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Yves Métaireau : « J’ai vécu des périodes très heureuses en cumulant plusieurs activités. »

Yves Métaireau a été un homme public de premier plan sur la Presqu’île sur plusieurs décennies : élu pendant 40 ans, maire de La Baule durant 25 ans et président de Cap Atlantique pendant 20 ans, il relate son parcours dans un ouvrage intitulé « Les Tribulations d’un maire de France, de La Baule au monde », qui est disponible dans toutes les librairies de la Presqu’île. Dans ce numéro de mars, nous abordons avec Yves Métaireau sa carrière politique, mais aussi sa construction idéologique. Un entretien exceptionnel où de nombreux habitants de la Presqu’île pourront découvrir des facettes inattendues d’Yves Métaireau.

Kernews : Dans votre livre, vous revenez sur votre carrière et vos rencontres importantes. Mais on reste un peu frustré car on aurait aimé avoir davantage de commentaires sur la politique internationale ou la politique intérieure…

Yves Métaireau : Ce n’était pas vraiment un livre sur mes idées quant à la politique actuelle, y compris à l’international, puisque nous sommes au bord d’une guerre grave. Je voulais plutôt coucher mes mémoires et rappeler que j’ai passé une vie très heureuse à La Baule. J’ai été élu pendant 25 ans et, auparavant, j’avais passé 17 ans avec Olivier Guichard à me former à la vie publique.

L’ouvrage débute avec l’élection de Jacques Chirac en 1995. Toutefois, vous auriez pu commencer dès 1981, avec l’élection de François Mitterrand qui correspondait sans doute à votre envie de faire de la politique…

J’ai eu l’envie de faire de la politique en 1968, j’avais 22 ans. Il faut se rappeler que François Mitterrand et Pierre Mendès-France avaient été évincés par le Parti communiste, qui était le premier parti de France, et par les groupes formés par Cohn-Bendit. D’ailleurs, j’ai été un élève de son frère à Saint-Nazaire. C’étaient des fils de bourgeois totalement anarchistes, dont les communistes se méfiaient énormément parce que l’occupation de la Sorbonne – avec la violence menée par ces anarchistes – n’était pas du tout dans la ligne du Parti. Mitterrand a essayé de reprendre la main, mais il n’a pas réussi. Il a été obligé d’attendre 1981 pour gagner contre Giscard, grâce à Jacques Chirac qui lui a donné un bon coup de main pour se faire élire président de la République.

Votre réflexion révèle votre appartenance politique : vous en avez voulu à ces gaullistes de gauche…

Je ne sais pas si l’on peut dire que Jacques Chirac était un gaulliste de gauche… C’était un radical-socialiste. Mais il détestait Valéry Giscard d’Estaing.

Il y a eu cette fameuse lettre de Philippe Dechartre…

Ce n’est un secret pour personne que Jacques Chirac a fait voter pour Mitterrand au second tour. Cela a toujours été la tactique du RPF et du RPR, avec ces gens de droite qui se détestent cordialement…

Vous évoquez aussi la monarchie, avec une préférence pour un système proche de celui de l’Angleterre ou de l’Espagne…

Le général de Gaulle avait réalisé une Constitution très conforme à l’esprit français en indiquant que le président de la République devait être élu au suffrage universel, pour longtemps, afin de lui donner la possibilité d’agir en étant un recours en cas de difficultés dans notre pays. Le système constitutionnel hollandais ou britannique me paraît assez bon, dans la mesure où le roi est apprécié ou aimé…

Si c’est le roi, on n’a pas le choix…

Mais les Français ne sont ni anglais, ni hollandais ! Ils sont beaucoup plus frondeurs. On voit bien aujourd’hui qu’un président de la République élu pour cinq ans est en même temps un Premier ministre et un chef de parti, et c’est à lui que l’on s’adresse pour n’importe quelle revendication. Ce n’est pas un système heureux, parce que c’est un système qui se rapproche du système américain. Encore que ce système ait montré ses failles lors de la dernière élection de Joe Biden.

Le peuple arabe, qui est très frondeur aussi, aime le roi de Jordanie ou le roi du Maroc…

Ce sont des pays qui ont une longue tradition de pouvoir royal, mais ils ont gagné leur indépendance un peu difficilement, donc ils sont reconnaissants à leur souverain pour cela. En même temps, le roi est le chef religieux de tous les croyants.

Ainsi, lorsque vous vous êtes engagé en politique, ce n’était pas pour assurer vos fins de mois ou être invité à des avant-premières…

Autrefois, on vivait pour la politique, mais aujourd’hui on vit de la politique. Je me suis engagé en politique, auprès d’Olivier Guichard, vers 1971, en lui proposant de faire sa campagne pour la mairie de La Baule. C’était vraiment parce que j’avais un goût pour la vie publique et la politique.

Vous êtes plutôt libéral, à l’inverse des gaullistes qui sont plus étatistes. Comment vous entendiez-vous avec Olivier Guichard ?

J’étais très Algérie Française à une époque !

C’est d’ailleurs l’Algérie française qui a tracé ce clivage entre ceux qui sont allés à l’UDF et ceux qui ont rejoint le RPR…

Très souvent, je croyais à ce que de Gaulle disait quand il parlait de la France de Dunkerque à Tamanrasset. Nous avons été nombreux à avoir cru en cela. J’ai été profondément choqué par l’exil des pieds-noirs et par le massacre des harkis par le FLN et les hommes de Boumediene, qui étaient des canailles pour la plupart.

Vous vous êtes aussi beaucoup intéressé aux guerres de Vendée et à la chouannerie…

Les guerres de Vendée ont généré des héros. On remarque toujours que les circonstances de l’histoire créent des personnages exceptionnels. J’ai vu le film sur Charette. C’est un excellent film qui retrace intégralement la vérité historique de cette époque. Tous ceux qui pensent qu’il n’y avait pas une volonté de génocide en Vendée ne peuvent pas continuer à le dire, parce que c’est réellement l’extermination de la Vendée qui était voulue par la Convention à l’époque.

La disparition de votre père vous a amené à vous rapprocher de la Presqu’île au moment de votre service militaire…

J’ai fait mon service militaire en devançant l’appel et j’ai fait mes études secondaires après. J’avais envie de bouleversement dans ma vie. Je ne m’entendais pas toujours très bien avec ma mère après la mort de mon père lorsque j’avais dix ans. Nous n’avions pas les mêmes goûts. Alors, j’avais décidé de partir et j’espérais même aller en Algérie. Finalement, il y a eu la signature des accords d’Évian et j’ai vécu l’échec du putsch des quatre généraux avec une certaine forme d’intérêt. Le référendum sur l’indépendance de l’Algérie a été sans appel, puisque 99 % des Français ont donné l’indépendance à l’Algérie. J’ai fait mes 24 mois de service et je ne le regrette pas. J’ai rencontré des amis, des officiers de toute nature. C’était à Nantes. C’est ce qui m’a permis de travailler sur les guerres de Vendée et la chouannerie bretonne.

Vous évoquez aussi votre vie personnelle avec la rencontre de Claudine Métaireau. Tout s’est passé lors d’une soirée au cinéma. C’était le film « La Chinoise » de Jean-Luc Godard. Vous nous donnez une leçon : si vous souhaitez courtiser une femme, allez voir un film nul !

Je suis tout à fait d’accord ! Je n’ai jamais été maoïste et, après avoir vu « La Chinoise », je n’avais plus du tout envie ni d’être maoïste, ni d’être de gauche… J’ai rencontré Claudine ce soir-là et nous nous sommes mariés un an plus tard.

Il y a eu la rencontre avec Olivier Guichard : comment s’est-elle déroulée ?

Il était ministre. La Baule lui avait donné un bon score aux législatives de 1967 et aussi après la dissolution de 1968. Olivier Guichard s’est dit que le docteur Dubois avait 76 ans et il lui a demandé avec délicatesse de prendre sa place. Le docteur Dubois a refusé tout net, en disant qu’il se présenterait aussi et qu’il essaierait de le battre. De mon côté, j’avais monté un groupe d’amis pour réagir à la chienlit de 1968 et j’avais été le voir dans sa permanence de Guérande en 1971. Il était notamment avec Michel Rabreau, qui allait devenir son suppléant, et Joseph Ricordeau, un ancien policier qui habitait La Baule, qui allait devenir son homme de confiance mais aussi son directeur de cabinet. Je lui ai proposé de mettre à sa disposition mes amis pour faire sa campagne municipale à La Baule, parce que j’avais une certaine admiration pour l’homme. Il m’a regardé, il ne parlait pas beaucoup, et il m’a répondu « Pourquoi pas ». On a décidé de se revoir lorsque j’aurais expliqué à ses collaborateurs ce que je voulais faire. Ça s’est arrêté là. Il avait des yeux bleus très impressionnants, avec un sourire. Ce n’était pas un engagement, mais j’ai senti que le courant passait.

Vous précisez également que vous avez rencontré le SAC (Service d’action civique) et il reste encore important d’expliquer la situation de l’époque afin que les gens ne soient pas choqués. En réalité, le SAC avait été créé par le général de Gaulle, au moment où les communistes s’apprêtaient à bloquer le pays, et il fallait instaurer une force civile parallèle pour débloquer les raffineries et les transports…

Olivier Guichard m’avait demandé d’aller aider un député UNR de l’époque à Nantes. Je ne savais pas trop ce qui m’attendait. J’arrive à Nantes et on me demande d’aller voir le patron du SAC de Nantes qui tenait un restaurant vietnamien. C’était un ancien d’Indochine. Olivier Guichard faisait partie des barons du gaullisme, avec Jacques Foccart, et tous ces gens se connaissaient très bien. Jacques Foccart était un homme de réseaux. Le SAC m’a aidé sans faire de vagues, car il y a une différence entre le SAC dans le Midi de la France, qui s’est livré à des choses pas très recommandables, et le SAC du reste de la France que Jacques Foccart dirigeait très bien. Le service d’ordre était bien fait. J’avais aussi l’appui des jeunes de l’UJP et, finalement, Alexandre Bolo, contre toute attente, a été élu. Olivier Guichard m’a simplement dit en revenant à La Baule : « C’est bien, vous avez fait ce qu’il fallait, parfait. »

Votre vie professionnelle vous écarte du militantisme et, tout en travaillant par ailleurs, vous devenez maire de La Baule en 1995. Auriez-vous pu concilier cela aujourd’hui, alors que la fonction de maire devient de plus en plus technique et requiert de plus en plus de temps ?

Il suffit de s’organiser ! J’avais demandé conseil à Olivier Guichard et il m’avait répondu : « Dans la vie, pour bien vivre, il faut être débordé ». Finalement, en s’organisant, quand un cadre a l’expérience des entreprises privées, il peut mettre cette expérience au service de la vie publique et ce n’est pas du tout négatif, notamment en termes de management du personnel et de gestion financière. Tout cela me paraît très important. Je déplore qu’il n’y ait pas suffisamment de cadres qui se lancent dans la vie publique pour diriger des communes en France. La fonction de maire est très importante et je trouve que l’expérience que l’on acquiert dans un milieu professionnel privé est irremplaçable. On peut tout à fait, avec de la volonté, en étant engagé, cumuler deux ou trois métiers. Je sais que ce n’est pas la tendance aujourd’hui, mais j’ai été très heureux et j’ai vécu des périodes très heureuses en cumulant plusieurs activités.

Comment envisagiez-vous le développement de La Baule lorsque vous avez été élu ? Entre ce que l’on imagine et ce que l’on peut faire, on est souvent obligé de s’adapter aux circonstances…

Il faut avoir un projet. J’ai toujours été un partisan de l’investissement qui dure, de travaux pour une ville. Nous avons refait le centre-ville, l’avenue De Gaulle, le marché, une partie d’Atlantia, Escoublac, car c’étaient des projets indispensables. Il y a aussi les aléas de l’histoire, comme l’Erika en 2000 ou Xynthia ensuite. Donc, on doit s’adapter, modifier les budgets, s’organiser pour réagir contre des éléments extérieurs imprévus, comme le réengraissement de la plage. Ce qui est important, c’est la fondation de la communauté d’agglomération parce que, sur les grands travaux et les équipements qui coûtent très cher, comme les piscines, l’eau potable ou les stations d’épuration, c’est justement l’intercommunalité qui doit pouvoir faire cela au service de l’ensemble des communes. Ce n’est pas à la commune de tout faire. J’ai été élu pendant quatre mandats. J’avais indiqué clairement que j’arrêterais au bout de 25 ans. J’ai passé des moments très heureux et agréables à la tête de cette mairie, où j’ai été réélu à chaque fois au premier tour. J’ai vécu une époque heureuse, une époque que nous regretterons, où l’on respectait les élus, les gendarmes, les pompiers… Bref, un certain nombre de valeurs.

Écrit par Rédaction

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