Sur l’aspect médiatique, il y a une segmentation avec des gens qui ne regardent plus les médias mainstream et, sur ce point précis, il faut faire attention. Il ne faut pas non plus tomber dans le piège du rejet systématique parce qu’un média est mainstream. Il y a de très bons journalistes dans la presse mainstream, y compris dans la presse locale, donc il ne faut pas tomber dans la segmentation exclusive. Si l’on ne lit que Breizh-Info ou si l’on ne regarde que TV Libertés, on se ferme très vite l’esprit et l’on a une vision de l’actualité qui est tout aussi biaisée que la personne qui ne lit que Ouest-France ou Le Télégramme…
En fait, le titre de votre livre est plus provocateur que son contenu, car vous n’incitez pas les gens à faire sécession en allant s’isoler dans une ferme du Larzac…
Non, le livre s’appelle sécession, mais pas sédition ! En plus, il serait tombé sous le coup de la loi. Je voulais surtout montrer aux gens qu’il n’est pas nécessaire de mener une révolution collective pour vivre de manière apaisée, hors d’un système qui est très puissant, sans doute en cours d’effondrement, mais qui ne veut pas des hommes et des femmes libres. Le système veut nous noyer dans un chaos qui va nous emporter tous. Je n’ai rien contre ce qui s’est passé dans le Larzac, mais ce n’est pas cela : il s’agit simplement de dresser les bases d’un espace libre qui permettront la reconquête de notre territoire. La sécession est faite pour mieux rebondir demain, attendre le réveil et reconquérir ce que nous devons reconquérir.
Le titre de votre dernier chapitre est « Divorcer pour ne pas mourir »…
Oui, je pense que ce divorce avec l’État permet aux gens de redevenir libres. Je pense que le passe sanitaire n’est qu’une étape. Demain, on va avoir le passe écologique et, en Suède, on vient de lancer une carte bleue qui peut se bloquer si vous avez trop dépensé en matière d’empreinte carbone ! Demain, on vous interdira d’avoir trois voitures parce que vous n’êtes pas assez nombreux. Il faut rapidement rompre avec ce système pour recouvrer sa liberté. L’aboutissement de tout cela serait le revenu universel. Beaucoup de naïfs en parlent, mais ce serait l’aliénation suprême, puisque ce serait tout attendre d’un État en concédant à cet État, si l’on n’est pas des enfants sages, de nous retirer le revenu universel ou de nous supprimer nos mutuelles. Une partie des gens aspire à cela, parce que c’est plus confortable d’avoir un État nounou mais, en même temps, il y a des millions de gens qui veulent simplement que l’État les laisse tranquilles pour qu’ils puissent vivre comme bon ils l’entendent. La Ve République a montré que son mythe du vivre ensemble ne fonctionne pas. Les gens vivent séparément. Maintenant, vous avez un président qui est élu à 51 % : cela veut dire qu’il y a quand même 49 % des gens qui ne sont pas contents et qui acceptent leur sort… Je dis simplement que l’on a le droit de ne pas accepter son sort. C’est une nécessité, il faut prendre son destin en main. Entre personnes intelligentes, même si l’on n’a pas les mêmes idées, on peut toujours travailler ensemble sur des sujets qui nous rassemblent.
Vous sous-titrez votre livre : « Comment vivre hors de la République française totalitaire ? » Si la République française était totalitaire, vous n’auriez pas pu écrire ce livre, vous n’auriez pas pu l’éditer et vous n’auriez pas la tribune que l’on vous offre sur notre média…
Effectivement, ce n’est pas le goulag… Mais c’est une République qui s’immisce dans nos vies de façon totale dans nos vies, c’est le sens du terme totalitaire. En France, il y a quand même aujourd’hui des dissidents, des écrivains, qui sont condamnés à des peines d’amende ou de prison. C’est quand même le début du totalitarisme quand vous commencez à aller en prison pour des écrits.