Nous abordons la politique de l’arbre à La Baule avec Philippe Gervot, maire adjoint à l’environnement à la mairie de La Baule, également en charge du Guézy et de la plage, et Marc Bréhat, directeur des espaces verts à la mairie de La Baule. Notons que la manifestation La Baule en Fleurs aura lieu le samedi 20 avril, de 13h à 18h, et le dimanche 21 avril, de 9h à 18h, au Parc des Dryades, avec de nombreux stands et ateliers.
Kernews : La politique de l’arbre est importante à La Baule car il s’agit aussi d’une question de survie pour la commune. Est-ce la base de votre politique ?
Philippe Gervot : Si la commune est aux petits soins de ses arbres, c’est parce qu’ils font partie du paysage, mais aussi parce qu’ils ont été plantés pour une raison défensive. Au XVIIIe siècle, la dune était une menace pour le territoire et, lors des États généraux de 1789, parmi les doléances des habitants, figurait ce problème qui mettait en péril le pâturage et le jardinage. Au début du XIXe siècle, un décret impérial a incité les communes menacées par les dunes à réaliser des plantations pour fixer ces dunes. Ensuite, lorsque le train est arrivé, des personnes sont tombées amoureuses du paysage qui était marqué par les arbres. C’est un paysage qui est aujourd’hui protégé.
Vous évoquez la dune comme une menace, mais elle est parfois présentée comme un rempart protecteur…
P.G : J’évoque des faits historiques. Il ne faut pas oublier qu’Escoublac a été ensevelie par le sable, donc c’était quelque chose de vécu comme une menace par les habitants. Sur le littoral, c’est autre chose, mais à La Baule nous sommes plutôt victimes de l’érosion. Par ailleurs, pour revenir à la politique de l’arbre, nous avons un paysage qui donne un caractère à notre territoire, une lumière tamisée, des senteurs de pins… Et c’est d’ailleurs ce que l’on sent en premier quand on arrive à La Baule en TGV. C’est une atmosphère qui contribue à développer une ambiance propice à l’apaisement et au bien-être. Même quand on se promène dans les rues, les arbres sont des protecteurs, les voitures trouvent leur place, les vélos également…
On entend souvent formuler des plaintes à propos des trottoirs défoncés par les racines d’arbres. Faut-il se résigner ?
P.G : La politique de l’arbre est un défi qui mobilise l’ensemble des services municipaux. Nous sommes conscients des contraintes et nous rencontrons régulièrement les Baulois pour leur apporter des conseils. Lorsqu’il y a des situations trop compliquées, nous n’hésitons pas à reprendre les rues : je pense au chemin des Grands Champs qui a été refait entièrement, car les pins constituaient une menace pour les trottoirs et les canalisations.
Comment travaillez-vous au sein du service des espaces verts ?
Marc Bréhat : Je voudrais compléter certaines choses. On ne sait pas que l’enrobé des rues maintient l’eau en dessous, donc il y a de l’eau. Les racines viennent et elles poussent l’enrobé. Si vous avez du béton, il y a beaucoup moins de soucis. Nous avons deux techniciens qui s’occupent exclusivement des arbres : un pour l’arbre public et un autre pour l’arbre privé. Celui qui s’occupe du privé est occupé toute l’année pour rencontrer la population autour de cette problématique. On abat des arbres pour des problèmes de voirie ou pour des problèmes dans des propriétés privées, mais il faut vraiment qu’il y ait des gros soucis. On essaie de vivre avec et il est très agréable d’être sous un arbre pendant l’été. J’ajoute que la biodiversité n’existerait pas si nous n’avions pas d’arbres !
Que faites-vous lorsqu’un arbre menace une toiture ou une fenêtre ?
P.G : Les habitants peuvent appeler les services de la mairie et les agents se déplacent pour apporter des conseils. C’est plutôt une richesse pour la commune. Quand il y a un problème, il faut faire preuve de discernement, analyser les causes, vérifier les enjeux de gravité et de probabilité, et nos services sont compétents pour cela. Dans 99 % des situations, les problèmes se règlent grâce à nos agents. La très grande majorité des arbres sont situés sur des propriétés privées et il faut trouver un équilibre. Pour préserver le paysage et pour léguer ce paysage aux générations futures, nous devons fixer des règles afin que les propriétaires de maisons particulières soient également parties prenantes. Nous leur demandons de respecter des règles lorsqu’il y a un élagage ou un abattage.
Quels sont les types d’arbres bien adaptés à notre commune ?
M.B : Nous avons deux sols différents. Il y a du sable sur toute la partie dunaire, à savoir le sud de la voie ferrée, mais nous avons des parties plus argileuses sur Escoublac et au Guézy, avec plus de chênes et de feuillus. Au centre de La Baule, avec le sable, le pin maritime est l’arbre le mieux adapté. Sur une avenue, nous avions planté des pins parasols. C’était très à la mode il y a une trentaine d’années, mais il a un enracinement extrêmement puissant et, à l’époque, on ne s’était pas suffisamment rendu compte de cela. Il y a 40 ans, on a aussi planté des peupliers d’Italie, or il n’y a rien de pire pour les réseaux ! Aujourd’hui, quand on refait des avenues, auparavant on avait des platanes, maintenant on plante des arbres qui gardent une certaine taille pour ne pas être obligé de les tailler tout le temps.
Est-on libre de planter l’arbre que l’on veut dans son jardin ?
M.B : Globalement oui, mais nous donnons quand même des conseils pour éviter des arbres qui ne seraient pas adaptés au niveau de leur taille. Il y a quelques modes en ce moment dans les plantations, par exemple avec le palmier, ce n’est pas un arbre, et l’olivier, qui n’est pas adapté à notre climat… Mais les gens plantent ce qu’ils veulent. Il y a aussi le bambou, qui est une herbe dont il faut extrêmement se méfier car elle est très invasive. J’ajoute qu’il y a un arbre très important à La Baule : c’est le chêne pédonculé. C’est l’arbre qui a le plus de biodiversité en Europe, avec plein d’animaux. En raison du réchauffement climatique, il est en train de partir vers le Nord. Cela veut dire que, peut-être, nous n’aurons plus de chênes pédonculés à La Baule dans une quarantaine d’années.
P.G : Beaucoup de Baulois ont un lien fusionnel avec les arbres et l’on rencontre des habitants qui nous expliquent avoir planté un arbre au moment d’une naissance ou d’un mariage. Le cadre réglementaire impose quelques contraintes, mais j’observe que nous avons des personnes extrêmement attentives car, lorsqu’elles entendent le bruit d’une tronçonneuse, elles nous appellent, parce qu’elles savent qu’il faut dix minutes pour trancher un arbre, alors qu’il faut cinquante ans pour en faire un arbre adulte…
Quel message souhaitez-vous faire passer auprès des Baulois ?
P.G : On perçoit parfois les agents de la ville comme des inspecteurs, or ce sont des personnes qui apportent un éclairage aux habitants et c’est un point important à souligner car ce sont des alliés qui apportent leur regard sur la connaissance de l’arbre. L’enjeu, c’est celui des générations futures. Aujourd’hui, on agit local et on pense global. Les arbres sont des puits de carbone. Il y a aussi tous les enjeux de la biodiversité, car la commune est un véritable laboratoire vivant et c’est un espace merveilleux.
Quel est l’avenir de l’arbre à La Baule, alors qu’il y a de plus en plus d’immeubles ?
M.B : La loi dit qu’il faut construire la ville sur la ville, c’est-à-dire qu’il faut densifier la ville pour ne pas aller manger des centaines d’hectares agricoles. C’est un gros souci, puisque les terrains rétrécissent de plus en plus. Après, il y a la tolérance et la non-tolérance des gens, car l’arbre fait des feuilles, l’arbre fait de l’ombre, il y a des pommes de pin qui tombent, il y a le bruit des oiseaux sur les arbres… On entend plein de choses !
P.G : Les arbres ont été plantés dans un souci de protection du site. Au début des années 80, la commune a incité les Baulois à en planter, c’était une démarche incitative. Ensuite, il y a eu le plan d’occupation des sols et différents dispositifs qui intègrent des règles de protection des arbres. Il y a des contreparties qui sont demandées aux habitants pour que les arbres continuent d’être toujours présents à La Baule.
Pour terminer sur l’entretien des espaces verts, avez-vous une politique de réduction des pesticides et des produits chimiques ?
P.G : En 2005, Cap Atlantique a signé une charte qui engage l’ensemble des municipalités du territoire pour le zéro pesticide. Cet objectif est atteint à La Baule. En revanche, les particuliers ne jouent pas le jeu. Je rappelle aussi que c’est interdit depuis le 1er janvier : l’achat et l’utilisation de pesticides sont interdits pour tout le monde. Nous avons un plan de désherbage et nous avons hiérarchisé les sites. Nous avons des équipements qui nous permettent de ne pas avoir d’herbes dans certains endroits. La réalisation de ce plan de désherbage fait débat. Mais on observe un mouvement inverse et les communes qui désherbent vont être de plus en plus montrées du doigt. On est dans un respect de l’environnement qui est beaucoup plus fort, particulièrement sur notre territoire.
M.B : L’idée n’est plus de désherber, mais de contenir l’herbe et d’apprendre à vivre avec la nature. J’ai sept agents à temps plein, rien que pour faire du désherbage manuel !
Peut-on avoir des hôtels cinq étoiles avec, à côté, des trottoirs présentant de l’herbe apparente ?
M.B : Il y a des techniques. Les trottoirs ne sont pas des endroits très favorables à l’herbe et, lorsqu’il a des plantes, nous les coupons. Dans les avenues bauloises, les herbes ne sont pas très hautes, les agents passent un coup de débroussailleuse trois ou quatre fois dans l’année et l’on arrive à contenir une végétation basse. Cela ne gêne personne. Cela permet de nourrir les insectes et les oiseaux. Cela participe à la vie biologique. Nous donnons aussi aux Baulois des plantes vivaces qui permettent de tapisser les pieds de murs.
Lorsque l’on discute avec des Parisiens, ils commencent à exprimer une crainte car, en raison du sans pesticide, on assiste à une prolifération de rats et, parfois, l’été, on doit éviter de se promener le soir avec certaines chaussures, au risque de faire mordre !
M.B : Oui, j’ai vu cela. Mais à Paris il y a les égouts et la problématique est moins prégnante à La Baule. En plus, les rats ne mangent pas l’herbe. Les rats musqués mangent l’herbe, mais il n’y en a pas à La Baule. Depuis toujours, partout où il y a des hommes, il y a des rats et des souris.